Le diabète et l'altération des fonctions cognitives sont des pathologies fréquemment rencontrées chez les personnes de plus de 60 ans. De nombreuses études ont montré une prévalence accrue d'accélération du déclin cognitif et de la maladie d'Alzheimer chez les patients diabétiques. Il semble se confirmer que le diabète est un facteur de risque de ces maladies neurodégénératives, mais le mécanisme en est mal connu.
AFIN DE PRÉCISER la relation entre diabète et neurocognition, T. Cukierman a réalisé une revue systématique des études prospectives dans lesquelles des tests appréciant les fonctions cognitives étaient effectués chez des diabétiques (« Diabetologia » 2005; 48: 2460-9). La métaanalyse des 25 études répondant aux critères d'inclusion a montré que le diabète multiplie le risque de déclin cognitif par 1,2 à 1,7 selon les tests pratiqués, et le risque de démence par 1,6 par rapport aux non-diabétiques. Cependant, si la corrélation entre diabète et déficit neurocognitif semble démontrée, les facteurs à l'origine de cette relation le sont moins. En effet, le diabète est une pathologie multifactorielle et, ainsi que le souligne R. Whitmer (Oakland, Californie), de nombreux mécanismes peuvent être à l'origine de l'altération cognitive et de la neurodégénerescence : les altérations de la glycémie, l'insulinorésistance, l'hyperinsulinémie chronique, le stress oxydatif, des cytokines pro-inflammatoires, les produits de la glycation avancée et, bien sûr, les complications macro- et micro-vasculaires. Sans oublier qu'hypertension et dyslipidémie, souvent associées chez le diabétique, sont aussi des facteurs favorisants.
En ce qui concerne la glycémie, il semble que l'hyperglycémie chronique autant que les épisodes récurrents d'hypoglycémie sévère renforcent la dysfonction cognitive chez le sujet diabétique de type 1 et de type 2. En analysant les dossiers des 22 852 patients diabétiques âgés du registre KPNC (Kaiser Permanente of Northern California), une corrélation curvilinéaire a été démontrée entre l'HbA1c et le risque de démence. Le risque est majeur lorsque l'HbA1c est < 5 % ou > 12 %. L'hypoglycémie provoque une détérioration des fonctions cognitives en raison des effets de la neuroglycopénie aiguë sur le cerveau. Des épisodes hypoglycémiques répétés ont un effet cumulatif et augmentent le risque de démence des années plus tard chez les sujets âgés. Les bénéfices potentiels d'un contrôle glycémique intensif chez le sujet âgé doivent donc être soigneusement mis en balance avec les conséquences potentiellement négatives sur le cerveau d'épisodes hypoglycémiques.
Étude ACCORD-MIND.
Aucune étude randomisée n'a vraiment analysé le retentissement à long terme du contrôle glycémique sur les fonctions cognitives et les modifications des structures cérébrales chez les patients diabétiques de type 2. L'objectif de l'étude ACCORD-MIND est de rechercher s'il existe une différence dans la vitesse de déclin cognitif entre les patients diabétiques traités selon les recommandations standard (HbA1c entre 7 et 7,9 %) et ceux ayant un traitement intensif (HbA1c < 6 %). Pour cela, 2 977 diabétiques de plus de 55 ans participant à l'étude ACCORD (Action to Control Cardiovacular Risk in Diabetes) ont été regroupés dans la sous-étude MIND (Memory in Diabetes) et leur fonction cognitive a été évaluée. Pour apprécier le déclin cognitif, une batterie de tests de 30 minutes est utilisée en début d'étude, puis après 20 et 40 mois. Ces quatre tests cognitifs permettent d'évaluer l'attention et la rapidité psychomotrice (DSS), la mémoire et l'ensemble des fonctions cognitives (MMSE), la mémoire et l'apprentissage verbal (RAVLT) et la reconnaissance visuelle (Stroop). Les modifications des structures cérébrales doivent être appréciées par IRM en début d'étude et à 40 mois.
Des résultats préliminaires ont été présentés à l'ADA par L. J. Launer (National Institute of Aging) sur les 2 754 patients qui ont eu les mesures à l'inclusion et à 20 mois. Ils ont mis en évidence une relation entre le niveau d'HbA1c en début d'étude et la fonction cognitive chez les patients diabétiques de type 2 ayant d'autres facteurs de risque cardio-vasculaires. Une augmentation de 1 % de l'HbA1c est corrélée avec une détérioration des résultats aux tests cognitifs : 1,75 point de moins au test DSS (p < 0,0001), 0,2 point de moins au MMSE (p < 0,0001), 0,11 point de moins au test RAVLT (p = 0,014) et un temps plus long au Stroop test (p = 0,009). En revanche, aucune corrélation n'a été trouvée entre les valeurs de glycémie à jeun et les résultats des tests cognitifs. En ce qui concerne les effets des traitements hypoglycémiants, les premières analyses suggèrent qu'avec le traitement intensif la détérioration cognitive serait moindre à 20 mois qu'avec le traitement standard. Cependant, les résultats sont trop préliminaires pour tirer des conclusions définitives. L'étude se terminera en avril 2009 et les effets du groupe intensif seront évalués sur le millier de patients qui a atteint les 40 mois avant l'arrêt de l'étude dans le groupe intensif en février 2008.
D'après les communications de R. A. Whitmer (Oakland, États-Unis) et de L. J. Launer.
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