PAR LE Dr Mehdi CADI *
TOUT LE MONDE est enthousiaste à l’idée que cette nouvelle technique d’imagerie non invasive puisse contribuer au dépistage des polypes à risque de cancer. Toutefois, des controverses persistent sur son rôle potentiel dans une stratégie de dépistage de masse des polypes précancéreux. En effet, le coloscanner affiche de faibles performances lorsqu’il est réalisé par des radiologues non entraînés et sans formation préalable. De plus, il n’y a pas actuellement de consensus sur la taille seuil du polype à partir de laquelle il faut réaliser une coloscopie optique ou une surveillance radiologique. Or ce critère est essentiel pour toute évaluation coût-efficacité de la coloscopie virtuelle.
Soixante-dix pour cent des polypes découverts en coloscopie de dépistage ont une taille inférieure à 1 cm. Cela pose le problème de la stratégie préventive à mettre en place dans le cadre du dépistage de masse. De plus, la majorité de ces petits polypes ne sont pas de vrais adénomes, mais des polypes hyperplasiques sans potentiel malin. Puisque le risque de transformation en cancer d’un adénome est lent (en moyenne dix ans), la faible probabilité pour qu’un polype infracentimétrique dégénère en cancer devient une limite pour atteindre en matière de coût-efficacité la réduction de la mortalité due aux cancers colo-rectaux.
Le coloscanner ou coloscopie virtuelle est une méthode d’exploration morphologique de la totalité du cadre colique. Les coupes acquises permettent aussi l’analyse de l’ensemble de la cavité abdomino-pelvienne. Cet examen est venu se substituer au lavement baryté pour examiner de manière plus fiable la muqueuse colique pour le diagnostic des polypes et CCR. Il n’y a pas encore de codification pour le coloscanner, mais il est entièrement remboursé par les caisses primaires d’assurances sur la base d’un scanner abdomino-pelvien.
Acceptabilité par les patients.
Alors que le coloscanner est une technique peu invasive et parfois même gênante, la plupart des études ont montré une préférence par les patients pour cet examen de 71 à 82 % par rapport à la coloscopie classique. Cela s’explique par le fait qu’il n’y a pas d’anesthésie au cours de l’examen, le recours a des canules rectales d’insufflation de petit diamètre (5 mm) et l’utilisation de CO2 pour la distension du cadre colique. Nous avons trouvé dans notre propre série que le CO2 était mieux accepté que l’air ambiant.
L’irradiation au coloscanner est faible car il existe un haut contraste naturel entre l’air présent dans la lumière colique et les tissus mous qui l’entourent. La dose délivrée pour les deux acquisitions varie entre 5 et 7 mSv, elle est trois fois moindre que la dose délivrée pour un scanner abdomino-pelvien standard.
L’analyse des images.
Une fois les images transférées sur la station de travail, l’interprétation des images consiste à analyser les coupes acquises par une approche bidimensionelle et tridimensionnelle, ces deux approches sont complémentaires et interactives entre elles.
L’exploration de la muqueuse colique sur les vues 3D présente des limites partagées avec la coloscopie classique : l’angle de vision au sein de la lumière colique est limité. De ce fait, il existe en permanence une zone aveugle que se soit sur la vue antégrade ou rétrograde. Pour pallier cette insuffisance, d’autres méthodes existent : la « dissection virtuelle » du côlon, dont le principe est d’assimiler le côlon à un cylindre, et le principe du « cube dévoilé » qui consiste à représenter la vue endoscopique sous forme d’un cube avec 6 faces, avec un oeil imaginaire placé au centre et explorant les 6 faces en même temps.
Le coloscanner permet aussi d’examiner l’ensemble de la cavité abdomino-pelvienne et de dépister d’éventuelles lésions extracoliques.
Le recours aux images 2D et 3D apporte souvent le diagnostic de polypes ou de masses coliques. Dans certaines situations, le diagnostic est plus difficile et le recours à la coloscopie classique devient nécessaire.
Aide au diagnostic.
L’outil d’aide au diagnostic ou CAD (Computer Aided Diagnosis) offre la possibilité au radiologue d’un deuxième avis et c’est à ce dernier de déterminer s’il s’agit d’un vrai polype ou d’un faux positif. Il lui permet d’améliorer ses performances diagnostiques dans la détection des polypes et des masses coliques et de réduire ainsi les écarts de performance entre les lecteurs expérimentés et les débutants, le tout sans allonger le temps d’interprétation. Les systèmes actuels de CAD permettent dans la majorité des cas d’obtenir des résultats avec une bonne sensibilité et un faible taux de faux positifs.
Une étude récente incluant 1 186 patients ayant eu le même jour le coloscanner et la coloscopie a montré que les performances du CAD étaient comparables à celles de la coloscopie optique pour les polypes de 10 mm avec une sensibilité de 89 %. Cette technique, en cours de développement, nécessite toutefois plus d’évaluation avant d’être définitivement validée.
Indications actuelles.
Il existe aujourd’hui de façon incontestable des indications propres à la coloscopie virtuelle comme l’attestent les recommandations de la Haute Autorité de santé parues en juillet 2004. Ces indications sont représentées essentiellement par l’exploration du côlon proximal en cas de coloscopie incomplète (de 5 à 10 % des coloscopies), de tumeurs coliques sténosantes et non franchissables par l’endoscope. Les autres indications sont en fait les contre-indications à la réalisation d’une coloscopie classique, c’est-à-dire les patients avec insuffisance respiratoire, le traitement aux anticoagulants ou alors les allergies aux substances utilisées en anesthésie.
Dans certains cas et en dépit de la forte présomption de tumeur colique, l’examen endoscopique ne sera pas réalisé chez les patients avec une insuffisance respiratoire, ayant un traitement aux anticoagulants et chez les patients allergiques aux substances utilisées en anesthésie. Dans ce cas, la coloscopie virtuelle est l’examen de choix. La coloscopie classique est le gold standard pour l’examen du côlon. La plupart des patients et pour des raisons variées (anxiété, crainte, peur de l’anesthésie, manque d’information) refusent la coloscopie. En leur proposant un examen par une imagerie non invasive, mieux tolérée et sans anesthésie, cela permettra une plus grande adhésion et acceptabilité de ces patients au dépistage et à effectuer une coloscopie classique si le coloscanner dépiste des lésions précancéreuses.
Perspectives.
L’objectif du dépistage du CCR est de réduire son poids sur la santé publique en termes de mortalité et de morbidité ; il s’agit de proposer un test simple, sans danger, peu onéreux, facilement acceptable et efficace. Le coloscanner a certainement un rôle à jouer parmi les tests actuellement disponibles, l’objectif à terme est de définir sa place dans un schéma de dépistage de masse. Il existe à ce jour plusieurs moyens de dépistage du cancer colo-rectal, aucun de ces tests n’est parfait.
Pour un examen morphologique complet du cadre colique, il existe trois options actuellement disponibles : le lavement baryté en double contraste (Lbdc), la coloscopie, qui est à ce jour l’examen de référence, et le colosconner. Ce dernier est en cours d’évaluation et n’a pas la prétention de se substituer à la coloscopie classique qui est, par essence, l’examen de deuxième ligne permettant la polypectomie. La coloscopie virtuelle peut devenir un examen de première ligne chez les patients asymptomatiques en se substituant par exemple à l’Hemocult II, cette question reste pour l’instant sans réponse. Des études américaines et européennes sont en cours pour évaluer les performances de cette technique, parmi lesquelles l’étude française dans laquelle les sociétés savantes de radiologie et de l’endoscopie digestives ont décidé d’évaluer prospectivement cet examen pour mieux préciser sa place potentielle.
* Service de radiologie du Pr Grenier, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris.
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