LES TECHNIQUES ANESTHESIQUES et les traitements mis en œuvre lors de la chirurgie cardiaque ont considérablement évolué depuis une vingtaine d'années. On assiste à un changement de profil des patients, ce qui rend nécessaire la modification des stratégies de prise en charge en per- et postopératoire. Cela est possible grâce à la meilleure connaissance et à la mise en œuvre de concepts physiologiques et pharmacologiques nouveaux. Ils permettent, en particulier, de redéfinir la pratique anesthésique dans le cadre de la chirurgie cardiaque. Le « fast-track », expression anglo-saxonne le plus souvent non traduite en français, mais qui pourrait être rendue par « processus accéléré », met l'accent sur la ressemblance de plus en plus évidente des soins postopératoires en chirurgie cardiaque avec ceux qui sont pratiqués en salle de réveil ; il s'agit de l'un de ces concepts novateurs. Le « fast-track » a été mis en place initialement pour permettre une extubation plus précoce et réduire les coûts des soins en salle de réanimation postchirurgicale de chirurgie cardiaque. L'anesthésie analgésique morphinique telle que pratiquée auparavant retardait le sevrage de la ventilation assistée après chirurgie cardiaque.
L'expérience clinique et de nombreux travaux ont mis en évidence l'intérêt de molécules à élimination rapide, comme le rémifentanil dans ce contexte. Cette molécule est métabolisée très rapidement par les cholinestérases tissulaires, la décroissance de sa concentration plasmatique n'est pas dépendante de sa redistribution et est également très rapide. En outre, la constante de temps entre le sang et les sites actifs est très brève. Il est donc possible de faire varier très rapidement la concentration plasmatique du rémifentanil. Il en résulte une variation très rapide de l'effet et une maniabilité exceptionnelle. L'adjonction d'hypnotiques comme le propofol permet de moduler la dose d'opiacé et autorise l'extubation rapide sans compromettre l'équilibre hémodynamique du patient, à condition de prévoir la prise en charge anticipée de sa douleur postopératoire. Les protocoles anesthésiques permettant le « fast-track » en chirurgie cardiaque sont en passe de devenir des pratiques largement acceptées pour la prise en charge de ce type de patient. Leur intérêt potentiel est également très important dans le cadre de la chirurgie mini-invasive ou robotique. L'expérience du département d'anesthésie-réanimation du centre hospitalo-universitaire Sart-Tilman, de Liège, telle qu'elle a été notamment relatée dans le numéro de janvier 2004 de la « Revue médicale » de Liège, est particulièrement démonstrative. La sécurité à un an du « fast-track » dans le contexte du pontage aorto-coronaire a été, par exemple, démontrée par une équipe de Toronto (Ontario, Canada) dans une publication de la revue « Anesthesiology » (2003 : 98 ; 651-7).
De l'Aivoc au préconditionnement myocardique.
D'autres protocoles améliorent la prise en charge des patients en période péri-opératoire. C'est, par exemple, le cas de l'anesthésie intraveineuse à objectif de concentration (Aivoc). Il s'agit d'une technique d'aide à la prescription qui permet de contrôler l'intensité et la durée de l'effet d'une anesthésie en maintenant la concentration théorique plasmatique d'hypnotique et/ou de morphinique au niveau préprogrammé. L'utilisation de l'index bispectral est un complément quasi indispensable de cette technique. Il s'agit d'un paramètre calculé à partir de l'électroencéphalogramme spontané des patients sous anesthésie générale. Sa valeur donne une estimation du niveau de sédation ou d'anesthésie. Il permet ainsi de guider l'administration des agents anesthésiques pour maintenir un niveau stable d'anesthésie quelle que soit l'intensité de la stimulation chirurgicale. Son utilisation permet de réduire les risques de mémorisation et facilite la titration des anesthésiques. Le réveil est ainsi plus rapide. L'index peut prendre une valeur qui va de 0, qui correspond au sommeil très profond, à 100 chez le sujet éveillé. L'électroencéphalogramme est recueilli à partir d'une électrode autocollante disposée sur le front et la tempe du patient après dégraissage de la peau. Elle est reliée à un convertisseur amplificateur, lui-même relié à un moniteur fabriqué par la firme Aspect Medical System. A l'heure actuelle, la boucle est bouclée : les variations de débit d'administration des agents de l'anesthésie (hypnotiques et morphiniques) sont asservies au variations de profondeur d'anesthésie mesurées par le BIS
Le préconditionnement myocardique est une autre méthode d'avenir dans le domaine de la chirurgie cardiaque. Il exploite un phénomène, connu, de tolérance à l'ischémie acquise par le myocarde à la suite d'un ou de plusieurs épisodes préalables d'ischémie. Ce préconditionnement assurerait une cardioprotection préventive efficace. Dans le cadre de la chirurgie cardiaque, le préconditionnement myocardique peut être réalisé avec des anesthésiques volatils. Cette stratégie permettrait de rendre le myocarde résistant à l'ischémie péri-opératoire. Il a, par exemple, été récemment montré par K. Julier et coll. (Lausanne, Suisse) que le préconditionnement par le sévoflurane permet de préserver les fonctions myocardique et rénale en cas de pontage aorto-coronaire avec cardioplégie. D'autres pistes sont en cours d'évaluation, notamment le contrôle du choc cardiogénique par l'équilibre glycémique pré- et peropératoire. Cette piste sera l'objet d'un futur protocole piloté par B. Ait-Mamar et coll. dans l'unité d'anesthésie en chirurgie cardiaque de l'hôpital Henri-Mondor.
D'après un entretien avec le Dr O. Rosanval, hôpital Henri-Mondor, Créteil.
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