L'IDENTIFICATION de facteurs génétiques associés à une élévation du risque de coronaropathie intéresse la communauté scientifique et médicale à plus d'un titre : la caractérisation des gènes impliqués dans la survenue des pathologies cardio-vasculaires permettrait non seulement de faciliter le dépistage des personnes à risque, mais aussi de mieux comprendre les mécanismes biologiques à l'origine de phénomènes tel que l'athérosclérose et de développer ainsi de nouvelles stratégies thérapeutiques. Dans ce contexte, un consortium international de scientifiques, le « Cardiogenics Consortium », a procédé à un criblage à grande échelle du génome humain à la recherche de variations de la séquence de l'ADN associées aux coronaropathies.
Samani et coll. ont analysé les chromosomes de plusieurs milliers de personnes qui avaient participé à l'étude britannique WTCCC (« Wellcome Trust Case Control Consortium », 1 926 cas et 2 938 témoins) ou à l'étude allemande MI (« German Myocardial Infarction », 875 cas et 1 644 témoins). Dans les deux cohortes, les chercheurs ont comparé l'ADN des patients souffrant d'une forme familiale de coronaropathie à celui de sujets témoins. L'utilisation de puces à ADN leur a permis d'étudier plus de 350 000 points du génome et d'identifier ainsi plusieurs centaines de polymorphismes génétiques potentiellement associés au risque de coronaropathie.
Afin d'éliminer les associations non significatives, Samani et coll. ont confronté les résultats obtenus avec la cohorte WTCCC à ceux de la cohorte allemande. Il est alors apparu que seuls 3 des 400 polymorphismes découverts chez les malades britanniques étaient également associés à une élévation du risque de coronaropathie dans la seconde population.
La genèse de l'athérosclérose.
Le premier de ces polymorphismes est localisé sur le bras court du chromosome 9 (9p21.3). Cette variation génétique a été détectée chez 72 % des sujets étudiés par Samani et coll. (à l'état homozygote chez 22 % des sujets et à l'état hétérozygote chez 50 %). La présence d'une seule copie de cet allèle variant semble augmenter le risque de coronaropathie individuel de 36 %.
La région 9p23.1 du génome humain contient les informations nécessaires à la synthèse de deux inhibiteurs de kinase cycline-dépendant (p16INK4a et p15INK4b), des protéines qui jouent un rôle important dans la régulation du cycle cellulaire et qui pourraient être impliquées dans la genèse de l'athérosclérose. Ce même locus a été identifié aux cours de deux autres études s'intéressant aux facteurs génétiques impliqués dans les maladies cardio-vasculaires. Dans l'étude de Samani et coll., il est celui qui montre la plus forte association au risque de coronaropathie et d'infarctus du myocarde dans les deux cohortes analysées.
Le second polymorphisme retenu par Samani et coll. est situé sur le bras long du chromosome 6 (6q25.1), au niveau du gène MTHFD1L. L'activité de ce gène est nécessaire à de nombreux processus de catabolisme cellulaire, en particulier à la synthèse de purine et de méthionine. L'allèle associé au risque de coronaropathie est retrouvé chez un quart des sujets étudiés. Il augmente le risque de maladie de 23 %.
La troisième variation génétique mise en évidence au cours de cette étude est détectée chez environ 65 % des sujets, au niveau du locus 2q36.3. Contrairement aux deux premiers polymorphismes, son association avec risque de coronaropathie devient assez faible lorsque les données sont corrigées par des facteurs tels que l'indice de masse corporelle, la pression artérielle ou encore la cholestérolémie des patients.
Un long chemin reste à parcourir avant que ces résultats aboutissent à la mise au point de traitements spécifiques. Les mécanismes moléculaires sous-tendant l'effet de ces trois polymorphismes sur la genèse des coronaropathies sont en effet loin d'être élucidés.
N. J. Samani et coll., « N. Engl. J. Med. » du 2 août 2007, vol. 357, pp. 443-453.
Faux positifs
Les puces à ADN sont des outils révolutionnaires qui permettent d'étudier simultanément plusieurs centaines de milliers de régions du génome humain. Leur utilisation présente cependant un défaut majeur : elles conduisent presque systématiquement à l'identification de nombreux faux positifs. Le travail de Samani et coll. le montre très bien : sur 400 polymorphismes associés aux coronaropathies identifiés dans la cohorte WTCCC, seuls trois ont finalement été retenus dans la suite de l'étude. Les chercheurs du « Cardiogenics Consortium » insistent donc sur le fait que les résultats d'une étude d'association génétique se fondant sur l'utilisation des techniques de criblage du génome à grande échelle ne doivent être pris pour acquis qu'après qu'ils ont été confirmés par des études complémentaires, conduites de manière indépendante.
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