L’analyse des données de l’Assurance-maladie de Taïwan (1) a permis de décrire le maintien thérapeutique, et les facteurs qui lui sont associés, de l’etanercept (ETN) ou de l’adalimumab (ADA), dans la spondyloarthrite ankylosante (SA). L’étude a porté sur le devenir d’un de ces 2 anti-TNF en première ligne de biothérapie chez 1 401 patients répondants aux critères (stricts) de mise sous anti-TNF à Taïwan. L’arrêt du traitement a été défini comme une période d’au moins 84 jours sans renouvellement de prescription. Parmi les 1 401 patients, 441 ont été traités par ETN et 960 par ADA.
Le risque d’arrêt est identique pour les deux anti-TNF. Le recours préalable au léflunomide ou aux corticoïdes était associé à un risque accru, tandis que la prise concomitante d’Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou de méthotrexate était associée à un risque diminué. En considérant séparément les 2 groupes d’anti-TNF, l’effet « associé à un meilleur maintien » du méthotrexate n’était observé que chez les patients sous ADA.
Cette étude est à rapprocher d’une étude espagnole, rétrospective et observationnelle, sur 162 patients atteints de tous types de spondyloarthrite et débutant un traitement par infliximab (INF) ou ADA (2). L’objectif n’était pas l’analyse du maintien mais de l’apparition d’anticorps anti-antiTNF. Ces Anticorps anti-médicaments (AAM) sont apparus chez 17,8 % des patients, plus souvent sous INF (24,7 %) que sous ADA (10,4 %) La prise concomitante de méthotrexate était en partie protectrice de l’apparition de ces AAM, sans effet de la dose de méthotrexate utilisée.
Ces études apportent de nouveaux éléments de réflexion sur les liens entre immunogénicité et maintien thérapeutique des anti-TNF dans les spondyloarthrites. L’étude taïwanaise observe un meilleur maintien thérapeutique d’un premier anti-TNF chez des SA (sacro-iliites radiographiques) prenant aussi du méthotrexate que chez des SA sans méthotrexate ; cet effet conservateur du traitement anti-TNF ne s’observe que chez les patients traités par ADA, et pas chez ceux traités par ETN. Quel est l’effet attendu du méthotrexate dans la SA ? Certainement pas un effet thérapeutique direct. Certains travaux avancent un effet d’interaction pharmacocinétique favorable entre le méthotrexate et les anti-TNF. D’autres suggèrent fortement la diminution, comme dans la polyarthrite rhumatoïde, de la fréquence d’apparition d’AAM. C’est ce que retrouve de nouveau l’étude espagnole. Or, on sait que l’apparition des AAM se voit surtout avec les anticorps monoclonaux et pas (ou peu) avec l’ETN. On pourrait donc conclure que si le méthotrexate améliore le maintien thérapeutique de l’ADA et pas de l’ETN dans la cohorte taïwanaise, c’est grâce à cet effet préventif de l’apparition des AAM. Ceci paraît aujourd’hui probable, mais en partie. On ne peut pas tout expliquer dans le maintien des anti-TNF par l’immunogénicité. Comment expliquer, par exemple dans cette cohorte, le maintien identique de l’ETN, supposé non immunogène et pour lequel on n’observe d’ailleurs pas d’effet protecteur du méthotrexate, et de l’ADA ? Quant au méthotrexate, même s’il diminue le risque d’apparition d’AAM, certains patients en développent quand même sous traitement, et à l’inverse, une majorité de ceux qui ne prennent pas de méthotrexate n’ont pas d’AAM. Ainsi la place du méthotrexate en association aux anti-TNF dans les spondyloarthrites n’est pas encore claire. Que nous manque-t-il ? Tout d’abord la preuve, méthodologiquement parlant, du rôle protecteur du méthotrexate vis-à-vis de l’apparition d’AAM dans les spondyloarthrites. Ces résultats devraient être fournis par une étude multicentrique française actuellement en cours et coordonnée par l’équipe de rhumatologie de Tours. Ensuite, le fait que cette bithérapie s’accompagne bien d’une augmentation du maintien thérapeutique, qui est finalement le but ultime, et ce sans perte de qualité de vie liée à une tolérance aléatoire du méthotrexate. Enfin, que la balance bénéfices-risques de la bithérapie est favorable.
Le moment est-il venu de prescrire du méthotrexate à tous les patients atteints de spondyloarthrite chez lesquels on débute un traitement anti-TNF ? Les effets secondaires graves du méthotrexate sont certes rares, mais on peut penser qu’ils ne doivent être encourus que dans des situations de preuve d’efficacité. Or, cette preuve (amélioration du maintien thérapeutique) n’existe pas aujourd’hui dans les spondyloarthrites. D’autre part, prendre le risque d’un échappement thérapeutique avec un premier anti-TNF chez un patient ayant une spondyloarthrite ne paraît pas dramatique : nous disposons aujourd’hui de 4 anti-TNF et bientôt probablement d’un cinquième remboursé. Alors ? Peut-être peut-on réserver actuellement cette coprescription aux patients ayant connu l’échappement à 1 ou 2 anti-TNF, informés des données exposées ci-dessus et acceptant le choix avec des arguments de forte probabilité mais sans preuve.
(2) Villalba Yllan A. et coll Abstract SAT 00331
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