LES SYNDROMES MYÉLODYSPLASIQUES (SMD) sont des maladies du sujet âgé, dont l’incidence annuelle est de 3 à 5/100 000 dans les populations européennes et originaires d’Afrique du Nord. Elles se caractérisent par une hématopoïèse inefficace, l’« avortement » intramédullaire des précurseurs, responsable de cytopénies sanguines. Dans 40 % des cas, la maladie évolue vers une leucémie aiguë myéloblastique (LAM).
Le diagnostic est le plus souvent fait lors de la découverte d’une anémie (habituellement macrocytaire et toujours arégénérative), souvent associée à une neutropénie et/ou une thrombopénie. La moelle est riche, avec des anomalies morphologiques de différenciation et la présence d’un excès de blastes (compris entre 5 et 20 % ; au-delà de 30 %, cela traduit l’évolution vers une LAM).
La présence ou non d’un excès de blastes constitue, avec la perte ou le gain de chromosomes (en particulier monosomie 7, trisomie 8, délétion 5q) et le nombre de cytopénies, un des paramètres pris en compte dans l’évaluation du pronostic des patients. Le score pronostique international (Ipss) permet de classer les patients en quatre catégories de risque : faible, intermédiaire 1, intermédiaire 2 et élevé. Les deux premières, regroupées en « risque faible », ont une survie spontanée relativement importante et un faible risque d’évolution vers une LAM, et le traitement vise surtout à corriger les cytopénies, principalement l’anémie. Les deux autres, regroupées en « haut risque », ont une survie spontanée courte, souvent entre un et deux ans, un risque élevé d’évolution vers une LAM, et doivent bénéficier, quand cela est possible, d’un traitement visant à réduire ou à éliminer la population blastique.
Allogreffe de moelle.
Pour les patients à « haut risque », le seul traitement curatif reste l’allogreffe de moelle, qui permet de détruire les cellules myélodysplasiques et d’induire un effet d’immunothérapie par les lymphocytes du donneur. «Il s’agit d’un traitement radical, mais qui s’accompagne d’un risque de réaction du greffon contre l’hôte, avec un taux de décès de 25 à 30% », précise le Pr Pierre Fenaux. Pour cette raison, l’allogreffe « classique » n’est proposée qu’aux patients de moins de 50-55 ans, et l’allogreffe « atténuée », chez les sujets de 50 à 70 ans. Le taux de guérison est de 50 %, que le donneur HLA identique soit apparenté (frère ou soeur) ou non (donneur sélectionné sur fichiers de donneurs volontaires).
Chimiothérapie et agents « hypométhylants ».
Lorsqu’une allogreffe n’est pas possible, du fait de l’âge du patient, de ses comorbidités ou de l’absence de donneur, la stratégie thérapeutique se fonde notamment sur une chimiothérapie. La chimiothérapie à forte dose, à base d’anthracycline et de cytarabine, est moins efficace que dans la LAM et s’accompagne d’un taux de rémissions complètes de 50 à 60 %, la plupart des rémissions ne dépassant pas dix-huit mois. De plus, elle n’est possible que chez les sujets pouvant recevoir ce type de traitement intensif (en pratique, moins de 65 ans). La chimiothérapie à faible dose, utilisable chez les sujets plus âgés, fait appel à la cytarabine à faible dose, mais elle est moins efficace.
Les agents hypométhylants (5-azacytidine et décitabine) sont encore en cours d’évaluation dans les syndromes myélodysplasiques et sont utilisés dans le cadre d’essais cliniques ou d’une ATU. Ils agissent en déméthylant des gènes hyperméthylés et donc inactivés dans les SMD, comme le gène p15 (gène suppresseur de tumeur). Les résultats disponibles montrent une rémission partielle dans 15 % des cas, une rémission complète dans 15 % des cas et une simple amélioration des cytopénies dans 30 % des cas. Ces agents seraient particulièrement actifs en présence d’anomalies chromosomiques, alors que la chimiothérapie se montre plutôt moins efficace dans cette situation.
Ces agents paraissent donc surtout efficaces chez les sujets à haut risque, notamment en cas de caryotype défavorable ; leurs indications potentielles pourraient évoluer rapidement, compte tenu des résultats d’études menées aux Etats-Unis mettant en évidence une augmentation de la survie.
Des études évaluent actuellement l’intérêt de l’association d’un agent hypométhylant à une autre classe d’agents, les inhibiteurs des histone-désacétylases (Hdac).
D’autres molécules sont à l’étude : inhibiteur de farnésyl transférase, clofarabine, bortézomib.
Correction de l’anémie.
Chez les patients à faible risque, qui représentent environ 60 % des syndromes myélodysplasiques, l’objectif du traitement est surtout de corriger les cytopénies, au premier rang desquelles l’anémie. Les transfusions répétées, très largement utilisées jusqu’alors, ont un bénéfice limité, avec un taux d’hémoglobine ne dépassant pas 10 g/dl pendant la majorité de l’intervalle entre deux transfusions (et, donc, une qualité de vie qui reste altérée), et engendrent un coût élevé, estimé à 850 euros par mois et par patient. En outre, afin d’éviter la surcharge en fer, notamment dans le myocarde, une chélation est nécessaire, en moyenne après 30 concentrés globulaires (ou lorsque la ferritinémie devient supérieure à 1 500 µg/l). La déféroxamine est le traitement de référence ; elle est administrée par voie sous-cutanée prolongée ou en bolus. En cas d’intolérance, la défériprone peut être proposée ; récemment, un autre chélateur actif par voie orale a obtenu l’AMM : le déférasirox.
A côté des transfusions répétées, il est désormais fait appel à d’autres produits, notamment l’érythropoïétine (EPO), lorsque le taux sanguin de base d’EPO n’est pas trop élevé (moins de 500 U/l), associée ou non au G-CSF.
Le traitement par EPO est efficace dans 40 % des cas lorsqu’elle est administrée seule et dans 60 % des cas lorsqu’elle est associée au G-CSF.
Si l’EPO de base est élevée ou en l’absence de réponse à l’EPO, le traitement de l’anémie est plus difficile. Le thalidomide est parfois, ici, efficace, mais il expose à des effets secondaires non négligeables.
Le lénalidomide donne des résultats spectaculaires dans l’anémie des patients ayant une délétion 5q (qui peut parfois conduire à pratiquer des saignées !). «Il s’agit cependant d’un traitement de maniement délicat, à réserver aux spécialistes, en raison du risque de choc septique, surtout chez les sujets âgés», insiste le Pr Fenaux. Chez les sujets sans délétion 5q, le lénalidomide donne lieu à 30 % de réponses chez les patients résistants à l’EPO.
La neutropénie peut être corrigée, si besoin, par le G-CSF, lors d’épisodes d’infections sévères, mais ce n’est pas un traitement au long cours.
Dans la thrombopénie des SMD, un androgène, le danazol, donne des taux de réponse de 40 % environ. Une molécule agoniste du récepteur de la thrombopoïétine (AMG 531) est en cours d’évaluation.
Très impliqué dans les essais thérapeutiques, le Groupe francophone des myélodysplasies (GFM) tient également un registre français de ces maladies et se trouve à l’origine de la création d’une association de patients, Connaître et Combattre les myélodysplasies, qui se développe et travaille en étroite collaboration avec le GFM.
D’après un entretien avec le Pr Pierre Fenaux, hôpital Avicenne (AP-HP) et université Paris-XIII, Bobigny.
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