Le diagnostic d'embolie pulmonaire est souvent difficile, le choix des examens complémentaires également. Le sens clinique peut être, si besoin, guidé par un score diagnostique et la conduite à tenir par les statistiques bayesiennes et des algorithmes décisionnels.
CHEZ UN PATIENT qui a une phlébite de jambe, tout comme chez un sujet qui en est indemne, le diagnostic d'embolie pulmonaire est souvent difficile. En effet, les tableaux cliniques sont variés et trompeurs. En cas de suspicion clinique d'embolie pulmonaire, il est indispensable de mener un interrogatoire précis à la recherche de tous les facteurs favorisants et de bien connaître l'histoire de la maladie. Mais les signes cliniques de l'embolie pulmonaire sont insuffisamment sensibles et spécifiques pour que le diagnostic puisse être éliminé ou affirmé sur les seules données issues de l'interrogatoire et de l'examen physique. Néanmoins, il est possible d'établir un niveau de probabilité clinique dite prétest faible, intermédiaire ou élevé, prétest signifiant que cette probabilité a été déterminée avant la réalisation d'examens complémentaires.
Le score de Le Gal permet de prédire l'embolie pulmonaire.
La probabilité clinique d'une maladie devrait être déterminée à l'aide de scores. Concernant l'embolie pulmonaire, des scores ont été publiés par G. Le Gal en 2006 (1). Ils permettent de prendre en considération de manière pondérée les facteurs de risque, les symptômes du patient et les données de l'examen clinique. En fonction du score total obtenu, le niveau de probabilité diagnostique prétest est déterminé. Cette probabilité peut être faible, intermédiaire ou élevée. Avec un peu d'expérience clinique, il est possible de parvenir au même classement en trois catégories de probabilité, selon que le clinicien est presque certain du diagnostic, qu'il l'élimine quasiment à coup sûr ou qu'il ne peut se déterminer.
L'intérêt d'un tel classement est de faciliter le choix des examens complémentaires à mettre en oeuvre. En effet, ils ne seront pas les mêmes dans les trois cas. Les chances que l'un de ces examens donne un résultat positif ou négatif chez un patient ayant la maladie suspectée, comparativement à un patient indemne de cette maladie, peut être déterminée par son rapport de vraisemblance (likelihood ratio). Or ce rapport de vraisemblance peut être facilement calculé à partir de la sensibilité et de la spécificité du test. Le rapport de vraisemblance peut alors être lui-même combiné à la probabilité prétest de la maladie. Cette combinaison permet de déterminer la probabilité post-test qu'un patient ait effectivement la maladie.
Le choix du test diagnostique est critique.
En effet, comme D. Sackett, père de la médecine fondée sur le niveau de preuve, l'a exprimé, si la spécificité d'un test donné est élevée, un résultat positif confirme l'hypothèse diagnostique. En revanche, si sa sensibilité est élevée, un résultat négatif élimine le diagnostic. De toute évidence, lorsqu'une pathologie est peu probable, c'est-à-dire si sa probabilité prétest est faible ou intermédiaire, il est préférable de l'éliminer, c'est-à-dire de choisir un test ayant une sensibilité élevée, même si sa spécificité est faible. Inversement, si une pathologie est probable, c'est-à-dire si la probabilité prétest est élevée, il faut choisir un examen complémentaire qui l'affirmera presque à coup sûr, ce qui signifie que sa spécificité doit être élevée, même si sa sensibilité ne l'est pas. Dans le cas d'un tableau clinique très évocateur d'embolie pulmonaire hémodynamiquement stable, par exemple, le choix des D-dimères n'est pas judicieux. En effet, l'intérêt de leur dosage est exclusivement fondé sur le diagnostic d'exclusion de la maladie thromboembolique, un résultat inférieur à 500 ng/ml ayant une valeur prédictive négative proche de 100 %. Cela matérialise le fait que la sensibilité du dosage des D-dimères est très élevée, mais que leur spécificité est faible dans ce diagnostic. Dans le cas d'une forte probabilité d'embolie pulmonaire, il est préférable de faire appel à des examens dont la spécificité est élevée. C'est le cas de l'écho-Doppler veineux des membres inférieurs ou de la tomodensitométrie des artères pulmonaires.
A partir de la probabilité prétest d'embolie pulmonaire et du rapport de vraisemblance des différents examens complémentaires qui peuvent être envisagés, il est possible de déterminer la probabilité post-test que le patient ait effectivement la maladie en utilisant un diagramme que T. J. Fagan a proposé dans « The New England Journal of Medicine » en 1975 (2). Des algorithmes décisionnels exploitent ces données et présentent de manière très visuelle la conduite pratique en cas de suspicion de maladie thromboembolique.
D'après la communication de Guy Meyer (hôpital européen Georges-Pompidou, Paris).
(1) « Ann Intern Med » 2006;144:165-71.
(2) « N Engl J Med » 1975;293:257.
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