A PARTIR d'une analyse de tissus cérébraux de sujets atteints de maladie d'Alzheimer à différents stades cliniques ainsi que de modèles murins, une équipe de chercheurs de Baltimore propose une piste nouvelle dans la compréhension de la physiopathologie de cette affection. Outre le rôle de la protéine bêta-amyloïde et de l'existence d'un stress oxydatif dans la maladie, les auteurs suggèrent la participation du métabolisme des céramides et du cholestérol dans le dysfonctionnement des neurones et leur apoptose. On désigne sous le terme de céramides des médiateurs lipidiques générés par l'action des sphingomyélinases sur la sphingomyéline à l'occasion d'un stress oxydatif. Ils jouent un rôle dans certains processus physiologiques clés tels que la prolifération cellulaire, la différenciation et l'apoptose. Leur participation dans la physiopathologie de certaines maladies neurologiques (AVC ou maladie de Parkinson) a été établie.
L'étude des chercheurs de Baltimore a permis de préciser les anomalies du métabolisme des sphingolipides et du cholestérol qui surviennent avec l'âge chez des sujets sains et chez des personnes atteintes de maladie d'Alzheimer.
Une séquence d'événements.
Globalement, une séquence des événements physiopathologiques survenant au cours de cette maladie a été proposée par les chercheurs.
Certains facteurs génétiques et environnementaux, associés au processus physiologique de l'âge, pourraient induire une modification de la sécrétion normale du précurseur de la protéine amyloïde et entraîner une production majorée de protéines bêta-amyloïde et son agrégation au sein du tissus nerveux. Cette agrégation entraîne à son tour un stress oxydation au niveau des membranes cellulaires neuronales, ce qui a pour conséquence d'altérer le métabolisme des lipides membranaires et de majorer la quantité de céramides et de cholestérol présents à ce niveau. C'est cette modification du métabolisme lipidique qui, associée à l'existence d'un stress oxydatif, induit une dysfonction synaptique et une dégénération des neurones.
Le tocophérol dans les pistes préventives.
En se fondant sur cette hypothèse physiopathologique, les auteurs suggèrent que l'une des pistes préventives - qui reste encore à tester - pourrait passer par l'utilisation d'alphatocophérol (dérivé de la vitamine E), une petite molécule inhibitrice de la production de céramides qui, à défaut de traiter les lésions neuronales acquises, pourrait contribuer à préserver l'intégrité des neurones.
Pour le Dr Roy Cutler (John Hopkins Hospital Baltimore), « depuis quelques années, l'idée d'une participation du métabolisme du cholestérol dans l'apparition des troubles neurologiques de la maladie d'Alzheimer est étayée par différentes études : on sait ainsi que les sujets porteurs d'une allèle d'apolipoprotéine E4 présentent un risque majoré de maladie et que, chez certains sujets traités par anticholestérolémiants, l'incidence de la pathologie est diminuée ». Si le cholestérol lui-même peut être toxique pour les cellules nerveuses, cet effet est encore amplifié par son interaction avec les céramides. Ces dernières sont, elles aussi, dotées d'une toxicité directe sur les neurones et elles pourraient aussi agir par l'induction de processus inflammatoires. Une autre piste thérapeutique proposée par les auteurs pourrait venir de l'utilisation d'inhibiteurs de la sérine palmitoyl transférase ou des sphingomyélinases pour leur rôle direct sur le taux de céramides.
« Proc Natl Acad Sci USA », édition avancée en ligne à paraître sur www.pnas.org.
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