JUSQUE-LÀ assez discret depuis son retour dans les instances de l'assurance-maladie, le Medef (c'est-à-dire le patronat) a joué les trouble-fête le jour même du coup d'envoi de la négociation conventionnelle avec les médecins libéraux. Dans un entretien avec « les Echos », Guillaume Sarkozy, vice-président de l'organisation patronale et frère du futur président de l'UMP, a en effet mis la pression juste avant que Frédéric van Roekeghem ne soit officiellement mandaté pour négocier au nom de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam) en fonction des « orientations » validées par son conseil.
Tout en « partageant complètement » ces orientations, Guillaume Sarkozy stipule que les résultats de la maîtrise médicalisée des dépenses doivent précéder les revalorisations d'honoraires. « Il faut, explique-t-il, privilégier l'approche de récompense plutôt que l'anticipation, un discours qui a fait ses preuves dans les entreprises. La "sanction positive" doit venir après, et non avant. » Le chef de la délégation patronale au conseil de l'Uncam rappelle que le Medef est revenu à la Sécu en raison précisément des assurances du gouvernement sur un retour à l'équilibre des comptes de l'assurance-maladie à l'horizon 2007. « Il est impératif que (l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie, fixé à + 3,2 % en 2005) soit atteint », déclare Guillaume Sarkozy, qui se montre « optimiste, car les économies pouvant être obtenues par la maîtrise médicalisée sont très importantes. ».
Cadrage financier.
Résumées dans un document de seize pages, les orientations fixées par le conseil de l'Uncam pour la négociation conventionnelle évoquent aussi expressément « la dimension économique » de l'accord recherché, au-delà de la nécessité d' « un équilibre entre l'engagement attendu des professionnels et les contreparties d'amélioration de la qualité des soins » pour les patients. Les limites économiques de l'accord conventionnel « découlent du cadrage financier fixé par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2005 », précise le texte. A propos de l'optimisation des dépenses (par le respect de référentiels, de recommandations de bonnes pratiques, ou de règles de prise en charge collective), le document du conseil de l'Uncam ajoute : « Parler de maîtrise médicalisée n'exclut pas d'en escompter un rendement financier significatif, dont le montant doit figurer à l'ordre du jour des négociations. (...) En règle générale, toute revalorisation tarifaire doit être conditionnée au respect des objectifs, annuels ou pluriannuels, de maîtrise médicalisée. » Même si la feuille de route du conseil de l'Uncam rejoint les conditions posées par le Medef, elle n'exclut pas pour autant, à court terme, de premiers gestes financiers envers les médecins libéraux.
La rémunération de la fonction de médecin traitant envisagée par le chef d'orchestre de la négociation, Frédéric van Roekeghem (« le Quotidien » du 20 octobre), concernera principalement les médecins généralistes. Pour ce qui est des spécialistes, le directeur général de l'Uncam aura du mal à obtenir leur première adhésion à une convention depuis 1995 s'il leur demande de participer à la coordination des soins et à la maîtrise médicalisée, tout en les faisant patienter en vue d' « une sanction positive » ultérieure sur leurs honoraires opposables, pour reprendre les termes de Guillaume Sarkozy.
La loi sur la réforme de l'assurance-maladie a certes accordé aux médecins spécialistes de secteur I un droit à dépassement lorsqu'un patient les consulte directement sans passer par son médecin traitant et en dehors de tout protocole de soins, mais les orientations de l'Uncam apportent une double limite à ces dépassements tarifaires. Non seulement elles posent le principe d'un plafonnement (sur une part de l'activité, de façon annuelle ou par acte), mais elles incitent les régimes complémentaires à ne pas les financer au nom de la « dimension pédagogique » de la différenciation des conditions de prise en charge, dans le but de favoriser la coordination des soins.
Ccam :période d'observation.
Par ailleurs, la mise en place de la grille tarifaire de la Classification commune des actes médicaux (Ccam), dont le volet technique était particulièrement attendu depuis des années par les spécialistes, est retardée. Le document de l'Uncam (chargée désormais de prendre les décisions concernant la nomenclature des actes et prestations prises en charge) prévoit une « mise en œuvre progressive et évaluée (de la Ccam) , en concertation étroite avec les représentants des professionnels concernés pour tenir compte des effets induits sur les revenus » des spécialistes. La révolution tarifaire en fonction des scores de travail médical attendra. Au sujet des « enjeux immédiats de la négociation » sur la Ccam, l'Uncam juge « souhaitable de prévoir une période d'observation » pendant laquelle les codes Ccam seront saisis par les médecins pour identifier les actes, tandis que l'on conservera « des règles et des niveaux de tarification aussi proches que possible de la Ngap » (nomenclature actuelle en médecine de ville). « Au terme de cette période d'observation, est-il écrit, le codage tarifant commencera à approcher les tarifs Ccam pour les atteindre à une échéance à déterminer. »
Dans ces conditions, les médecins libéraux auront besoin d'une « carotte » moins lointaine que la Ccam pour jouer le jeu de la réforme. La question des revalorisations tarifaires peut donc difficilement être rayée de l'ordre du jour des négociations qui viennent tout juste de commencer officiellement.
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