Classique
Wagner a Bayreuth, Mozart Salzbourg et Rossini Pesaro. L’opérette viennoise, qui ne s’arrête pas à Johann Strauss, a son sanctuaire à la frontière austro-hongroise, dans le charmant village vigneron de Mörbisch, au bord du Lac Neusiedler, là même où commence la Putza, l’immense plaine magyare ou Parc national de Hortobágy. Chaque été, près de 6 000 spectateurs chaque soir (150 000 par an) assistent à la représentation d’une opérette, assis sur des gradins placés au bord du lac, sur lequel, comme à Bregenz, flotte une scène géante. Une par saison, montée avec un soin infini auquel veillait jusqu’en 2012 le directeur du festival Harald Serafin, qui n’hésitait pas à se distribuer dans les rôles muets. Mörbisch filme jalousement ses productions qui, après leur retransmission télévisée, sortent en DVD pour une diffusion mondiale. Des petits trésors de ce genre mineur, certes, mais qui requiert autant de savoir-faire que son grand frère l’opéra.
Récemment est paru « le Pays du Sourire »**, de Franz Lehár, opérette exotique de 1929 dans laquelle une comtesse viennoise tombe amoureuse d’un prince chinois et le suit dans son pays, où elle ira de désillusions en déceptions. Créé à Berlin, « Das Land des Lächelns » fit vite, après Paris en 1932, le tour du monde, avec des tubes comme le duo du thé et surtout l’air de ténor « Je t’ai donné mon cœur », traditionnellement bissé jusqu’à l’épuisement. La musique fait se rencontrer la valse viennoise et la gamme pentatonique. Le livret est parfois un peu pataud et l’humour assez spécial. Un critique de l’époque avait écrit que « dans cette Chine-là, on sourit peut-être, mais on sourit jaune… ». C’est tout le talent de Winfried Bauernfeind d’en avoir réalisé pour le vaste plateau de Mörbisch une mise en scène spectaculaire, tout en respectant les moments d’intimité. Grâce à la participation de The Hunan Provincial Song and Dance Troupe et de l’Union Turniertanzformation et à la chorégraphe Gisela Walther les cérémonies de l’acte chinois ont ainsi beaucoup d’allure et de couleurs.
Autre parution, « l’Auberge du Cheval blanc »**, de Ralf Banatzky et Robert Stolz, créée à Berlin en 1930 et qui a eu un succès plus grand encore, avec « Je vous emmènerai sur mon joli bateau ». L’opérette convoque, dans le cadre idyllique d’une auberge folklorique au bord du Wolfgangsee, des personnages loufoques et même l’empereur François-Joseph en goguette, magistralement interprété en 2008 par Harald Serafin. Beaucoup de kitsch et une musique plus légère, mais un charme indéfinissable, grâce à la mise en scène ingénieuse, dans la tradition, de Karl Absenger, qui garde la poésie du propos tout en offrant du spectacle, de l’animation, une chorégraphie impeccable. À Mörbisch, on traite l’opérette au sérieux et le public en a pour son argent !
Des compositeurs méconnus
Après avoir écouté une édition internationale du CD d’airs d’opérette viennoise de Jonas Kaufmann paru chez Sony, nous avions écrit ici notre déception. Voici que paraît le DVD***du concert enregistré en public à Berlin en 2014 sitôt après les sessions d’enregistrement du CD. Le direct et la présence magnétique du ténor allemand permettent de revenir sur ce jugement. Il s’agit d’un formidable concert, dans lequel il aborde avec une versatilité enchanteresse tous les aspects de l’opérette viennoise. Notamment sa période la plus faste, de Stolz à Benatzky, de Korngold à Kálmán, et le répertoire de Richard Tauber, légendaire interprète de Lehár, dont le tube planétaire « Du bist die Welt für mich », qui donne son nom à l’album. Le documentaire « Berlin 1930 » est un bonus passionnant dans lequel Kaufmann raconte et illustre son énorme travail de recherche et de documentation pour réaliser ce travail et dans lequel il s’entretient avec des descendants de ces grands compositeurs si peu connus chez nous. Du grand art !
* Seefestspiele Mörbisch, du 9 juillet au 22 août 2015, avec « Une Nuit à Venise », de Johann Strauss. Tél. 00.43.2682 66210, www.seefestspiele-moerbisch.at.
** DVD Video Land Klassik.
*** DVD Sony Classical.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature