DE NOTRE CORRESPONDANTE
LE CANCER DE L’OVAIRE est la principale cause de mortalité par cancer gynécologique. Une histoire familiale de cancer ovarien est associée à un doublement du risque de développer ce cancer, même après prise en compte des mutations des gènes connus pour conférer une susceptibilité majeure, ce qui suggère que d’autres gènes de susceptibilité à faible pénétrance restent à identifier.
Un consortium international de chercheurs a mené récemment une étude génomique d’association chez 1 800 femmes atteintes de cancer ovarien (cas) et 2 400 femmes témoins (phase 1), puis ré-analysé 22 000 SNP chez 4 100 cas et 4 800 témoins (phase 2). Ce qui a conduit à l’identification confirmée d’un locus de susceptibilité sur le chromosome 9p22 dans le gène BNC2, encodant la basonucline 2 (« Nature Genetics », 2009, Song et coll.).
Dans une nouvelle étude (Goode et coll.), le même consortium a ré-analysé les données de la phase 1 et 2 en distinguant cette fois-ci le type séreux des autres types du cancer ovarien (mucineux, endométrioïde, et à cellules claires). Les chercheurs ont réussi à identifier 9 loci candidats supplémentaires, qui ont été génotypés dans une autre série de 4 300 cas et 6 000 témoins.
Résultat : les chercheurs ont pu confirmer 2 nouveaux loci de susceptibilité : 8q24 (gène myc) et 2q31 (gènes HOX), et ils ont identifié 2 autres loci candidats, 3q25 (gène TIPARP) et 17q21 (gène SKAP1). Ces 4 loci de susceptibilité sont davantage associés au type séreux, la forme la plus fréquente et la plus agressive des cancers ovariens.
Des suspects familiers.
« Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour préciser les gènes et les variants dans ces loci qui pourraient contribuer au cancer ovarien », souligne le Dr Ellen Goode (Mayo Clinic a Rochester, Minnesota) qui a dirigé l’étude. « Toutefois certains des loci contiennent des suspects familiers. Des variants communs de 8q24 sont déja connus pour conférer une susceptibilité à plusieurs cancers (prostate, colon, sein et vessie), aussi il n’est pas tellement surprenant de trouver là un variant lié au cancer de l’ovaire. Cependant, 3 des variants SNP sur 8q24 résident loin du gène MYC, dans un désert apparent de gènes, ce qui suggère qu’ils pourraient causer des problèmes fonctionnels par un mécanisme différent. »
Dans une seconde étude d’association génomique en 3 phases de Bolton et coll., le consortium a recherché des variants associés a la survie chez 9000 femmes atteintes de cancer ovarien.
Ils ont identifié deux variants SNP sur 19p13 qui sont associés au temps de survie dans le cancer ovarien. Dans une analyse parallèle, ces variants sont aussi associés au risque de cancer ovarien de type séreux. L’un de ces variants réside dans le gène C19orf62 (ou gène MERIT40) connu pour interagir avec le gène BRCA1.
Dans une troisième étude d’association génomique d’Antoniou et coll., le consortium a recherché des variants génétiques qui pourraient modifier le risque très élevé de cancer du sein dû aux mutations BRCA1 (chr. 17).
On sait en effet que les femmes portant une mutation de BRCA1 ont 67 % de risque de développer un cancer du sein avant l’âge de 70 ans, et 40 % de risque de développer un cancer de l’ovaire.
En étudiant 2 400 femmes porteuses de mutations BRCA1 - dont la moitié atteinte d’un cancer du sein avant l’âge de 40 ans (cas) et l’autre moitié sans cancer du sein après l’âge de 35 ans (témoins) - ils ont identifié 96 variants SNP, lesquels ont été ré-analysés dans une étude de réplication chez 6 000 femmes BRCA1 (moitié avec cancer du sein, moitié non affectée).
Résultat, ils ont découvert 5 variants SNP sur 19q13 qui majorent ou abaissent légèrement le risque de cancer du sein chez les porteuses de mutations BRCA1. Cela n’est que le premier pas d’une étude plus grande pour identifier d’autres facteurs génétiques qui modifient le risque de cancer du sein chez les porteuses de mutation BRCA1.
En analysant ces 5 SNP dans 2 autres séries de cas-témoins (6 800 cas de cancer du sein et 6 600 témoins ; 2 300 cas de cancers du sein triple négatif, ou sans expression des récepteurs pour l’estrogène, la progestérone et l’HER2), les chercheurs ont découvert que le locus 19q13 est aussi associé dans la population générale au cancer du sein triple négatif.
Les deux cancers.
« Ces résultats devraient être utiles pour aider à déterminer le risque individuel de cancer du sein chez les femmes porteuses de BRCA1. Ils procurent également des éclaircissements sur le cancer du sein négatif pour les récepteurs hormonaux dans la population générale », note le Pr Fergus Couch (Mayo Clinic, Rochester, Minnesota) qui a dirigé cette étude. « Notre étude montre que la même région génétique 19q13 joue un rôle à la fois dans le cancer du sein et le cancer de l’ovaire, ce qui suggère que la même voie altérée peut causer les deux cancers, à l’instar des gènes BRCA1 et BRCA2. C’est important car cela suggère que les femmes qui portent certaines versions de ce segment ADN pourraient bénéficier d’une plus grande surveillance pour les cancers du sein et de l’ovaire », remarque le Pr Simon Gayther (University of South California) qui a dirigé la seconde étude sur le cancer de l’ovaire.
Nature Genetics, 19 septembre 2010, Ellen Goode et coll., Kelly Bolton et coll., Antonis Antoniou et coll., DOI: 10.1038/ng.668, DOI: 10.1038/ng.666, DOI: 10.1038/ng.669
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