TITULAIRE de la chaire de philosophie à la New School for Social Research de New York, Simon Critchley nous narre les derniers moments de tous les philosophes un peu importants. « Mon pari est qu’en apprenant à mourir, on peut aussi apprendre à vivre. » Soit.
Il y a des morts plus célèbres que d’autres. Celle de Socrate, bien sûr, qui, dans le « Phédon » de Platon, est évoquée par le chant du cygne. Ou celle de Descartes, convoqué à 5 heures du matin par Christine de Suède pour un cours glacial.
Pour ceux qui aiment les derniers mots, retenons celui du triste Kant : « Ça suffit ! » Nous avons un faible pour « Je m’ennuie déjà » murmuré par Francis de Croisset avant de s’éteindre. Mais est-ce bien un philosophe ?
Intelligents.
Il est bien vrai que le dernier ouvrage de Charles Pépin n’est pas un manuel de philosophie, ni d’ailleurs une astuce magritienne. Nul petit vade-mecum pour recracher deux ou trois citations au bac, mais un déploiement bien conçu, une stratégie pour débusquer le sujet et l’illustrer. Construit autour de cinq grandes familles de thèmes, Charles Pépin encadre ses sujets de trois ou quatre rubriques qui sont autant de points de vue.
Le livre esquisse très vite une contradiction féconde. Ainsi, à propos du Sujet, il nous installe dans un cogito cartésien, premier mais très étouffant : si je ne suis que parce que je pense, les autres demeurent hypothétiques, voire même inexistants. Il oppose à cela l’idée de Hegel : tout ce que je sais sur moi m’est donné par autrui. Au passage, il illustre les idées par un très court texte révélateur.
Descendu de son divan, Charles Pépin ne jargonne jamais. Il serait plutôt du genre « Glissez mortels, n’appuyez pas ». Ça a l’air simple et on découvre tout à coup une véritable pensée complexe, il nous transforme en commissaire Bourrel (référence que les moins de 20 ans ne peuvent pas saisir). « Bon sang ! Mais c’est bien sûr ! » Bref, il nous rend intelligents.
En plus, des vignettes confèrent un caractère humoristique à l’ensemble. Un décalage très understatement : l’intersubjectivité est ainsi illustrée par deux ladies à chapeau boxant l’une contre l’autre.
Humour fécond également que le retour de la rubrique « Bêtisier ». S’il y a un sujet sur la culture, ne sortez ni votre relativisme bas-de-gamme, ni votre horripilant « Guernica » de Picasso. Ne commencez pas votre devoir par un « De tous temps » en fonte émaillée. Sachez que la phrase « L’enfer, c’est les autres » signifie... le contraire de ce qu’elle semble vouloir dire et que « la volonté de puissance » de Nietzsche n’est pas ce que croyait Goering.
Concession ultime aux potaches qui passeraient le bac, chaque grand thème contient sa « copie de rêve » qu’on est prié d’approfondir, non de reproduire. Mais leurs parents découvriront dans cet opus que la philosophie peut réconcilier plaisir et rigueur et que des tensions contraires du bois et de la corde part la flèche d’Héraclite... et de Charles Pépin.
Signalons également les 5 petits ouvrages d’Alain Renaut, centrés sur des thèmes très classiques (le sujet, la culture, la raison et le réel, la politique et la morale). Les développements y sont très denses et chaque livre se termine par un utile glossaire. On eut pourtant préféré une présentation plus aérée.
Simon Critchley, « les Philosophes meurent aussi », François Bourin Éditeur, 360 p., 23 euros.
Charles Pépin, « Ceci n’est pas un manuel de philosophie », Flammarion, 282 p., 24,90 euros.
Alain Renaud, « Découvrir la philosophie », 5 petits ouvrages, Odile Jacob poches.
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