LE MEILLEUR DÉBATTEUR est Olivier Besancenot. Peu de Français embrassent sa cause et on ne s'en plaindra pas ici. Mais il s'exprime encore mieux qu'en 2002 et il parvient à faire des exposés d'une telle cohérence que, si on n'y prenait garde, on les prendrait pour argent comptant. A côté de lui, José Bové peut être abandonné à son « insurrection électorale » qui lui apporte moins de 2 % des voix.
Dominique Voynet, en revanche, a gagné en fraîcheur. On est très injuste avec elle, comme avec Arlette Laguiller et Marie-George Buffet : pourquoi nous sommes-nous extasiés sur la candidature de Ségolène Royal, alors qu'il y avait déjà des femmes candidates qui ne manquaient pas, chacune à sa manière, de charme ? Il est vrai que la monotonie du discours de Mme Laguiller est lassante : elle ressemble à un bon gag qui nous faisait déjà rire il y a vingt ans et qu'elle n'a pas arrêté de nous ressasser. Mais elle est authentique.
Le regard de Buffet.
Mme Buffet, dont le regard contient une étincelle d'ironie qui ne s'éteint jamais, porte, bien malgré elle, le lourd fardeau du passé totalitariste, même si son discours et son comportement sont rassurants. Nous continuerons à nous émerveiller de l'incroyable candeur des communistes français qui ont si longtemps accompagné le stalinisme et sont devenus, après des épisodes alternés de participation au pouvoir et de rejet du pouvoir, les acteurs les plus compassionnés de la vie politique.
Ce sont, toutes les trois, des femmes françaises, donc forcément douées de séduction. Mme Voynet, par le passé, était souvent insupportable, surtout dans les démêlés internes des Verts auxquels elle proposait la concertation après qu'elle eut échoué. Elle aime beaucoup parler, et donc s'entendre, mais il faut lui reconnaître ses qualités d'oratrice et une cohérence dialectique comparable à celle de M. Besancenot. On ne peut pas dire que, face à Nicolas Hulot, qui l'aura quelque peu déstabilisée, elle a trouvé ses marques, d'autant qu'elle continue à se référer à lui alors qu'elle faisait déjà de l'écologie à l'époque où il ne songeait pas à sauver la planète. Mais elle a plus de charme que lui, et un beau sourire, qui n'a rien à envier à celui de Ségolène ; c'est une interlocutrice agréable.
Un chasseur fondu dans la nature.
Et du coup, on en arrive à éprouver de la sympathie pour la plupart des candidats, même Frédéric Nihous (Cnpt) qui vous convainc presque de ce qu'il dit, à savoir qu'il est plus écolo que les Verts. On l'imagine en précurseur de Homo sapiens; il nous renvoie aux enseignements de la paléontologie quand il exalte un chasseur fondu dans la nature, qui la vénère parce qu'elle lui donne tout.
C'est vrai, tous ceux que nous venons de mentionner, sauf M. Nihous, se situent à gauche. On remarque que M. Besancenot a pratiquement multiplié par cinq son audience, puisqu'il semble réunir 5 % des voix aujourd'hui.
LA FORCE DU LANGAGE EST DE POUVOIR SERVIR N'IMPORTE QUELLE CAUSE
C'est la récompense de son talent. Il est important de bien parler, cela plaît énormément aux gens et c'est de cette manière, d'ailleurs, qu'on les entraîne dans un projet catastrophique. Parmi les électeurs de M. Besancenot, il n'y a pas que des gens qui souffrent et qui, dans leur détresse, pensent que lui, au moins, les tirera du caniveau, quoi qu'il en coûte. Il y a aussi ceux qui préfèrent un bon discours à des idées raisonnables.
Pour ne pas l'ignorer, on n'omettra pas de mentionner Philippe de Villiers (1 % dans toutes les enquêtes d'opinion) dont on ne sait trop à quoi il sert, sinon à entamer (à peine) l'électorat de M. Le Pen. Et pourtant, lui aussi s'exprime bien. Enfin, Gérard Schivardi est un déçu (récent) du socialisme, qui ne mâche pas ses mots, tous au service de sa révolte, qu'il porte haut, sous ses cheveux argentés coupés court et au son d'une voix qui rappelle, à s'y méprendre, celle de Raimu.
A admirer ainsi une galerie de personnages qui occupent tout le spectre des idéologies, on mesure combien l'art de la persuasion est à la fois étrange et dangereux. On peut tout démontrer, le meilleur et le pire. On pense à ceux qui rédigent les discours des candidats : c'est un exercice de style ; faites-moi un texte lepéniste, ou sarkozyste, ou ségolénien. Ce serait très distrayant de les imiter et de constater que la beauté du langage peut servir n'importe quelle cause. Il suffit d'écouter M. Le Pen : autant son apparence, ses mimiques, sa voix rendent incompréhensible sa popularité, autant son langage est cultivé.
L'homme à abattre.
Ce n'est pas toujours le cas de Nicolas Sarkozy qui, pour dire ses quatre vérités, s'exprime parfois à la hussarde ; ni de François Bayrou qui, lui, cherche ses mots trop longtemps ; ni de Mme Royal. Certes, dans ses discours de meetings, elle allie sa fragilité féminine à des propos de tribun : un bon mélange. Mais elle a des intonations qui font la joie des imitateurs.
La culture est en outre désertée quand la gauche et l'extrême gauche partent de concert à l'assaut de Nicolas Sarkozy, l'homme à abattre. Il parle d'immigration, on le qualifie de raciste ; d'homosexualité et de pédophilie, c'est un adepte de l'eugénisme ; de travailler plus et il devient alors un exploiteur du peuple. Il ne saurait incarner le changement puisqu'il a été au gouvernement pendant cinq ans ; bien entendu, il a promis à Jacques Chirac de le mettre à l'abri de la justice. Comme personne ne pourra jamais le prouver, au moins le doute a-t-il été instillé dans l'électorat.
Il ne vient pas à l'esprit de ses contradicteurs, qui n'ont rien en commun sinon de combattre Sarkozy, qu'ils risquent d'en faire une sorte de victime. Au lieu de parler d'eux-mêmes, ils ne parlent que de lui. C'est l'homme le plus célèbre de France, à la fois parce qu'il a beaucoup de partisans et parce qu'il obsède tous les autres.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature