Psychiatrie

De la pression à la dépression

Publié le 08/06/2012
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La dépression est deux fois plus fréquente chez la femme que chez l’homme. Une inégalité liée en partie à l’impact des hormones mais aussi au cumul des contraintes sociales et familiales.

Maladie multifactorielle, la dépression peut être due à l’implication de plusieurs facteurs : biologiques, psychologiques et sociaux. Chez la femme, l’implication des facteurs hormonaux est importante. Il existe des périodes de fragilité, comme la période pré-menstruelle, au cours de laquelle les femmes se plaignent d’irritabilité, de fatigue et de forte réactivité émotionnelle. Les nombreux changements hormonaux qui se produisent pendant la grossesse peuvent également contribuer à la dépression, en particulier chez les femmes les plus sensibles. La période du post-partum est une période à risque et beaucoup de nouvelles mères font l’expérience du « baby-blues », qu’il faut surveiller afin qu’il n’évolue pas en épisode dépressif caractérisé. Enfin, les femmes sont également sujettes à des variétés thymiques et, donc, au risque de dépression, pendant les périodes de la ménopause et de la péri-ménopause.

La principale cause de dépression chez la femme semble cependant être environnementale et liée au stress et aux inégalités. En effet, comme l’explique le Dr Gut-Fayand (hôpital Sainte-Anne, Paris), « Les femmes ont beaucoup de choses différentes à gérer et sont souvent écrasées par toutes les responsabilités du quotidien ». Les facteurs de stress, les événements de vie, la conjugalité sont autant de facteurs de vulnérabilité.

Une vulnérabilité génétique

Comme chez l’homme, la vie affective et éducative durant l’enfance tient aussi une grande part dans le risque de dépression. Un abus sexuel ou physique dans l’enfance peut jouer un rôle déclencheur de dépression chez les femmes, comme l’ont montré différentes études. La récente étude de Cort (New York, 2012) retrouve ainsi une proportion de 21 % de femmes ayant eu des abus sexuels dans leur enfance dans une population de femmes ayant une dépression majeure. Enfin, la place de la génétique est importante dans la dépression et il existe des familles de dépressifs, prouvant ainsi l’existence d’une vulnérabilité génétique.

Les modalités d’expression de la dépression de la femme sont souvent différentes. « Chez la femme, il n’existe pas toujours une symptomatologie typique dépressive, mais plus une fatigabilité, une insatisfaction, de l’irritabilité, des troubles de l’appétit. Dans certains cas elle peut avoir une conduite addictive avec consommation d’alcool ou auto-médication d’anxiolytiques. Chez l’homme, en revanche, les symptômes sont plus francs et l’on peut craindre la tentative de suicide qui est souvent aboutie. Chez la femme, il s’agit plus souvent d’un signe d’appel », précise le Dr Gut-Fayand.

Le généraliste se doit d’être vigilant face à ces différentes plaintes et, après avoir éliminé une cause somatique (penser à une hypothyroïdie), il doit amener la patiente à consulter, sans obligatoirement prescrire d’emblée un anti-dépresseur.

La prise en charge médicamenteuse est nécessaire quand existe une souffrance importante, avec retentissement sur la vie professionnelle et sociale.

Lorsque ces troubles sont moins intenses, on peut traiter sans anti-dépresseurs et une simple prise en charge psychologique peut permettre dans un premier temps de soulager la patiente.

« Si besoin est, le médecin généraliste ne doit pas hésiter à passer la main au spécialiste, il ne doit pas non plus prescrire des anti-dépresseurs trop facilement. Dans les différentes prises en charge au-delà du médicament, il faut penser aux psychothérapies de gestion du stress, comportementales cognitives ou de soutien psychanalytique, mais également aux nouvelles techniques de pleine conscience et de méditation, notamment pour la prévention des rechutes », conclut le Dr Gut-Fayand.

Dr Brigitte Vallois

Source : lequotidiendumedecin.fr