ÇA COMMENCE souvent par une chute (400 000 chutes par an chez les plus de 65 ans, selon une enquête de l'InVS, Institut national de veille sanitaire en 2002) ou un petit accident de santé. Au retour de l'hospitalisation ou à la fin de l'épisode, le verdict tombe : «Vous ne pouvez plus rester tout(e) seul(e).» La famille, qui n'est pas toujours écoutée, compte souvent sur le médecin traitant pour convaincre de prendre une aide à domicile et/ou un service de télésurveillance. Parfois, c'est le phénomène inverse qui se produit, et c'est le patient qui réclame d'être rassuré à tout prix. C'est le médecin traitant qui va certifier l'état de dépendance qui donnera accès à certaines aides (voir encadré). Lui encore qui peut conseiller le patient âgé et ses proches. à condition d'être bien informé sur ce secteur très foisonnant.
Un secteur dynamique, mais pas encore reconnu.
« Technologies nouvelles susceptibles d'améliorer les pratiques gérontologiques et la vie quotidienne des malades âgés et de leur famille. » Le rapport du Dr Vincent Rialle, praticien hospitalier, remis à Philippe Bas, éphémère ministre de la Santé et de la Solidarité, n'a pas rencontré – il est vrai qu'il est sorti en mai 2007 ! – beaucoup d'écho médiatique, mais il a le mérite d'offrir une bonne synthèse du sujet. Le rapport identifie que l'innovation médicale et sociale en gérontologie est étayée par l'innovation technologique. Il constate qu'il y a beaucoup de prototypes et de jeunes entreprises innovantes. Mais que les technologies ne sont ni reconnues ni prescriptibles, même quand la maladie est prise en charge à 100 % (comme Alzheimer). Il réclame une révision de la liste des aides techniques prises en charge, ainsi que la mise en oeuvre de structures de «technovigilance», pour éviter les risques d'usages abusifs. Il recommande l'évaluation des gérontechnologies (en les pondérant par l'évaluation du service rendu) et leur enseignement auprès des professionnels de santé.
Ce sont d'ailleurs les idées propagées par la Société française des technologies pour l'autonomie et de gérontechnologie (SFTAG), née en février 2007 à l'initiative du Pr Alain Franco. Une consultation de gérontechnologie a démarré tout doucement l'an dernier au CHU de Grenoble. C'est le mardi matin au centre de gérontologie Sud. « D'une part, nous faisons de l'information en recevant des responsables de maison de retraite et, d'autre part, nous faisons de la clinique avec des personnes adressées par un gériatre ou un médecin traitant. Nous essayons de les suivre en nous déplaçant chez elles. Il s'agit d'évaluer les personnes pour voir comment les technologies peuvent les aider. Car les technologies sont là, mais pas le savoir-faire», souligne le Pr Franco.
Le service global des « assisteurs ».
C'est aussi ce qu'essayent de faire les ergothérapeutes envoyés au domicile des personnes âgées par les sociétés d'assistance. Ce bilan est souvent le premier service offert dans le cadre des contrats dépendance des assureurs.
Des contrats dont les prestations sont prises en charge par les assisteurs. Les Mondial Assistance, AXA Assistance, Europ Assistance, etc., ont ajouté depuis quelques années les services à la personne à leurs traditionnelles activités d'assurance voyage, de rapatriement sanitaire d'urgence et d'assistance médicale ou aux automobilistes. Ils se retrouvent en première ligne pour les services qui accompagnent le retour après hospitalisation et le maintien à domicile des personnes âgées. « L'assistance santé croît de 15% par an», selon Laurent Goldstein, directeur santé de Mondial Assistance France. C'est lié aux besoins des bénéficiaires d'avoir une aide globale dans l'organisation des soins. Les assisteurs s'occupent de tout. D'envoyer une aide à domicile, de faire un bilan de vie avec les personnes et d'assurer une téléassistance.
La téléassistance, un service sous-utilisé en France.
En France, il y aurait environ de 250 000 à 300 000 personnes abonnées à un service de téléassistance leur donnant accès à une plate-forme. De l'avis général, «c'est un service extrêmement utile qui permet de sauver des vies». Mais sous-utilisé. Les besoins sont évalués à deux millions de personnes : un million de bénéficiaires de l'APA et un million de personnes isolées.
«Le problème, c'est la stigmatisation de l'outil vécu comme un dispositif antichute», souligne Laurent Goldstein, alors que d'autres en ont fait un objet du quotidien. «Il faut arriver à gommer l'image de la téléalarme sociale, vécue comme un traumatisme, estime le Dr Christian Boutineau, président de Filassistance Services (filiale de CNP Assurances), en offrant des services de maintien d'une certaine qualité de vie quotidienne. » Une façon de donner aux seniors non encore dépendants l'habitude de la téléassistance. «C'est un secteur difficile à pénétrer, on ne progresse que très lentement, reconnaît le Dr Paul Verdiel, fondateur d'H2AD, nous souhaitons toucher un public plus large sur de la prévention précoce.» D'où la boutique en ligne masantechezmoi.com et son réseau de magasins qui propage ses services.
La plate-forme d'appels apporte du lien social.
Pour les personnes seules ou dépendantes, la téléassistance n'apporte pas qu'une sécurité, mais aussi du lien social. « On est souvent la seule famille de nos abonnés», remarque le Dr Boutineau.
Chez Présence Verte, on note que plus de 30 % des appels sont dits de «confort». Cela fait partie du projet médico-social de maintien à domicile. « Nous recevons beaucoup d'appels le matin de bonne heure qui servent à gérer les angoisses, souligne Nicole Pochat, directrice du marketing et de la communication d'Europ Assistance France (30 000 abonnés au Biotel). Certains appellent tous les matins. La personne âgée attend celle qui vient lui ouvrir les volets. Elle a besoin d'être rassurée, elle demande le temps qu'il fait.»
Jean-Michel Courtant, directeur du développement et des partenariats d'AXA Assistance,évalue à «neuf appels sur dix les appels de convivialité» reçus par le Fil Bleu.
A l'autre bout du fil, il y a en effet les conseillers de plates-formes médico-sociales des assisteurs. «Créée sur la notion d'urgence et de rapatriement sanitaire, notre plate-forme de Châtillon, explique Jean-Michel Courtant, comprend quatre niveaux d'intervention: des conseillers en économie sociale et familiale au niveau1, des assistantes sociales au niveau2, des infirmières, des psychologues, des diététiciennes et des juristes au niveau3, et des médecins, si nécessaire, puisque nous avons quarante médecins de régulation.»
Certaines plates-formes sont complètement médicalisées, comme celle d'H2AD qui travaille avec des personnes qui font des soins à domicile dans le cadre de la HAD (hospitalisation à domicile). Cette plate-forme sécurisée dispose d'un dossier médical en ligne des personnes abonnées (10 000).
A côté des plates-formes d'appels et de leurs vingt-cinq ans d'expérience arrivent des systèmes experts qui analysent la situation de la personne âgée à partir des mesures prises dans son environnement. Mais, au bout du compte, quand l'alarme est donnée, c'est toujours l'humain qui intervient.
Le marché ne pourra que s'étendre.
Où trouver des aides financières ?
Les dispositifs utilisant les nouvelles technologies ne sont pas (pour le moment ?) prescriptibles sur ordonnance.
On peut espérer que la production de masse permettra de baisser les coûts.
En attendant, il existe des aides de plusieurs natures :
L'APA, allocation personnalisée d'autonomie, est fonction du niveau de dépendance (GIR 1 à 4) et des revenus. Le montant maximal va de 518,55 euros en GIR 4 à 1 208,94 euros en GIR 1. Le médecin traitant est consulté lors de l'instruction de la demande au conseil général.
Prise en charge par les conseils généraux et autres collectivités de service d'aide à domicile ou de télésurveillance.
Loi Borloo sur les services à la personne. Un certain nombre d'activités de services (dont des abonnements à la téléassistance) favorisant le maintien à domicile ont reçu un agrément et apportent une réduction d'impôt égale à la moitié de la dépense limitée à 12 000 euros. Ce plafond est majoré de 1 500 euros pour les plus de 65 ans, et passe à 20 000 euros pour les personnes invalides.
Des déductions d'impôts et des aides sont également accordées pour l'aménagement de l'appartement.
Les assurances dépendance proposées par les assureurs. On souscrit le contrat entre 50 et 75 ans. A titre d'exemple, à 60 ans, une cotisation de 30 euros/mois va assurer 500 euros de rente, 50 euros/mois, 800 euros. On peut aller jusqu'à 3 500 euros. La couverture concerne la dépendance totale ou partielle.
A noter, la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), instituée par la loi du 30 juin 2004, finance les aides pour les personnes âgées dépendantes et handicapées en subventionnant les actions innovantes des structures (structures d'accueil, modernisation des services d'aide à domicile, etc.). Elle contribue au financement de l'APA.
Elle a ouvert en partenariat un site sur les aides techniques : www.aides-techniques-cnsa.fr.
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