Associations de patients

De nombreux partenariats réussis avec les professionnels de santé

Publié le 27/04/2006
Article réservé aux abonnés

LA NECESSITE de «replacer le patient au centre du système» est l’un des leitmotives des débats sur la santé. «Les associations de patients ont vu leur reconnaissance augmenter au fil des années, y compris sur le plan législatif», a rappelé en ouverture de cette journée Pierre Morange, député-maire de Chambourcy, ancien président de la Commission de contrôle de la loi de financement de la Sécurité sociale et de la Commission de surveillance de la Cnam.

Partenaires en recherche clinique.

Les lois du 4 mars 2002 sur le droit des malades, puis la loi de santé publique du 9 août 2004 leur ont en effet accordé une place de partenaires dans les instances de santé. Fortes de 3 à 4 millions d’adhérents regroupés dans 8 000 associations, elles représentent désormais l’intérêt des malades dans les conseils d’administration des hôpitaux, les programmes de l’Inserm, à l’Afssaps, ou encore vis-à-vis du Leem ou de la Cnam.

La première partie de ce colloque était consacrée au rôle des associations dans la recherche clinique, la recherche épidémiologique et la formation des malades. Françoise May Levin, représentante de la Fnclcc (Fédération nationale des comités de lutte contre le cancer), a souligné la position paradoxale des malades face aux essais cliniques. «Bien que conscients de la nécessité des essais pour faire progresser la prise en charge, les patients éprouvent une certaine réticence à l’égard du cadre rigide qu’ils imposent. » D’où l’idée de créer, en 1998, un comité de patients constitué de 30 patients et de proches ayant une connaissance empirique de la maladie et de trois coordinateurs, dont l’objectif est d’améliorer la qualité de vie des patients lors des essais cliniques. Une charte signée entre les investigateurs et le comité définit les rôles de chacun. Le comité a bâti une grille de lecture permettant aux patients de mieux comprendre les protocoles d’études, souvent complexes, avant de donner leur « consentement éclairé ». Depuis sa création, le comité a relu plus d’une centaine de protocoles, effectué 500 remarques aux médecins investigateurs, dont les trois quarts ont été reconnues pertinentes. De nombreuses autorités, comme l’IGR, font aujourd’hui appel à son expertise pour relire leurs questionnaires. Pour répondre à ces sollicitations, une Fédération de patients regroupant 10 centres en Ile-de-France a été créée, suivie par une Fédération de parents d’enfants atteints de cancer.

Les patients mènent les enquêtes.

Un autre exemple de partenariat réussi autour de la recherche clinique est celui de la Fondation Jérôme Lejeune, centre référent pour les personnes atteintes de retard mental d’origine génétique. «Les médecins qui prennent en charge les patients sont aussi ceux qui mènent et évaluent la recherche, ce qui représente un gage de confiance extraordinaire pour les familles. Nous avons initié une étude afin de mettre au point une molécule permettant d’améliorer le quotient intellectuel de jeunes enfants trisomiques après un an de traitement. Malgré les contraintes et un espoir d’aboutir de 50%, les patients ont presque tous répondu positivement et se sont chargés eux-mêmes de recruter des volontaires», a souligné Sylvie Lejeune, directrice de la fondation.

Dominique Menuet, chargée des partenariats au sein du dépar- tement recherches cliniques de Pfizer, a expliqué que le laboratoire, qui informe actuellement les patients sur ses essais cliniques via les registres sur Internet, les associations ou les médecins investigateurs, envisageait de les impliquer davantage dans le recrutement ou l’élaboration des enquêtes. Pfizer soutient aussi le programme Patient-Partenaire qui permet à des patients « experts de leur maladie » de former les médecins.

Elargir la recherche épidémiologique.

Michel Bonjour, président de SOS Hépatites, a présenté l’enquête « Vivre avec l’hépatite virale », menée en collaboration entre médecins, malades et industrie, dont l’objectif était de mieux connaître les répercussions de la maladie chez les personnes atteintes d’hépatite B, C ou D ainsi que leur opinion sur le suivi médical et les traitements. «Une trentaine d’associations ont participé à la distribution des questionnaires, et nous avons pu en exploiter plus de 2200. Les résultats ont mis à jour un besoin d’information, en particulier au moment du diagnostic et de la proposition de traitement», a-t-il constaté.

Les études épidémiologiques sont particulièrement importantes dans le cadre de maladies chroniques. Martine Roch, présidente de l’AFS (Association française des spondyl-arthritiques), a ainsi expliqué que dans l’enquête Epirhum, destinée à évaluer la prévalence de la polyarthrite rhumatoïde et de la spondylarthrite ankylosante, les malades eux-mêmes avaient mené les questionnaires téléphoniques auprès des foyers tirés au sort, après avoir été formés par un institut de sondage.

Apprendre à être malade.

L’AFS contribue aussi au recrutement des volontaires pour participer aux enquêtes et à la validation des protocoles. «Les associations interviennent dans la préparation, l’élaboration et la réalisation des études. Elles peuvent également être initiatrices en suggérant des idées et des questions formalisées par les chercheurs», a résumé Francis Guillemin, épidémiologiste au CHU de Nancy.

«Jusque-là, nous avions toujours appris à nous soigner, mais personne ne nous apprenait à être malade. En travaillant avec soignants et soignés, nous avons imaginé l’éducation thérapeutique vue par les malades et mis en place des outils thérapeutiques», explique Jean-Claude Roussel, président de la Ffair (Fédération française des associations et amicales de malades, insuffisants ou handicapés respiratoires). C’est ainsi qu’est née l’association Passerelle éducative qui s’appuie sur des « patients-formateurs », comme le prévoit le plan Bpco. Au sein des 40 associations que compte la fédéra- tion, des malades répondent aussi aux questions d’autres malades. Dans le domaine de l’alcoolodépendance aussi, les associations d’abstinents possèdent une compétence thérapeutique importante.

«Dans le futur, les médecins prenant en charge des pathologies chroniques non encore aggravées seront de plus en plus rares. Dès lors, pourquoi ne pas déléguer des activités aux patients pouvant se prévaloir d’une certaine expertise», s’interroge le Dr Gilles Errieau, médecin généraliste membre de la Haute Autorité et de MG Cancer.

Réduire les dépenses de soins.

Les associations de santé contribuent aussi de façon importante à la réduction des dépenses de santé, en favorisant une meilleure information et orientation qui limite l’errance des patients et de leur famille dans le système de soins, en améliorant la prévention et l’observance des traitements, et même l’insertion professionnelle. Dans le domaine de l’épilepsie,plusieurs associations ont mis en place une structure visant à aider les malades à sortir de l’exclusion et à se préparer à l’emploi, à travers un accompagnement individuel et un groupe d’éducation à l’épilepsie. L’AFD (Association française des diabétiques), qui rassemble 7 000 adhérents, est particulièrement impliquée dans l’accompagnement et la formation de ses membres, au travers d’actions comme le dépistage et la prise en charge de soins de podologie ou la création expérimentale de rétinographes ambulants.

Même si les économies liées à la prévention et à l’éducation pour la santé sont bien réelles, il est parfois difficile d’en convaincre les responsables des politiques de santé. «Bizarrement, médecines préventives et curatives relèvent de raisonnements tout à fait distincts. Les innovations dans le domaine du soin sont d’abord évaluées sous l’angle de l’apport thérapeutique et du progrès technique, avant la question du coût. En revanche, il faut toujours faire la preuve de l’efficacité et de la rentabilité économique d’une politique de prévention», constate Philippe Lamoureux, directeur de l’Inpes (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé).

D’après un colloque parrainé par le Laboratoire Pfizer.

Diminuer de 50 % les complications liées au diabète

Selon une étude qui a observé pendant six ans et demi des groupes d’enfants diabétiques, l’éducation thérapeutique permet de réduire de 76 % les complications de rétinopathie, de 54 % la néphropathie et de 69 % la neuropathie, sans altération de la qualité de vie. Elle pourrait réduire de 30 % les dépenses liées au diabète, permettant ainsi plus d’investissement dans la prévention et l’éducation.

En France, l’Association des jeunes diabétiques (AJD) propose une alternative à l’hospitalisation des enfants grâce à des centres d’éducation thérapeutique de proximité (CET) et une collaboration avec l’Education nationale. L’objectif de l’association est de dédramatiser la situation des enfants diabétiques et de les réintégrer le plus rapidement possible dans une vie sociale.

> ISABELLE GONSE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7950