ZARKAOUI était un repris de justice jordanien, poursuivi par les services secrets de son pays : ils auront sans doute contribué à son exécution, accomplie, sans effort, par un bombardement aérien américain sur la foi de renseignements sûrs.
Il est peu probable que Zarkaoui ait jamais été un grand idéologue, champion de la cause arabe ou même de l’islam. C’est d’abord et avant tout un brigand de la pire espèce, un voyou d’une cruauté sans limites, dont l’appétit de pouvoir se satisfaisait des sévices corporels qu’il infligeait à ses malheureuses victimes. Quand il s’empara de Nicholas Berg, un jeune Américain farfelu, parti pour l’Irak à la recherche d’aventures, il le tortura et se fit filmer en train de le décapiter lentement, au couteau.
Un monstre.
«C’était un monstre», a dit laconiquement la parente d’une autre victime américaine. Faut-il ajouter qu’avec la disparition de Zarkaoui le monde n’est pas plus mauvais ? Malheureusement, comme il est courant en Occident d’opposer à la barbarie une molle invitation à la vertu, le père de Nicholas Berg n’est pas de cet avis. Non seulement l’esprit de vengeance lui est étranger, mais il ne croit pas que la mort de qui que ce soit apporte quoi que ce soit à l’humanité. Cet impressionnant discours renvoie la mort de son fils au chapitre des pertes et profits. Berg père a stigmatisé comme il se doit la politique irakienne de George W. Bush, ce qui semblait être son premier souci, avant même celui de commémorer le martyre de son enfant. On veut bien qu’il soit hostile à toute vengeance ; on comprend moins qu’il ne voit pas qu’un assassin hors d’état de nuire, c’est l’espoir que bon nombre d’innocents échapperont à ses crimes. Il est possible que M. Bush soit critiquable et mérite de prendre sa retraite, il est certain que Zarkaoui méritait cent fois d’être expédié ad patres.
Là-dessus, ne voilà-t-il pas que les longues analyses s’ajoutent aux exégèses, la grande question portant sur les changements politiques que pourrait entraîner la mort de Zarkaoui. La réponse est simple : aucun, sinon le sentiment des Américains et du nouveau gouvernement irakien d’avoir réglé un compte avec un salaud. Pour une fois, M. Bush lui-même s’est bien gardé de triompher et les Irakiens sont les premiers à reconnaître qu’ils n’espèrent pas une diminution de la violence.
FACE AU TERRORISME, LE REFUS ANGELIQUE DE TOUTE RIPOSTE EST DANGEREUXC’est un début.
Ce qui ne veut pas dire non plus que l’exécution de Zarkaoui soit une mauvaise nouvelle, comme tendent à l’affirmer des spécialistes, originaux jusqu’à la caricature, qui estiment qu’avec la mort de Zarkaoui, ce sera pire en Irak.
On se permettra de leur répondre que la violence n’a besoin d’aucun prétexte pour se répandre en Irak, qu’elle soit le fait des chiites, des sunnites ou des kamikazes arabes venus de l’étranger pour semer le chaos. Qu’il ne faut rien attendre de la mort de Zarkaoui sur le plan politique, ce qui prouve d’ailleurs qu’il jouait un rôle purement destructeur. Qu’il sera remplacé par aussi cruel que lui. Mais enfin que, si on annonçait la mort de Ben Laden, après celle de Zarkaoui, le moral d’Al-Qaïda serait en berne et le nôtre en hausse. Zarkaoui, c’est un début.
Voilà ce qu’on peut dire si on connaît son camp. Mais M. Bush est tellement détestable, n’est-ce pas ? qu’un monstrueux assassin serait plus séduisant que le président des Etats-Unis. Il y a même des Américains pour le croire, y compris le père d’une victime ; alors, on peut imaginer combien d’autres le croient dans le monde. Ils se livrent à une extraordinaire confusion entre ce qui les sépare de leur gouvernement et ce qui les sépare du terrorisme le plus aveugle. Ils donnent des leçons de morale au pouvoir politique sans paraître se douter qu’ils ne trouveraient aucune grâce aux yeux des Ben Laden et consorts, pour qui c’est la démocratie qu’il faut abattre, pas un régime en particulier. En conséquence, le problème n’est pas du tout de se venger des intégristes, c’est de les vaincre et d’en être débarrassé.
Ayman Al-Zawahiri, premier lieutenant de Ben Laden, est intervenu dans le débat du Proche-Orient en recommandant aux Palestiniens de rejeter l’idée du référendum proposé par le président Mahmoud Abbas pour contourner le refus du Hamas de reconnaître Israël. Dans un univers logique, il ne devrait pas y avoir de plus puissant stimulant que l’ingérence d’un mouvement terroriste étranger pour que la consultation soit effectivement organisée. Hélas, le monde n’est pas logique. Les Palestiniens n’ont peut-être aucune raison d’ignorer ce que dit un intégriste aux mains couvertes de sang : après tout, ils ont élu des extrémistes qui ne cachent pas ce qu’ils sont et ont fait de la haine une politique. Tout va bien : la Chine et la Norvège ont déjà brisé le boycottage du Hamas, le monde arabe n’a aucune prévention contre le gouvernement d’Ismaïl Haniyeh et, avec le temps, la lassitude et un peu d’incompétence, l’Europe finira bien par reconnaître elle aussi le Hamas. Dans ce cas, que fait-on de M. Abbas ? Et si, par désespoir, on se jette dans les bras des terroristes, ou si seulement on fait mine de pencher en leur faveur, quelle chance donne-t-on à une solution négociée ? Ce n’est pas par intolérance qu’il faut contenir les intégristes palestiniens ; c’est parce qu’ils font fausse route.
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