ARRIVERA-T-ON prochainement à faire le diagnostic précoce des cancers grâce à une simple analyse sanguine ? D'après les derniers résultats d'une équipe de l'institut médical Howard Hughes (Baltimore), ça n'est pas impossible : Diehl et coll. (équipe de Bert Vogelstein) ont en effet mis au point un protocole qui permet de détecter et de quantifier de l'ADN mutant d'origine tumorale dans le plasma de patients atteints d'un cancer colo-rectal.
Certes, la méthode aujourd'hui décrite par l'équipe américaine ne paraît ni aussi sensible ni aussi fiable que la technique conventionnelle de dépistage des tumeurs colo-rectales par coloscopie. Mais elle peut encore être facilement améliorée. En outre, elle pourrait certainement être appliquée au dépistage d'autres types de cancers pour lesquels il n'existe pas de méthode efficace de diagnostic précoce.
A la recherche de méthodes diagnostiques innovantes et non invasives, Diehl et coll. ont voulu savoir s'il était possible de détecter des molécules d'ADN codant pour une version mutante du gène APC dans le sang des patients atteints d'un cancer colo-rectal. Dans ce dessein, les chercheurs ont tout d'abord quantifié la totalité des molécules APC présente dans le plasma des malades (par PCR quantitative).
En fonction du stade de Duke.
Cette première expérience les a conduits à découvrir que la quantité de molécules APC (sauvages et mutantes) retrouvée dans le sang d'un malade dépend du stade de son cancer : chez les patients atteints d'un cancer avancé de stade D de Duke, le nombre de fragments APC détecté est de 47 800/ml (valeur médiane), alors qu'il n'est que de 4 000/ml chez les patients au stade B de Duke et de 3 500/ml chez ceux au stade A de Duke, et chez les témoins sains.
Les chercheurs ont poursuivi leur étude en tentant d'évaluer la proportion de molécules mutantes retrouvée parmi les molécules précédemment détectées dans le plasma des patients. Dans cet objectif, ils ont utilisé une technique innovante et sophistiquée se fondant sur la combinaison de plusieurs techniques de biologie moléculaire (PCR quantitative, fixation des fragments de PCR sur des billes, extension des fragments à l'aide de nucléotides fluorescents et analyse des produits obtenus par cytométrie en flux).
Ce protocole leur a permis de détecter des molécules APC mutantes chez 100 % des patients au stade D de Duke (n = 6), chez 63 % des patients au stade A ou B de Duke (n = 10), mais chez seulement un seul des onze patients porteurs d'un adénome bénin.
La fraction de molécules mutantes détectée dans le plasma des patients dépend du stade de leur maladie : elle représente 11,7 % des molécules d'APC détectées dans les échantillons provenant des sujets au stade D de Duke, mais seulement 0,9 % chez les patients au stade B de Duke, 0,04% chez ceux au stade A de Duke et 0,02 % ceux porteurs d'une tumeur bénigne.
Des analyses complémentaires ont permis à Diehl et coll. d'établir que les molécules mutantes ainsi comptabilisées sont en fait des fragments d'ADN hautement dégradé.
Le degré d'envahissement de la tumeur.
Ces données ont conduit les chercheurs à proposer un modèle pour expliquer la présence d'ADN tumoral dans le sang des malades : la quantité d'ADN mutant retrouvée dans le plasma dépend du stade de la maladie et, donc, du degré d'envahissement de la tumeur. Or, lorsque les tumeurs progressent et deviennent invasives, elles sont souvent localement privées d'oxygène. Les régions tumorales hypoxiées entrent en nécrose et relarguent leur contenu en ADN dans le milieu. La nécrose provoquant non seulement la destruction des cellules néoplasiques, mais aussi celle des cellules stromales et inflammatoires qui les entourent, ce modèle explique pourquoi la quantité d'ADN sauvage retrouvée dans le plasma des malades augmente également avec le stade de la maladie.
F. Diehl et coll., « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée.
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