UN NOMBRE non négligeable de patients atteints de troubles rhumatologiques décident, à un moment ou à un autre de l'évolution de leur maladie, de tester une ou plusieurs thérapies classées dans les médecines alternatives ou complémentaires (MAC) : de 30 % à près de 100 %, selon une enquête américaine (Ernst E., 1998). Deux affections tiennent la corde dans ce domaine, à savoir les lombalgies et la fibromyalgie. Cependant, comme pour les autres maladies rhumatologiques, il est difficile de se faire une opinion tranchée sur l'efficacité de ce type de prise en charge tant les études sont disparates.
Dans les lombalgies chroniques, d'après la dernière métaanalyse publiée, l'acupuncture est plus efficace que l'absence de traitement ou le placebo, mais ne fait pas mieux que les autres MAC, et la phytothérapie peut améliorer la douleur et l'état fonctionnel à court terme (Van Tulder M. W. et coll., 2005). Cet effet, également observé dans les lombalgies aiguës, a été rapporté (Gagnier J.-J. et coll., 2006) pour l'herbe du diable (Harpagophytum procumbens), le saule blanc (Salix alba) et le piment de Cayenne (Capsicum frutescens). Les conclusions de la métaanalyse sur les massages, les manipulations vertébrales et la neuroréflexothérapie sont pratiquement les mêmes que pour l'acupuncture.
Quelles applications ?
En attendant les résultats d'études solides confirmant ou non les promesses de certaines MAC dans les lombalgies, la seule solution en pratique est de se référer aux recommandations de l'Anaes-HAS (décembre 2000). Elles écartent l'utilisation des ionisations, de l'acupuncture, des ondes électromagnétiques et du rayonnement laser, «dont l'efficacité n'a pas été démontrée», et indiquent, par ailleurs, que la place réelle de la stimulation électrique transcutanée et de l'électro-acupuncture, qui semblent avoir un effet antalgique, doit être précisée. En ce qui concerne les manipulations vertébrales, elles «peuvent être proposées pour le traitement à visée antalgique de la lombalgie chronique car elles ont un effet antalgique à court terme». Il est utile ici de rappeler qu'elles doivent être pratiquées sous contrôle médical strict, car ce ne sont pas des gestes anodins. Interrogés par une équipe strasbourgeoise, des spécialistes, dont des rhumatologues, ont signalé sur une période de deux ans 93 complications, de type radiculopathies, dans 69 % des cas (Dupeyron A. et coll., 2003). En ce qui concerne les massages, malgré l'absence d'études attestant leur efficacité, l'Anaes estime qu'ils «peuvent être proposés au début d'une séance de rééducation en préparation des autres techniques».
Jusqu'à 91 % des patients.
En raison des difficultés de leur prise en charge, les patients atteints de la fibromyalgie se tournent volontiers vers les MAC. Ce serait le cas de deux tiers d'entre eux (Ernst E., 1998), certains faisant même état d'une fréquence allant jusqu'à 91 %. Parmi les nombreuses thérapies utilisées figurent l'acupuncture, les massages, la phytothérapie, les suppléments nutritionnels, la chiropratique, les techniques de relaxation…
Dans l'état actuel des connaissances sur les MAC, il n'est pas surprenant, là encore, de constater que tous les auteurs d'analyses de la littérature sur le sujet notent quelques résultats encourageants pour certaines, mais se gardent bien de s'avancer quant à leur réelle efficacité. Bien qu'ils ne soient pas conclusifs, les meilleurs résultats en faveur d'un bénéfice potentiel concernent l'acupuncture, quelques plantes médicinales, comme la valériane, et des suppléments nutritionnels, comme le magnésium, ainsi que les massages (Holdcraft L. C., 2003).
Un rapport de l'Académie de médecine sur la fibromyalgie publié en début d'année confirme le caractère ardu de l'analyse de la littérature, «compte tenu de la méthodologie des essais non médicamenteux» (Menkès C. J. et Godeau P., 2007). Ses auteurs insistent sur leur intégration dans des approches multidisciplinaires associant traitements médicamenteux à traitements non médicamenteux, notamment la balnéothérapie. C'est d'ailleurs ce que prônent les recommandations proposées lors du congrès 2006 de l'Eular (European League Against Rheumatism).
Sangsues et chants religieux.
Enfin, parmi les MAC utilisées en rhumatologie et qui ont fait l'objet de quelques études, on peut citer, de façon plus anecdotique, l'électromagnétothérapie et les aimants, testés en particulier dans les cervicalgies communes, sans succès (Anaes-HAS, recommandations pour la pratique clinique, mai 2003), les injections d'eau stérile qui agiraient par stimulation des nocicepteurs cutanés, le yoga, la méthode Feldenkrais (éducation somatique fondée sur le mouvement), l'hypnose, les sangsues, le régime végétarien et même les chants religieux. Avec, au bout du compte, des résultats peu, voire non probants (Ernst E., 2004).
Un colloque à Marseille
« Médecines alternatives en Europe : emprise sectaire ? », c'est le sujet audacieux d'un colloque franco-belge organisé le samedi 5 mai à Marseille (hôpital de la Timone) par l'Espace éthique méditerranéen, la Fecris (Fédération européenne des centres de recherche et d'information sur le sectarisme) et le Gemppi (Groupe d'étude des mouvements de pensée en vue de la prévention de l'individu).
Au programme :
– introduction (Dr P. Le Roux, D. Pachoud, président du Gemppi) ;
– « L'homéopathie, une pratique médicale intégrée ? » (Prs Frances et Balansard, responsables du DU d'homéopathie à la faculté de médecine de Marseille) ;
– « Médecines alternatives à l'hôpital : situation belge et problèmes soulevés en Belgique par les sectes » (Pr Longneaux, facultés universitaires Notre-Dame de la Paix, Namur) ;
– « Homéopathie et médecines parallèles : l'impossible débat » (R. Cash et E. Arié) ;
– « Médecines douces en Belgique et intrusions sectaires » (Dr C. Berliner, Ciaosn) ;
– conclusion philosophique (P. Le Coz).
Inscription gratuite mais obligatoire : Espace éthique méditerranéen, tél. 04.91.38.44.26/27, www.medethique.com.
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