CES QUINZE dernières années ont été marquées par une progression notable de la compréhension de la physiopathologie du myélome multiple (MM). Les anomalies cytogénétiques qui le caractérisent, les processus de survie et de croissance des plasmocytes malins dans la moelle osseuse, les interactions entre l'environnement médullaire et ces cellules, ainsi que les mécanismes de l'ostéopathie myélomateuse sont mieux connus.
Des anomalies cytogénétiques ayant un poids pronostique important ont été identifiées. Les altérations moléculaires mises en évidence reflètent, au moins pour certaines d'entre elles, des mécanismes différents de développement de la maladie. Les travaux dans ce domaine ont abouti, récemment, à l'établissement de profils d'expression génique (Gene Profiling) qui pourraient donner lieu à de nouvelles classifications génétiques et pronostiques. Par ailleurs, on sait que, pour se développer, les cellules myélomateuses nécessitent un environnement médullaire favorable dans lequel les cytokines, principalement l'interleukine 6, jouent un rôle essentiel. Ce concept est à la base de quelques-uns des nouveaux médicaments. Enfin, la découverte du système ostéoprotégérine/Rank/Rank ligand a constitué un progrès majeur dans la compréhension des mécanismes de l'ostéolyse observée dans le MM.
Les traitements actuels.
Chez les patients « jeunes » (65 ans ou moins), des avancées thérapeutiques significatives ont été réalisées, en particulier grâce à l'autogreffe de cellules hématopoïétiques (CSH). Avec l'autogreffe, le gain en terme de durée de survie, de l'ordre de 1 ou 2 années, peut paraître modeste, mais il n'est pas négligeable eu égard à la médiane de survie avec le traitement standard, l'association melphalan + prednisone (MP), qui est d'environ 3 ans. La supériorité deux autogreffes consécutives (autogreffes « tandem ») sur une seule, retrouvée dans une étude française récente, reste à démontrer formellement. Quoi qu'il en soit, à l'heure actuelle, sauf contre-indication au traitement intensif, tous les malades de cette tranche d'âge bénéficient d'une autogreffe de CSH, précédée d'une phase de réduction tumorale. Des allogreffes de CSH avec un conditionnement myélo-ablatif et un donneur familial HLA identique ont été proposées, surtout dans le passé. Mais elles ne peuvent concerner qu'une minorité de patients et, de plus, restent très controversées. Si leurs résultats obtenus se sont améliorés, le taux de décès liés à la greffe reste élevé (20 % à 6 mois) avec une réponse complète dans 50 % des cas.
Chez les patients de plus de 65 ans, aucune stratégie thérapeutique n'a démontré sa supériorité sur le traitement conventionnel, et celui-ci reste le traitement de référence du MM. Les autres protocoles, melphalan + dexaméthasone, dexaméthasone à fortes doses ou polychimiothérapie (VMCP, VMBCP ; alternance VMCP-VBAP, VAD...), sont beaucoup plus rarement utilisés.
Enfin, tous les malades présentant un MM symptomatique reçoivent également des traitements adjuvants par bisphosphonates et, en cas de besoin, par érythropoïétine recombinante.
En expertise.
Les essais actuellement menés dans le MM visent à améliorer les résultats des traitements intensifs, à confirmer l'efficacité des molécules récentes et à évaluer leur intérêt en association avec les médicaments conventionnels. L'identification, par analyse cytogénétique, des patients avec MM résistant au traitement intensif permettrait de leur proposer des traitements renforcés ou innovants. Dans le domaine des greffes de CSH, sont particulièrement étudiés à ce jour l'allogreffe avec conditionnement non myélo-ablatif, le traitement d'entretien après autogreffe, l'autogreffe chez les patients de plus de 65 ans et le conditionnement utilisant un anticorps monoclonal anti-IL6.
En ce qui concerne les molécules innovantes, leur histoire a débuté avec le constat, à la fin des années 1990, des résultats spectaculaires du thalidomide dans les rechutes de MM. Il entraîne des réponses rapides, chez 30 à 50 % des patients, y compris dans les rechutes successives. Le mécanisme d'action de ce médicament va au-delà de son activité anti-angiogénique et implique vraisemblablement un effet direct sur le clone tumoral. Le thalidomide est actuellement testé en traitement d'induction avec la chimiothérapie MP, en traitement d'entretien après autogreffe et en association avec la dexaméthasone. Des analogues du thalidomide (immuno-modulatory drugs : ImiDs) ont été développés, parmi lesquels le Revimid. Ce dernier (comme le thalidomide) n'a pas encore d'AMM, mais fait l'objet d'essais thérapeutiques dans plusieurs centres experts. Une nouvelle classe est également apparue : les inhibiteurs du protéasome, dont le premier représentant en clinique est le bortezomid (Velcade). Doté d'une efficacité proche de celle du thalidomide, il a obtenu une AMM européenne en mai dernier dans le traitement du MM ayant reçu au moins deux lignes de traitement. Des essais de ce produit en traitement de première intention sont en cours.
La recherche thérapeutique dans le MM porte également sur d'autres traitements innovants moins avancés dans leur développement, comme des molécules OPG recombinantes ou des anticorps monoclonaux anti-RANK ligand, et d'autres approches, à savoir l'immunothérapie et la thérapie génique. Il faut toutefois souligner que, dans de nombreux cancers, les progrès aujourd'hui viennent surtout de molécules «ciblées», qui ne sont pas des antinéoplasiques classiques, comme l'inhibiteur de tyrosine kinase Glivec dans la leucémie myéloïde chronique ou du protéasome dans le MM.
D'après un entretien avec le Pr Thierry Facon, service d'hématologie, hôpital Claude Huriez, CHRU, Lille.
Une recherche en pointe
En France, la recherche sur le MM se fait au sein de deux groupes coopératifs : l'Intergroupe francophone du myélome (IFM) auquel adhère la majorité des spécialistes du MM et le groupe MAG, présidé par le Pr Jean-Paul Fermand (hôpital Saint-Louis, Paris). Caractérisé par une forte capacité d'inclusion des malades, l'IFM impacte de façon significative sur les modalités de traitement du MM dans le monde, indique le Pr Facon, son président actuel. C'est notamment l'IFM qui a apporté la première démonstration de la supériorité de l'autogreffe sur le traitement standard. Les essais IFM en cours portent largement sur le thalidomide. Des résultats préliminaires prometteurs de certains d'entre eux seront dévoilés en décembre prochain au congrès de la Société américaine d'hématologie.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature