DE LEUR PROPRE AVEU, les 31 députés membres de la Mission d'information sur l'accompagnement de la fin de vie, créée après l'affaire Humbert, ont commencé à travailler avec « des préjugés très forts, des points de vue très arrêtés ». Plus de 8 mois de travail, 81 auditions, des déplacements en Belgique et aux Pays-Bas, et la visite d'une unité de soins palliatifs à Paris ont vite dissipé ces préjugés au profit d'une « appréhension dépassionnée des données » et leur ont permis d'aboutir à un consensus. Si certains membres de la mission menée par Jean Leonetti (UMP, Alpes-Maritimes) auraient souhaité aller plus loin, les députés sont parvenus « à définir un point d'équilibre des réformes qu'ils estiment correspondre aux attentes de la société ».
La Mission a en effet pris en compte les attentes prévisibles des Français : ne pas souffrir, éviter la déchéance physique et morale, si possible mourir à domicile. Mais aussi celles des médecins, qui ont besoin de règles juridiques claires pour être sûrs de ne pas agir dans l'illégalité lorsqu'ils décident une limitation ou un arrêt de traitement.
Bien sûr, la Mission s'est posé la question d'une éventuelle dépénalisation de l'euthanasie (en tant qu' « acte délibéré par lequel un tiers entraîne directement la mort d'une personne malade »), que réclameraient, selon certains sondages, une majorité de nos concitoyens. Ni les professionnels de santé qu'elle a entendus ni les juristes ne s'y sont déclarés favorables, et les exemples néerlandais et belge, aussi intéressants qu'ils soient, n'ont pas semblé transposables dans notre pays. Quant à conserver le statu quo, cela revenait à continuer à faire arbitrer ces problèmes par la justice.
Une proposition de loi.
Les députés ont donc eu à cœur de renforcer les droits des malades tout en définissant précisément les obligations des médecins. Leurs recommandations, « reflet des bonnes pratiques des professionnels de santé », sont concrétisées dans une proposition de loi « relative aux droits des malades et à la fin de vie », qui prévoit des modifications du code de la santé publique.
Le droit au refus du traitement est déjà inscrit dans le code de la santé, sauf si l'arrêt du traitement met la vie du patient en danger. Il n'en sera plus de même si le texte est adopté. Il introduit le droit au refus de « l'obstination déraisonnable », avec une nouvelle rédaction de l'article 37 du code de déontologie médicale : les actes médicaux ne devront pas « être poursuivis par une obstination déraisonnable, lorsqu'il n'existe aucun espoir réel d'obtenir une amélioration de l'état de la personne et que ces actes entraînent une prolongation artificielle de la vie ».
Les procédures d'arrêt de traitement sont clairement définies. Lorsque le malade refuse un traitement, le médecin doit faire appel à un autre membre du corps médical ; après un délai raisonnable, le médecin demande au patient s'il réitère ou non sa décision et celle-ci est inscrite dans son dossier. Le deuxième avis médical et l'exigence d'un délai raisonnable constituent « de nouvelles garanties procédurales ».
Cette possibilité pour le malade de rejeter tout traitement quel qu'il soit permettrait en particulier de refuser l'alimentation artificielle, considérée par le Conseil de l'Europe, des médecins et des théologiens comme un traitement. Cela permettrait de répondre à des cas aussi douloureux que celui de Vincent Humbert.
Lorsque le malade est inconscient, la nouveauté consisterait en une procédure collégiale et la consultation de la personne de confiance, la famille ou à un proche.
Des directives anticipées.
A ces droits pour tout malade s'ajouteraient des droits spécifiques aux malades en fin de vie. Un article du code autoriserait le médecin à limiter ou à arrêter tout traitement lorsque le malade en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, le décide. Le médecin devrait respecter la volonté du patient, après l'avoir informé des conséquences de son choix, mais serait tenu de dispenser des soins palliatifs.
Dans ce contexte, face au malade inconscient, le rôle de la personne de confiance serait renforcé et son avis devrait prévaloir sur tout autre avis non médical. Les « directives anticipées » du patient seraient aussi prises en compte, à condition d'avoir été établies moins de trois ans avant l'état d'inconscience.
La procédure collégiale devrait être introduite dans l'article 38 du code de déontologie et intervenir lorsque le malade est hors d'état d'exprimer sa volonté et lorsque le médecin décide de limiter ou d'arrêter un traitement inutile, impuissant à améliorer l'état du malade.
Développer les soins palliatifs.
La Mission, ayant constaté des failles dans la prise en charge de la douleur physique et de la souffrance psychologique, voire spirituelle, et dans l'organisation des soins palliatifs, fait aussi des propositions pour y remédier. Pour une meilleure formation des professionnels de santé aux situations de fin de vie, elle recommande en particulier de rendre obligatoire un module d'enseignement « soins palliatifs et accompagnement ». Elle souhaite également que soit inscrite dans la loi l'obligation de créer des lits identifiés de soins palliatifs et d'imposer des référents en soins palliatifs dans chaque grand service assurant une importante activité de soins de ce type.
Pour la Mission, les réformes proposées pourraient « aider à changer le regard de chacun sur la mort en affrontant ce passage dans un climat plus apaisé ». Mais elle n'ignore pas les obstacles qui pourraient compromettre la réussite de la mise en œuvre des propositions présentées. Ce ne serait pas un problème de coût : « Dans la mesure où l'obstination déraisonnable pourrait être amenée à reculer, il n'est pas démontré que le développement des soins palliatifs soit générateur de dépenses supplémentaires pour la collectivité. On peut même présumer du contraire. » La réussite serait surtout liée à la poursuite du programme de soins palliatifs actuellement engagé et « au changement de mentalités du corps médical, les soins palliatifs ne devant pas continuer à être dévalorisés ». « Il ne faut jamais oublier que la devise des médecins reste fondamentalement "Guérir parfois, soulager souvent, consoler toujours" »
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature