LA MIGRAINE est une affection hétérogène sur le plan clinique et génétique, sous le contrôle conjoint de facteurs environnementaux et génétiques. A ce jour, trois gènes impliqués dans la migraine hémiplégique familiale (MHF) ont été identifiés : Cav2.1 (anciennement appelé CACNA 1A) sur le chromosome 19, ATP1A2 sur le chromosome 1, et tout récemment SCN1A sur le chromosome 2. Ces mutations conduisent à l'hypothèse selon laquelle la MHF serait liée à des anomalies des flux ioniques. Le développement de modèles murins devraient apporter des éléments importants pour la compréhension des mécanismes physiopathologiques de la MHF. Ces trois gènes ne semblent toutefois pas jouer de rôle dans les autres formes de migraine, qui apparaissent polygéniques. Plusieurs analyses de liaison menées dans des familles incluant plusieurs sujets atteints de migraine avec ou sans aura ont permis de mettre en évidence différents loci, mais pas de locus commun. (Communication de E. Tournier-Lasserve, hôpital Lariboisière, Paris).
Dépression corticale propagée.
« Une hypothèse physiopathologique très intéressante a été présentée par M. A. Moskowitz (Harvard Medical School, Boston, Etat-Unis), qui apporte un début de réponse à la question actuellement non résolue du mécanisme de déclenchement, par l'aura, de la céphalée », explique le Dr Hélène Massiou. Les données obtenues en imagerie fonctionnelle et par magnéto-encéphalographie suggèrent que la dépression corticale propagée est la base biologique sous-tendant l'aura. Cette dépression corticale propagée déclenche, expérimentalement, l'activation du système trigémino-vasculaire, probablement par le biais de l'activation des matrix métallo-protéases, associée à une augmentation de la perméabilité vasculaire. Cette hypothèse ouvre ainsi une nouvelle voie de recherches thérapeutiques, visant notamment à bloquer l'activation trigéminée.
Allodynie et réponse aux triptans.
Des études récentes de l'équipe de R. Burstein ont souligné que les céphalées migraineuses sont fréquemment associées à une allodynie homolatérale, en particulier dans les zones périorbitaires et temporales, qui survient environ une heure après le début de la céphalée. Se raser, porter des lunettes ou des boucles d'oreille sont alors des gestes ressentis comme douloureux par le patient. La même équipe a montré que le développement de la phase initiale de la crise de migraine est lié à une sensibilisation des neurones trigémino-vasculaires périphériques, et que le développement et le maintien de l'allodynie découlent de la sensibilisation des neurones trigémino-vasculaires centraux. L'apparition de l'allodynie contrecarre l'efficacité de triptans dans le traitement de la crise de migraine. Ces nouvelles données conduisent les auteurs à proposer de nouvelles recommandations : chez les patients ayant une allodynie, le traitement par triptan doit être pris très tôt après le début de la crise de migraine, avant que l'allodynie n'apparaisse ; le triptan peut être pris après la survenue de l'allodynie, si le patient en retire un bénéfice significatif sur la douleur ; les patients sans allodynie peuvent espérer une très bonne efficacité du triptan sur la douleur quel que soit le moment de sa prise. (Communication de R. Burstein, Harvard Medical School, Boston, Etats-Unis).
Le topiramate dans le traitement de fond.
Toujours dans le domaine thérapeutique, l'arsenal de médicaments s'est récemment élargi avec le topiramate, indiqué dans le traitement de fond de la migraine. Cet antiépileptique a bénéficié d'un programme de développement très important, qui a démontré son efficacité versus placebo en termes de diminution de la fréquence des crises.
« Disposer d'un médicament de fond majeur supplémentaire est une avancée pour les patients, puisque, quelle que soit la molécule utilisée, le taux de non-répondeurs se situe aux alentours de 50 % », rappelle le Dr Massiou. Le profil de tolérance à long terme du topiramate est bien connu dans l'épilepsie ; il demande à être précisé dans la migraine, où il est utilisé à dose moindre, mais chez des patients dont la susceptibilité aux effets indésirables pourrait être différente. Le topiramate doit être prescrit à doses progressivement croissantes, par paliers de 25 mg par semaine, avec une attention particulière vis-à-vis du risque d'effets indésirables centraux, tels que les troubles de la concentration ou de l'humeur. La possibilité d'une perte de poids est souvent ressentie comme un bénéfice par certaines patientes, d'autant que la majorité des traitements de fond de la migraine tendent à faire prendre du poids.
« Aucun traitement de fond n'ayant montré sa supériorité sur un autre, le choix se fait en accord avec le patient, en tenant compte de ses contre-indications, de ses effets secondaires, de ses interactions éventuelles avec les traitements de la crise, des pathologies associées et du caractère des crises migraineuses », rappelle le Dr Hélène Massiou.
Les mesures non médicamenteuses.
Les mesures non médicamenteuses ne doivent pas être oubliées, « car nous disposons aujourd'hui de méthodes efficaces pour éviter le déclenchement des crises ou pour les interrompre le cas échéant : éviction des facteurs déclenchants, préalablement identifiés par le patient, réduction de l'hyperactivité cérébrale et traitement de la crise elle-même », a précisé H. Göbel, Kiel, Allemagne.
L'approche psychothérapeutique a démontré son efficacité chez bon nombre de patients : l'analyse de la littérature conclut à un effet positif des thérapies de relaxation chez 43 % des sujets, versus 14 % chez les sujets témoins.
Les enfants et les adolescents semblent bénéficier tout particulièrement de ce type de traitement, et, dans cette population, les traitements non médicamenteux doivent être privilégiés.
Chez l'enfant.
Chez l'enfant, la migraine n'est pas une maladie psychologique, mais des facteurs déclenchants psychologiques sont fréquemment retrouvés, a expliqué D. Annequin, hôpital Armand-Trousseau, Paris. Notamment, le stress à l'école est source de crises, ce qui est souvent mal interprété par les parents tout comme par les enseignants.
Chez l'enfant, le traitement de la crise se fonde préférentiellement sur l'ibuprofène, administré précocement ; en cas d'inefficacité, le sumatriptan en spray nasal est prescrit en deuxième intention chez les enfants de plus de 12 ans.
Symptômes autonomiques au premier plan.
L'algie vasculaire de la face, l'hémicrânie paroxystique chronique et le Sunct (Short-lasting unilatéral neuralgiform headache attacks with conjunctival injection and tearing) font partie des céphalées trigémino-autonomiques. Elles se caractérisent par une évolution par crises steréotypées et par la présence, souvent au premier plan, de symptômes autonomiques : larmoiements, rhinorrhée, injection conjonctivale. Au niveau physiopathologique sont impliquées l'activation afférente de l'innervation trigéminée des structures algogènes intracrâniennes ainsi que l'activation réflexe des afférences du facial. Cet excès d'activation paraît en rapport avec un dysfonctionnement localisé au niveau de l'hypothalamus postérieur. Les caractéristiques cliniques de ces céphalées, rappelées par P. J. Goadsby, Londres, Royaume-Uni, sont importantes à connaître car, malgré leurs similitudes, chacune relève de stratégies thérapeutiques propres.
Le traitement de la crise d'algie vasculaire de la face fait appel au sumatriptan injectable (6 mg en sous-cutané), efficace en quelques minutes, et, en deuxième intention, à l'oxygène nasal à 100 %, pendant 15 minutes avec un débit de 7 litres/minute.
Le traitement de fond repose en première intention sur le vérapamil ; le lithium peut être proposé en deuxième ligne dans l'algie vasculaire chronique. Plusieurs molécules sont en cours d'évaluation, mais l'innovation thérapeutique majeure est représentée par la stimulation de l'hypothalamus postéro-inférieur (voir article avec le Dr Lantéri-Minet), qui fait en France l'objet d'un protocole de recherche clinique coordonnée par le CHU de Nice. Seul un très petit nombre de patients, souffrant d'une algie vasculaire chronique résistante aux traitements médicamenteux, relèvent de cette procédure.
Très proche cliniquement de l'algie vasculaire de la face, l'hémicrânie paroxystique s'en distingue par des crises plus courtes, plus nombreuses, et par sa remarquable réponse à l'indométacine, qui fait partie des critères diagnostiques, a précisé N. Fabre, CHU Rangueil,Toulouse.
Le Sunct est en revanche réfractaire aux traitements classiques de l'algie vasculaire de la face ; quelques cas de disparition des douleurs ont été rapportés avec le gabapentin, la lamotrigine et le topiramate.
Penser à la thrombose veineuse cérébrale.
Au cours des thromboses veineuses cérébrales, les céphalées constituent le symptôme le plus fréquent, d'ailleurs souvent inaugural ; la confirmation du diagnostic est une priorité, puisqu'en découle la précocité de la mise sous héparine.
Ces céphalées n'ont pas de caractéristiques particulières, mais elles sont le plus souvent associées à d'autres symptômes neurologiques.
Un dosage négatif des D-dimères (< 500 ng/ml) a une valeur prédictive négative importante, néanmoins plusieurs cas de patients avec une thrombose d'un sinus latéral se manifestant par une céphalée isolée et avec des D-dimères normaux ont été rapportés. C'est donc l'imagerie, surtout IRM-angioIRM, qui fait le diagnostic, en visualisant à la fois la thrombose et les lésions du parenchyme.
D'après un entretien avec le Dr Hélène Massiou, hôpital Lariboisière, Paris
Céphalées en coup de tonnerre : un bilan rapide et exhaustif
Un bilan rapide et exhaustif est indispensable dans les céphalées en coup de tonnerre, qui peuvent révéler de nombreuses affections, notamment vasculaires. Mais quel bilan ? Jusqu'où aller ? Assez loin, préconise A. Ducros, hôpital Lariboisière, Paris. Tout d'abord, un scanner cérébral sans injection, puis une ponction lombaire (sauf en cas de céphalée posturale stricte), une mesure systématique de la vitesse de sédimentation après l'âge de 60 ans, parfois suivie d'une biopsie de l'artère temporale.
En cas de normalité, le bilan doit être poursuivi avec une IRM avec séquences Flair et écho de gradient, et une ARM comportant des temps veineux ; une injection de gadolinium est nécessaire au diagnostic d'hypotension du liquide cérébrospinal. Une artériographie reste parfois indiquée lorsque tous les examens précédents sont normaux et que la céphalée est intense, persistante ou récidivante.
Hypotension spontanée du LCS
Les céphalées liées à l'hypotension spontanée du liquide cérébro-spinal restent peu connues. Il s'agit d'un syndrome rare, touchant surtout l'adulte jeune, dont la symptomatologie est dominée par une céphalée orthostatique sévère, d'installation le plus souvent progressive, mais parfois brutale, lors d'un effort, et pouvant alors faire évoquer une hémorragie sous-arachnoïdienne. La céphalée est posturale, apparaissant en moins de quinze minutes en position debout et disparaissant en moins de quinze minutes après le décubitus.
L'imagerie en résonance magnétique retrouve l'association caractéristique de trois anomalies, a rappelé M. G. Bousser (hôpital Lariboisière, Paris) : prise de contraste diffuse des pachyméninges, descente du cerveau et collections sous-durales bilatérales. La ponction lombaire est contre-indiquée et le traitement le plus efficace est l'injection épidurale lombaire de sang autologue, efficace chez plus de 50 % des patients et pouvant être répétée en cas de rechute.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature