La prédominance de l'hémisphère cérébral gauche dans le langage est-elle innée ou acquise ? En d'autres termes, cette prédominance est-elle une conséquence de l'acquisition du langage au cours des premières années de la vie ou reflète-t-elle une spécialisation de certaines aires dès la naissance ? C'est à cette question qu'a répondu une équipe internationale de chercheurs, M. Pena et coll. (dont Ghislaine Dehaene-Lambertz et Jacques Mehler, du CNRS). Ils concluent, à partir d'une expérimentation chez des tout nouveau-nés, à une supériorité innée de l'hémisphère gauche dans le traitement des propriétés spécifiques de la parole.
Douze bébés de 2 à 5 jours
On pourrait s'étonner que la réponse à la question ne soit connue que maintenant ; les progrès technologiques auraient pu la fournir plus tôt. En fait, de grosses suspicions pesaient, notamment grâce à des études de comportement. Elles suggéraient, après un stimulus verbal chez des bébés, une implication supérieure de l'hémisphère gauche et une prédominance dès le début de vocalisations s'apparentant au langage. Des études par IRM fonctionnelle sont parvenues à des conclusions similaires. Mais, elles ont été menées chez des bébés de 3 mois, alors qu'un développement postnatal existe déjà.
Il fallait donc s'intéresser aux premiers jours de vie.
Les chercheurs ont enrôlé, en Italie, douze bébés de 2 à 5 jours. Les tests ont été réalisés par topographie optique (lire encadré) réalisée pendant le sommeil.
Des bandes magnétiques ont été enregistrées au préalable. Il s'agissait d'histoires racontées par deux mamans, dont les enfants ne participaient pas à l'expérience. Les bébés entendaient dix fragments d'histoire de quinze secondes, séparés par des phases de silence de vingt-cinq ou trente-cinq secondes. La même expérience est également menée en passant la bande à l'envers. Les 24 capteurs mettent en évidence une activation supérieure de l'hémisphère gauche par rapport au droit lors de l'émission de paroles dans le sens normal de la bande. En revanche, il n'existe pas de différences interhémisphères lorsque la bande défile à l'envers ou pendant les silences. Selon les chercheurs, il s'agit là d'une preuve que, « à la naissance, le cerveau humain est fonctionnellement organisé pour traiter la parole dans l'hémisphère gauche, mais pas des paroles inversées entremêlées. De fait, l'hémisphère gauche adulte est plus réactif au sens normal qu'inversé, quand il est testé dans une langue inconnue ». Cette observation suggère aux chercheurs que certaines propriétés du sens normal de la parole sont essentielles pour activer des aires de l'hémisphère gauche impliquées dans le langage. L'asymétrie relevée montre que les humains sont nés avec une organisation cérébrale conçue pour détecter les signaux de la parole et attirer l'attention sur les paroles de leur environnement. Cette capacité existe après quelques heures de contact avec la parole.
« Proceedings of the National Academy of Sciences USA », édition avancée en ligne, doi/10.1073.
Un examen non invasif
Au cours de la topographie optique, des électrodes disséminées sur le crâne estiment les modifications du volume sanguin cérébral et de la saturation en oxygène, en réaction à des stimuli. Les résultats obtenus sont comparables à ceux de certaines analyses en IRM fonctionnelle.
L'examen est totalement non invasif. Il est de plus silencieux, ce qui lui donne une supériorité sur l'IRM dans le cadre de l'étude menée. C'est un examen de choix pour l'exploration cérébrale du nouveau-né.
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