De notre correspondante
à New York
GRACE aux considérables avancées des trois dernières décennies, les médecins sauvent des bébés de 22 à 25 semaines. Mais tous n'en sortent pas indemnes, le taux de handicaps (moteur, intellectuel) augmentant avec la prématurité. Les séquelles sont multiples et peuvent se révéler plusieurs années plus tard.
L'American Academy of Pediatrics considère comme licite de ne pas entreprendre une réanimation chez des enfants nés avant 23 semaines d'âge gestationnel ou pesant moins de 400 g. Ces recommandations sont contestées, et les parents sont impliqués dans la prise de décision.
Des données sur l'avenir de ces prématurés extrêmes sont donc indispensables pour guider le choix des parents et des médecins.
Nés avant 26 semaines.
Les informations apportées par l'étude EPICure, la plus vaste à ce jour, sont précieuses pour les très grands prématurés, grâce à un suivi jusqu'à l'âge de 6 ans. Dans cette étude ont été enrôlés tous les enfants nés avant 26 semaines au Royaume-Uni et en Irlande de mars à décembre 1995. Leur prise en charge correspond aux pratiques actuelles, puisque plus de 60 % ont reçu une corticothérapie anténatale et 84 %, du surfactant.
Signalons au passage que, chez ces enfants, la survie néonatale à la sortie de l'hôpital était faible : 1 % pour ceux nés à 22 semaines de grossesse, 11 % à 23 semaines, 26 % à 24 semaines et 44 % à 25 semaines.
L'évaluation des 308 survivants à l'âge de 30 mois, précédemment rapportée, montrait un taux élevé de handicap sévère (24 % des cas).
Marlow (université de Nottingam, Royaume-Uni) et coll. rapportent dans le « New England Journal of Medicine » les résultats de l'évaluation cognitive et neurologique de cette même cohorte à l'âge de 6 ans. Sur les 308 survivants, 241 (78 %) ont pu être évalués dans quatre domaines : neuromotricité, cognition, audition, vision.
Le plus fréquent des handicaps est cognitif. Avec les tests cognitifs utilisés, datant de plus de vingt 9ans, 21 % présentent un handicap (au moins 2 DS). Cependant, les auteurs, qui reconnaissent que le QI s'est généralement élevé depuis, ont comparé leurs résultats à ceux de leurs camarades de classe nés à terme (groupe témoin). Le pourcentage s'élève alors à 41 % d'enfants atteints d'un handicap cognitif sévère.
Seulement 20 % des enfants n'ont aucun handicap neuromoteur ou cognitif à 6 ans. Vingt-deux pour cent ont un handicap sévère rendant l'enfant très dépendant (QI inférieur à 3 DS, surdité, cécité, etc.). Vingt-quatre pour cent ont un handicap modéré (QI abaissé de 2 à 3 DS, perte auditive appareillable, baisse de la vision). Trente-quatre pour cent ont un handicap léger (signes neurologiques sans grande conséquence fonctionnelle, strabisme ou trouble de réfraction).
Une paralysie cérébrale invalidante est observée chez 12 % des enfants.
La présence à l'âge de 2 ans et demi d'un handicap sévère est hautement prédictive d'un handicap modéré à sévère à l'âge scolaire (observé chez 86 % d'entre eux).
Le sexe masculin.
Un autre facteur de risque est identifié : le sexe masculin. En accord avec de précédentes observations de morbi-mortalité excessive chez les garçons grands prématurés, l'étude observe un risque accru de handicap chez eux, en particulier de handicap sévère et de déficit cognitif, qui s'accroît entre 2 et 6 ans.
Pour les Drs Vohr et Allen, auteurs d'un éditorial, « cette étude montre nos limites non seulement pour sauver ces enfants nés à la limite de la viabilité, mais également pour soutenir leur développement neurologique et cognitif... Ils auront besoin d'un soutien éducatif approfondi... Il faut se demander pourquoi ces enfants ont un risque aussi élevé de séquelles neurologiques ».
Sur une note plus optimiste, ils remarquent que le pourcentage d'enfants sans handicap dans l'étude (20 %) « suggère la possibilité d'identifier des facteurs biologiques, environnementaux et génétiques protecteurs ».
« New England Journal of Medicine », 13 janvier 2005, pp. 9 et 71.
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