LA GUERRE QUI, CERTES, A ÉTÉ particulièrement meurtrière, a été commentée de diverses manières qui convergeaient à peu près toutes vers une condamnation en bonne et due forme, une de plus, d’Israël. Le nombre de victimes libanaises a été effectivement élevé, et les dévastations sont considérables. Il n’empêche que le conflit a ouvert la voie à une sorte de flot modérateur qui gagne les esprits dans les deux camps.
On a beaucoup exprimé, souvent dans la même analyse, deux idées parfaitement contradictoires : la première est que, comme jamais auparavant, le territoire israélien fut vulnérable. Ce qui est faux, car l’Irak, en 1991, a envoyé 49 missiles Scud contre Israël, qui ont causé de très gros dégâts et tué quelques personnes. Les quelque 4 000 missiles du Hezbollah étaient certes infiniment plus nombreux, mais aussi beaucoup moins puissants, ce qui n’enlève rien à un bilan relativement lourd en victimes et en dégâts matériels.
L’autre idée est qu’Israël s’est montré d’une brutalité excessive (ce qui s’accommode mal de la vulnérabilité) et néanmoins inefficace : il n’a pas pu vaincre le Hezbollah.
Si j’avais su...
On en a conclu que le Hezbollah a remporté une victoire, alors que personne n’a pu indiquer les pertes, probablement élevées, qu’il a subies et que ses dirigeants sont sortis de l’épreuve en faisant des concessions que l’on n’attendait pas d’eux.
Ils ont refusé de déposer les armes, mais ils ont accepté l’arrivée de la Finul renforcée ; ils savent tellement bien que tôt ou tard le gouvernement et le peuple libanais leur demanderont des comptes qu’ils n’ont de cesse de couvrir les victimes libanaises de dollars et promettent de participer à la reconstruction du pays. Leur chef, Nasrallah, déclare même que, s’il avait su, il n’aurait pas fait enlever les deux soldats israéliens.
Il nous semble qu’il est devenu tout à fait impossible pour le Hezbollah de se livrer désormais à une quelconque provocation. Non pas seulement parce que l’ONU et la Finul tenteraient de l’en empêcher, mais parce que sa situation au Liban deviendrait intenable. De la même façon, la présence de la Finul (renforcée) au Sud-Liban ne permet plus aux Israéliens d’envahir cette zone. Si des missiles étaient tirés contre Israël, l’Etat juif n’aurait alors comme moyen de représailles que le recours, une fois encore, aux bombardements massifs.
C’est l’apparente invraisemblance de ce scénario qui nous conduit à croire que des solutions diplomatiques vont être trouvées pour les fermes de Chebaa et pour un échange de prisonniers, accompagnées par une reconversion du Hezbollah en une sorte de génie militaire.
Dès lors, si l’on peut reprocher ses bombardements à Israël, on ne peut plus en nier le résultat, qui est bel et bien la dissuasion. Il faut à tout prix retenir l’angle humanitaire du conflit, mais il n’est pas exclusivement libanais. Dès lors que le Liban revendique le Hezbollah comme parti national, le Liban est et demeure l’agresseur dans cette affaire. Et quand les organisations humanitaires dénoncent le bombardement de civils libanais, sans jamais citer le bombardement intensif de civils israéliens par des milliers de missiles libanais, elles nous offrent un tableau étriqué, partial et contrefait de la réalité. D’autant que le Hezbollah tue des civils à dessein.
ON NE VOIT PAS COMMENT LE HEZBOLLAH POURRAIT SE LIVRER A UNE NOUVELLE PROVOCATION
Faites comme eux.
Toujours dans la contradiction, des commentateurs nous ont décrit la crise politique grave que le conflit a déclenchée en Israël. Pour commencer, on voudrait bien que les Libanais à leur tour se sentent libres de situer les responsabilités politiques, comme l’ont fait les Israéliens. Ensuite, personne ne nie les « manquements » de la direction politique et de l’état-major israéliens.
La stratégie mise au point pour riposter, dans la hâte, à la provocation du Hezbollah, est loin d’avoir produit tous les effets qu’en attendait le gouvernement de M. Olmert, mais elle en a quand même produit quelques-uns, mentionnés ci-dessus. Il est vrai que les dirigeants israéliens n’ont accepté le cessez-le-feu que lorsqu’ils ont touché les limites de l’usage de la force. Mais ils ne l’auraient pas accepté si cet usage n’avait beaucoup affaibli le Hezbollah. On remarquera, pour peu que l’on puisse être objectif dans cette affaire, qu’Israël a accepté sans broncher la résolution du Conseil de sécurité qui mettait fin aux combats, alors que le Hezbollah ne la respecte pas : il n’a pas rendu ses prisonniers et il n’a pas déposé les armes.
C’est ce que les Israéliens reprochent à leur gouvernement, harcelé par son opinion publique alors que les Européens et l’ONU exerçaient sur lui d’énormes pressions pour qu’il consente à tout sans avoir obtenu ce à quoi il avait droit. Quand Jacques Chirac a déclaré qu’il n’y avait aucune raison pour qu’Israël ne lève pas le blocus du Liban, n’a-t-il pas parlé un peu vite ? Israël a levé le blocus, ce dont Dominique de Villepin l’a félicité, mais il l’a fait à ses risques et périls. Il perd en effet un moyen de pression sur le Hezbollah au sujet de l’échange de prisonniers ; rien ne l’assure que des armes iraniennes et syriennes ne seront pas acheminées au Liban, sinon l’oeil, qu’on espère vigilant, de la Finul, et rien ne dit que, dans le climat des congratulations internationales au sujet d’un cessez-le-feu rondement mené, on n’est pas en train de préparer une autre guerre à laquelle l’Iran aura intérêt tant qu’il devra détourner l’attention du monde de son programme nucléaire.
Ces choses étant dites, on nous permettra de souligner le réel dégoût que peuvent inspirer certains comportements : on en est, ici et là, à faire du Hezbollah une sorte de mouvement romantique alors qu’il reste un groupe capable des pires exactions ; on a exalté le martyre du Liban avec un mépris souverain pour d’autres civils morts sous les roquettes, probablement parce qu’un Israélien ne vaut pas un Libanais ; on voit Israël comme un pays à la fois incroyablement fort et incroyablement faible, responsable et irresponsable, cruel et battu. Ce n’est pas seulement illogique, c’est honteux et c’est stupide : tout, absolument tout, fait d’Israël un pays proche de l’Occident, mais aujourd’hui, c’est le Hezbollah qui est porté aux nues, comme s’il n’avait pour objectif, avec ses confrères en islamisme, de nous détruire, vous et moi.
Enfin, ceux qui ont fait le procès d’Israël sans évoquer les responsabilités libanaises, comme John Le Carré, George Soros et tant d’autres, doivent se rappeler que tout ce qui est excessif est insignifiant.
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