PAR LE Pr JEAN-FRANÇOIS KOROBELNIK*
Dans les années 80, nous avons connu l'époque de la photocoagulation au laser pour les néovaisseaux extrafovéolaires et de la photocoagulation périfovéolaire quand les néovaisseaux atteignaient la zone rétrofovéolaire et que l'acuité visuelle avait beaucoup baissé. Durant les années 90, les techniques chirurgicales (chirurgie d'exérèse, translocation) ont constitué une voie de recherche et d'espoir. Malheureusement, les résultats des études prospectives ont montré l'inefficacité de ces chirurgies pour préserver l'acuité visuelle.
En 2000, est apparue la photothérapie dynamique avec la vertéporphine (Visudyne, Novartis), traitement conservateur, dont le risque est modéré et qui a une certaine efficacité pour ralentir la baisse d'acuité visuelle en cas de néovaisseaux rétrofovéolaires.
Tout a changé depuis l'apparition des anti-VEGF.
Depuis fin 2005, sont en effet utilisés les anti-VEGF, injectés par voie intravitréenne, dans le traitement des néovaisseaux choroïdiens liés à la dégénérescence maculaire liée à l'âge. Les médicaments utilisés sont le bévacizumab (Avastin, Roche) hors AMM, le pégaptanib (Macugen, Pfizer) et le ranibizumab (Lucentis Novartis). Le bévacizumab a été utilisé lorsqu'il était le seul anti-VEGF disponible, car de nombreuses études pilotes présentées dans les congrès ou publiées dans la littérature suggéraient une efficacité importante pour stabiliser ou améliorer l'acuité visuelle. Son emploi s'est considérablement réduit en France dans le traitement de la DMLA depuis la mise sur le marché et le remboursement par la Sécurité sociale, à 100 %, des anti-VEGF développés en ophtalmologie.
Le pégaptanib a été le premier à avoir l'AMM et le remboursement. Il a permis de démontrer le rôle du VEGF et du blocage sélectif de son isoforme 165 pour ralentir la perte d'acuité visuelle secondaire à la dégénérescence maculaire liée à l'âge exsudative (étude VISION comparant le pégaptanib au placebo). Il semble que cette activité soit liée à la fois à une activité antiangiogénique, et à une activité antioedémateuse. Les essais thérapeutiques et la commercialisation du pégaptanib ont permis à la communauté médicale ophtalmologique et aux patients de comprendre l'intérêt que pouvait présenter le mode d'administration par injection intravitréenne.
Les injections intravitréennes étaient utilisées pour administrer les antibiotiques dans les endophtalmies bactériennes ou les antiviraux dans les nécroses rétiniennes virales. Elles ont également été largement employées pour injecter des corticoïdes à visée anti-oedémateuse dans l'oedème maculaire du diabétique. Leur utilisation s'est généralisée dans le traitement de la DMLA. Nous avons maintenant une bonne connaissance des risques liés au mode d'administration. Les grandes études ont en effet permis d'identifier des risques, très faibles mais non nuls, d'infections endo-oculaires, de décollement de rétine, de blessure du cristallin dans les yeux phaques. Les risques infectieux ont été particulièrement étudiés, et des recommandations d'hygiène et d'asepsie pour la réalisation des injections intravitréennes ont été écrites. En France, elles ont été développées et diffusées par l'AFSSAPS.
Le ranibizumab a obtenu son remboursement par la Sécurité sociale en juillet 2007. C'est un anti-VEGF non sélectif, qui bloque toutes les isoformes du VEGF. C'est peut-être ce qui explique son efficacité, qui a été nettement démontrée dans deux grandes études prospectives et randomisées (ANCHOR le comparant à la PDT dans les néovaisseaux visibles et MARINA le comparant au placebo dans les néovaisseaux occultes). Son emploi s'est alors largement répandu dans le traitement de la forme exsudative de la DMLA. Des études complémentaires sont en cours pour savoir s'il est possible d'espacer les injections, et si un traitement associant ranibizumab et PDT avec Visudyne permet d'obtenir un résultat similaire, mais plus durable.
Le suivi de ces patients reste l'objet de discussions.
Quelle est la fréquence nécessaire des injections intravitréennes d'anti-VEGF ? Toutes les quatre semaines pour le ranibizumab, toutes les six semaines pour le pégaptanib ; à titre systématique ?
Faut-il plutôt surveiller régulièrement le fond d'oeil et la rétine en OCT, pour déceler précocement une réactivation de la néovascularisation, une réapparition de l'oedème intrarétinien et alors seulement retraiter ?
Enfin, beaucoup de nouveaux médicaments sont en développement partout dans le monde. Il s'agit dans la plupart des cas de médicaments administrés par voie intravitréenne, visant à bloquer l'action du VEGF. L'un d'eux est le VEGF-Trap, un leurre du récepteur au VEGF, codéveloppé par les laboratoires Regeneron et BAYER. Il existe également plusieurs siRNA dont le mode d'action est le blocage de la synthèse de VEGF. Il existe enfin des travaux sur des inhibiteurs agissant au niveau du récepteur du VEGF ou au niveau d'une tyrosine-kinase située en aval du récepteur du VEGF. Tous ces médicaments sont en phase II ou III de développement. Cela signifie que les essais cliniques sont en cours, à la fois pour déterminer la dose efficace et pour démontrer une efficacité par rapport au traitement de référence qui est un anti-VEGF non sélectif. En effet, il n'est plus éthique en 2008 d'avoir un groupe placebo non traité dans les études sur la DMLA exsudative. Il faut donc attendre les résultats de ces essais cliniques pour savoir si des alternatives thérapeutiques seront possibles ou bien si les associations thérapeutiques permettront d'obtenir des résultats supérieurs à ceux que nous connaissons aujourd'hui.
* CHU de Bordeaux.
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