« Il y a 10 ans, à peine 3 chercheurs revendiquaient à l’Inserm l’étude de la psychiatrie », se souvient le Pr Arnold Munnich (pédiatre et généticien, directeur du Département de génétique, hôpital Necker, Paris). Aujourd’hui, toutes les spécialités se penchent, avec des arguments plus ou moins objectifs et/ou pertinents, sur le berceau des autistes. Neurosciences cognitives, imagerie, psychanalyse, génétique, …. autant d’approches pour échafauder une prise en charge dont les modalités restent à évaluer.
Une panne du cerveau social
L’autisme est un trouble du développement global, envahissant, qui altère dès les 1ères semaines de vie l’ensemble des capacités d’interaction avec l’environnement et les moyens de communication : les relations sensorimotrices et émotionnelles ne sont pas synchronisées avec l’autre, ce qui gêne (entretiens, questionnaires et films familiaux à l’appui) les interactions réciproques. Cette maladie de la « carence sociale » se manifeste le plus souvent avant 12 mois. « Le bébé, décrit le Pr Catherine Barthélémy (pédopsychiatre et physiologiste, Inserm U930, CHRU Bretonneau, Tours) s’ajuste mal à sa mère, semble insensible à sa voix, ne la regarde pas, ne lui tend pas les bras. Les caresses semblent le faire souffrir » ; un défaut d’attention qui contraste avec son intelligence logique (pressenti sur son comportement avec les objets). « Ce fonctionnement propre aux autistes éclaire les liens entre circuits cérébraux et comportement social ».
Un repérage précoce
Ces observations permettent une lecture neurofonctionnelle de l’autisme, basée sur l’analyse des capacités d’attention, perception, association, imitation, émotion, contact, préludes au langage à condition qu’elles évoluent en une « danse harmonieuse ». Des signes d’alerte absolue ont été identifiés et un outil diagnostique élaboré, le questionnaire CHAT (Check-list for Autism in Toddlers), qui permet de repérer, dès 18 mois, les enfants à risque via des séances de jeux respectant les goûts et les habitudes du petit enfant (idéalement avant 4 ans, quand la plasticité cérébrale est à son acmé).
Des modifications à l’IRM
Des anomalies fonctionnelles, bitemporales, ont été mises en évidence à la TEP (tomographie par émission de positions), traduisant un mauvais fonctionnement au repos de ces régions, le degré de perturbation étant corrélé à la sévérité de la maladie. « Des modifications anatomiques sont aussi relevées à l’IRM avec une diminution de la substance grise, toujours dans les 2 régions temporales », observe le Pr Nathalie Boddaert (radiopédiatre, hôpital Necker, Paris), et plus précisément dans le sillon temporal supérieur où se détermine l’interaction (perception, reconnaissance et compréhension d’autrui) ; 40 % des autistes idiopathiques ont une IRM anormale.
La part des gènes
Les autistes formant un groupe hétérogène au regard de leur phénotype, « on peut en déduire qu’il n’y a pas un, mais des autismes, syndromiques ou non syndromiques, résultats de mutations, de remaniements chromosomiques… Nous avons finalement beaucoup de gènes candidats » note le Pr Thomas Bourgeron (Unité Génétique humaine et fonctions cognitives, Institut Pasteur, Paris). Sur un bagage neuronal identique à la naissance, ce qui distingue un individu d’un autre est le feu d’artifice de connexions permises par les protéines synaptiques, dont la neuroligine, manifestement impliquée dans l’autisme. « Il nous faut alors trouver d’autres chemins de synapse, par un travail sur l’environnement qui doit être le plus approprié à un enfant donné, au phénotype particulier ». Une piste : celle de la mélatonine, normalement à taux faible le jour et élevé le nuit. L’enfant autiste en aurait peu, comme s’il vivait dans une grotte, avec des rythmes jour-nuit pas tout à fait bien calés. Une étude mélatonine versus placebo, basée sur cette avancée, est en cours.
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