15-17 juin 2006 à Biarritz
LES RELATIONS entre le régime alimentaire et les maladies cardio-vasculaires font l’objet de très nombreuses études, et ce depuis plusieurs décennies. Dès 1908, un modèle de lapin athéromateux fut « créé » par le seul enrichissement de son alimentation en acides gras saturés et en cholestérol. Les premières études contrôlées datent de 1950 et se sont depuis multipliées. Sans doute parce qu’il n’est pas facile en pratique de tirer des conclusions formelles du fait des difficultés d’interprétation des résultats : certaines études sont prospectives, d’autres rétrospectives, la modification d’un composant du régime entraîne la variation d’un autre (si la ration lipidique décroît, la ration glucidique augmente)…
Acides gras.
Le lien entre les graisses alimentaires et les maladies cardio-vasculaires a été mis en évidence dans l’étude des 7 pays, dans l’étude MONICA tout comme dans la NURSE’S HEALTH STUDY : le risque de maladies cardio-vasculaires augmente avec la consommation d’acides gras saturés trans et diminue si la part des acides gras polyinsaturés augmente. Toutefois, si la diminution des graisses alimentaires s’accompagne d’une réduction des événements cardio-vasculaires, elle n’a pas d’impact sur la mortalité totale ou cardio-vasculaire.
Trois types de lipides ont été particulièrement étudiés. Les acides gras trans, qui résultent de l’hydrogénation partielle des acides gras, sont très présents dans les produits industriels, tels les frites, les hamburgers, les gâteaux… Ils ont des effets néfastes sur la fonction endothéliale et donc un impact négatif sur la maladie coronaire. «Leur suppression totale pourrait permettre de réduire de 20% les maladies cardio-vasculaires», précise le Dr Thierry Couffinhal. Les oméga 3 ont suscité beaucoup d’espoir, fondés sur leur possible effet antiarythmogène et la baisse des triglycérides. Une métaanalyse de 48 études, ayant inclus quelque 37 000 patients, ne retrouve cependant aucun effet sur la mortalité totale ou sur les événements cardio-vasculaires, sauf en prévention secondaire, où l’enrichissement de l’alimentation en huile de poisson permet de réduire le risque de maladie cardio-vasculaire, notamment de mort subite. Les phytostérols, issus de la fraction lipidique des plantes, diminuent l’absorption et la solubilité du cholestérol. Leur consommation entraîne une baisse de l’ordre de 10 % du LDL, surtout après l’âge de 50 ans, leur efficacité se maintenant dans le temps.
Glucides et fibres.
Les liens entre la consommation d’hydrates de carbone et le risque cardio-vasculaire sont assez complexes, car entrent en jeu à la fois l’index glycémique et la charge en glucose. L’augmentation de la charge en glucose augmente le risque de diabète. Le lien entre l’index glycémique, la charge en glucose et le risque cardio-vasculaire est faible chez les sujets de poids normal, plus étroit chez les sujets en surpoids.
L’effet des fibres est également d’interprétation difficile, car il dépend non seulement de la quantité mais aussi du type de fibres consommées. Globalement, les fibres ont plusieurs bénéfices : baisse du LDL et des triglycérides, baisse de la glycémie et apport en vitamines et minéraux. La consommation de cinq portions par jour de fruits et légumes réduit de 26 % le risque d’accident vasculaire cérébral.
Les travaux sur les folates, les vitamines et les antioxydants n’ont pas été probants. La vitamine E s’est montré dénuée d’effet, voire délétère, sur la mortalité totale ou cardio-vasculaire. L’acide folique, qui diminue le taux d’homocystéine, est sans effet dans une étude et s’accompagne d’une surmortalité dans une autre. Les résultats sur les antioxydants, quant à eux, ne permettent pas de conclure.
En revanche, la diminution de la consommation de sel est bénéfique, avec une baisse des pressions artérielles systolique et diastolique.
Pour l’alcool, les données sont également claires, montrant les bénéfices d’une consommation modérée sur le risque cardio-vasculaire, mais au prix d’une augmentation du risque des autres pathologies liées à l’alcool.
Prévention communautaire.
L’application à large échelle de mesures diététiques est efficace. L’étude communautaire menée en Carélie du Nord (région située à l’est de la Finlande) en est une preuve. Entre 1972 et 1997, l’évolution de l’alimentation, marquée par une diminution du beurre au profit des margarines ou stérols végétaux, et l’augmentation de la consommation de fruits et légumes, s’est accompagnée d’une diminution de 82 % des décès cardio-vasculaires contre 75 % dans le reste du pays. «Intervenir au sein d’une communauté est donc efficace, mais il s’agit là d’un lourd travail, qui demande à prendre en compte de nombreux paramètres, notamment la sociologie et la culture locale», précise le Pr Michel Krempf.
Sur le plan individuel, la situation est plus incertaine, voire complexe, car elle met en jeu la relation médecin-patient, qui n’est pas toujours optimale, parfois en raison du manque d’écoute de la part du médecin.
Privilégier l’écoute.
Des travaux ont montré qu’en moyenne, au cours d’une consultation de quinze minutes, le patient ne parle que trois minutes. Ce qui est bien sûr nettement insuffisant. «Il paraît donc important de laisser plus la parole au patient, de lui poser des questions ouvertes et des questions de relance, notamment. Il faut également vérifier la compréhension des informations délivrées, car il y a souvent une grande différence entre ce que dit l’émetteur et ce qu’entend le récepteur», a rappelé le Pr Krempf. La reformulation est une étape essentielle car elle permet de préciser ce que le récepteur a compris. La gestion des émotions joue également un rôle important dans la relation médecin-patient. On distingue globalement quatre types d’attitude : l’apathie, où le sujet est écarté, l’antipathie, où l’émotion est contrée, la sympathie, avec une adhésion à l’émotion, et enfin, l’empathie, où l’émotion est comprise. Cette dernière, selon les données actuelles, semble être la meilleure attitude pour communiquer.
Les comportements du médecin font aujourd’hui l’objet de nombreuses analyses, qui ont permis d’en définir quatre grands types. Le paternaliste («je sais ce qui est bon, faites ce que je vous dis…»), l’informatif, de plus en plus souvent rencontré ( «voilà l’état de la science, à vous de jouer»), l’interprétatif, qui tend à énoncer des faits pour aider le patient à la décision, et enfin, le délibératif, qui participe à la décision.
Face au médecin : le patient et sa personnalité qu’il faut bien entendu prendre en compte. De nombreuses échelles sont aujourd’hui proposées, issues du marketing pour la plupart. Le test Persona par exemple définit quatre grands types de personnalité. L’analysant est un patient qui attend des données éprouvées, très précises, veut connaître le nombre de calories de chaque aliment. Il faut tout lui expliquer, tout lui écrire. Le contrôlant est un patient prêt à poursuivre un objectif, mais il est dans l’efficacité et veut des résultats tangibles. Le promouvant est un sujet recherchant la nouveauté, l’inconnu, tout à fait hermétique au discours sur les calories. Le facilitant enfin est un patient qui aura du mal à se restreindre car il vit avec les autres ; toute modification aura dans son esprit une répercussion négative sur les autres.
Etablir une bonne relation avec son patient est ainsi beaucoup plus complexe que ce que l’on pouvait imaginer jusqu’alors. Il faut trouver les bons vecteurs, les bons mots afin d’aider le patient à modifier son comportement,selon le modèle établi par Prochaska. Ce dernier précise les différentes étapes de la modification d’un comportement : préréflexion, réflexion, préparation, action, suivi, rechute, réussite ; le rôle du médecin est d’aider le patient à évoluer d’une étape à une autre, ce qui passe par le dialogue afin de modifier les représentations, à favoriser la remise en question.
Enfin, il ne faut pas oublier qu’outre le médecin et son patient, il y a un troisième protagoniste : l’environnement, avec entre autres l’entourage, qui doit être un allié, et les contraintes financières.
Le poids des contraintes financières.
«Ces dernières participent grandement au mauvais suivi des règles diététiques, a pour sa part expliqué le Pr Adam Drewnowski. Nous savons aujourd’hui ce qu’est l’alimentation idéale. Les recommandations dans ce domaine sont nombreuses, les instances de santé publique de nombreux pays préconisent la consommation de fruits et légumes. Pourtant, la population continue de manger des frites et des hamburgers.» Le choix des aliments découle de divers critères : la densité énergétique, le goût, la variété, la facilité d’accès, le prix… Les aliments à haute densité énergétique ont bon goût et sont bon marché : il y a une relation inverse entre la densité énergétique et la densité économique. Et il existe également une relation inverse entre la densité énergétique et la densité nutritionnelle. «Le mal-manger est ainsi avant tout un problème économique, lié aux revenus, au statut social, et ce point n’est malheureusement pas assez pris en compte à l’heure actuelle.» On peut toutefois encourager à consommer des aliments pas trop chers et d’un bon apport nutritionnel : bananes, carottes, pommes, par exemple.
D’après les communications du Dr Thierry Couffinhal (Pessac) et des Prs Michel Krempf (Nantes) et Adam Drewnowski (Seattle).
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