Par le Dr DAVID ELIA*
LA DYSMÉNORRHÉE correspond à des menstruations douloureuses avec crampes utérines précédant l'écoulement menstruel ou contemporaines de celui-ci. Elle peut être primaire ou secondaire à des lésions génitales.
La douleur survient la veille, l'avant-veille ou les premiers jours des règles et disparaît en 1 à 4 jours. Elle est souvent maximale le premier jour, mais peut parfois n'apparaître qu'aux deuxième et troisième jours. Il s'agit d'un spasme continu d'intensité modérée à très forte (2). Elle est médiane suspubienne, mais peut irradier vers le périnée, le rectum, les membres inférieurs, la région lombaire et l'abdomen. Elle peut s'accompagner de nausées, migraines, vomissements, diarrhée, nervosité ou lipothymies (des signes qui évoquent ceux d'un excès de prostaglandines). La douleur revient à chaque cycle, avec une intensité variable.
Comme l'indiquent les données épidémiologiques, la dysménorrhée concerne majoritairement les femmes jeunes ; elle apparaît dès la première année de survenue des règles, classiquement lors de cycles déjà ovulatoires.
On oppose les dysménorrhées primaires dites fonctionnelles – les plus fréquentes chez la jeune fille – aux dysménorrhées secondaires avec cause organique sous-jacente (endométriose, infection, polypes utérins, myomes sous-muqueux…).
Le rôle des prostaglandines.
La dysménorrhée correspond à une hypercontractilité utérine avec hypoxie utérine par réduction du flux vasculaire et action directe des prostaglandines sur les terminaisons nerveuses. La chute du taux de progestérone induit la synthèse de prostaglandines endométriales. Et cette hypersécrétion de prostaglandines est responsable d'une élévation du tonus de base (> 10 mmHg), d'une augmentation de l'activité contractile (> 120 mmHg), d'une élévation de la fréquence de ces contractions et d'une dysrythmie.
Une stimulation pro-inflammatoire (traumatisme, cytokines...) conduit à la synthèse de PGE 2 et PGI 2, responsables d'une vasodilatation (générant rougeur et oedème), d'une sensibilisation des nocicepteurs à la bradykinine et à l'histamine (responsables de la douleur) et de fièvre (en coaction avec les cytokines IL1 et IL6).
La surproduction de prostaglandines est issue de la voie cyclo-oxygénase de type 2 (COX 2), isoforme inductible de la cyclo-oxygénase, ne s'exprimant qu'au sein du site inflammatoire.
La stratégie thérapeutique découle des mécanismes physiopathologiques de la dysménorrhée (3, 4). Elle repose sur : les progestatifs, la contraception orale, les AINS ou éventuellement les antispasmodiques.
L'efficacité des progestatifs est reconnue de longue date. Ils sont prescrits du 16e au 25e jour et diminuent la motricité utérine en réduisant de manière significative les PGF 2. On les privilégie en première intention chez l'adolescente qui n'a pas de vie sexuelle.
Les progestatifs macrodosés sont administrés du 5e au 25e jour ; ils ont une efficacité équivalente à la pilule par une action antigonadotrope.
Autre possibilité thérapeutique, la contraception orale. Elle agit probablement par inhibition indirecte de la synthèse des prostaglandines du fait de l'atrophie de l'endomètre qu'elle suscite. Elle est devenue le traitement de référence avec 90 % d'efficacité. Les pilules extrêmement peu dosées semblent moins efficaces ; il convient donc de choisir des pilules dites minidosées. Et il semble que les contraceptifs oraux à climat progestatif dominant sont plus efficaces.
Face à un échec de la contraception orale (CO) avec persistance de la douleur, on peut proposer d'associer un AINS ou de recourir à une pilule plus dosée, ou encore d'allonger la durée du traitement CO.
La place des AINS.
Les AINS constituent une approche thérapeutique intéressante de la dysménorrhée dans la mesure où ils inhibent la COX 2 et ont ainsi un effet anti-inflammatoire et antalgique. Cependant, ils inhibent aussi la COX 1, et sont responsables d'effets non souhaités en cas de dysménorrhée (effet antiagrégant plaquettaire, allongement du temps de saignement, risque de gastrite ou ulcère gastroduodénal…). Cette dualité conduit à préférer les AINS à demi-vie plasmatique assez brève ; c'est-à-dire les dérivés propioniques : ibuprofène 200 à 600 mg, 2 fois/ 24 heures ; flubiprofène 100 à 150, 2 fois/24 heures ; acide méfénamique 500, 3 fois/24 heures ; naproxéne 500 mg, 1 à 2 fois/ 24 heures ; etc. Dans ces conditions, comme le montre une revue de 51 études contrôlées concernant 1 649 femmes (Owen, 1984), la tolérance des AINS dans le traitement de la dysménorrhée est habituellement bonne.
Reste que, même si la dysménorrhée est loin d'être une affection psychosomatique, la douleur a toujours une composante affective : l'information, l'explication de la maladie et de son excellent pronostic, font partie intégrante de la thérapeutique. Enfin, il est parfois nécessaire d'avoir recours à des thérapeutiques plus agressives comme la chirurgie ou les antagonistes du calcium.
* Paris.
1. Dawood MY et al. Clin Obstet Gynecol. 1990 Mar ; 33(1) :168-78. 2. Elia D. Reproduction humaine et hormones,1996, volume IX : 2-12.
3. Sultan C. Rev Fr Gynecol Obstet. Clinical, biological and therapeutic data1986 May ; 81(5) :253-6.
4. Sultan C. Endocr Dev. 2004 ; 7 :140-7.
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