LE NOMBRE de nouveaux cas de mésothéliomes imputables à l'amiante continue d'augmenter chaque année dans l'Hexagone. De 30 000 à 40 000 cancers de la plèvre sont prévisibles d'ici à 2030, a déclaré devant la mission d'information de l'Assemblée sur l'amiante le Pr Marcel Goldberg (Institut de veille sanitaire/Inserm). Quand on prend en compte le nombre potentiel de tumeurs malignes du poumon, liées aussi à l'amiante, on arrive à la prévision, pour les vingt-cinq années à venir, de « 50 000 à 100 000 » déjà citées et communiquées aux autorités sanitaires en 2002-2003, fait remarquer au « Quotidien » le chercheur, chargé du programme national de surveillance des mésothéliomes. Ces chiffres découlent d'une modélisation mathématique à partir de cas répertoriés. Si le risque d'incidence est déjà fixé, c'est que « les mésothéliomes d'aujourd'hui résultent d'une exposition qui remonte à trente ou quarante ans ; et le mésothéliome signe à coup sûr l'existence d'une exposition à l'amiante », précise-t-il.
En ce qui concerne les cancers du poumon, 10 % d'entre eux chez l'homme, soit entre 2 000 et 3 000 sur 25 000, sont associés à l'amiante, témoigne le Dr Ellen Imbernon, responsable du département santé-travail à l'InVS.
De faibles progrès thérapeutiques.
Faute de traitements rassurants à proposer aux victimes, les experts se sont interrogés, devant les députés de la mission d'information, sur l'utilité d'un large dépistage afin de détecter précocement les dégâts causés par l'amiante. Pour le mésothéliome, la généralisation du dépistage « n'apporterait pas un bénéfice » évident pour le patient, en raison des « progrès thérapeutiques faibles », relève le Pr Jacques Ameille, pneumologue. Une détection précoce des cancers du poumon est possible par scanner, mais il n'est pas certain que « cela entraîne une amélioration en termes de survie ».
Au-delà des secteurs professionnels les plus concernés (chantiers navals, mines, usines fabriquant des produits à base d'amiante), le Pr Claude Got, anatomopathologiste, s'est posé la question de l'exposition intermittente à des niveaux qui peuvent être très élevés, comme ce peut être le cas des employés du bâtiment. Une grande partie des travailleurs concernés l'ignore , « alors que le système de réparation des cancers d'origine professionnelle est fondé sur la déclaration volontaire des victimes », regrette le Dr Imbernon, en constatant que le dispositif de suivi médical prévu pour repérer les retraités à risques n'a été « quasiment pas utilisé » (voir encadré).
Au regard du drame-scandale de l'amiante, les experts ont tenu à mettre l'accent sur la nécessité d'accroître les moyens d'études épidémiologiques et de surveillance de la santé au travail de façon à prévenir l'émergence de nouveaux risques professionnels. Par ailleurs, l'expertise devrait être indépendante des acteurs impliqués, c'est-à-dire des partenaires sociaux, estime le Pr Marcel Goldberg.
La mission d'information de l'Assemblée nationale « sur les risques et les conséquences de l'exposition à l'amiante », constituée à la demande de la conférence des présidents le 12 avril dernier, est présidée par Jean Le Garrec (PS, Nord), avec pour rapporteur Jean Lemière (UMP, Manche). Ses travaux, s'appuyant sur plus de 60 auditions, qui tiendront compte de la mission d'information du Sénat sur le même sujet*, seront rendus publics au plus tôt en janvier 2006.
* La mission sénatoriale sur l'amiante, présidée par Jean-Louis Vanlerenberghe (UDF, Pas-de-Calais), avec pour rapporteur Gérard Dériot (UMP, Allier), devrait rendre son rapport dans la deuxième quinzaine d'octobre.
Suivi de retraités dans trois régions
La Caisse nationale d'assurance-maladie des professions indépendantes et l'InVS viennent de mettre en place en Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes, une surveillance médicale et épidémiologique des artisans récemment retraités qui ont été exposés à l'amiante au cours de leur carrière professionnelle*.
Baptisé « Espri » (épidémiologie et surveillance des professions indépendantes), ce suivi médical concerne 1 200 personnes. L'exposition à l'amiante sera évaluée par le service de consultations de pathologies professionnelles de l'hôpital Pellegrin de Bordeaux.
Le programme sera étendu à d'autres régions à l'horizon 2007.
(1) Le suivi médical postprofessionnel actuel ne s'applique pas aux artisans, commerçants et professions libérales.
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