Depuis le 1er janvier 2015 nous voici donc obligés de prescrire en DCI.
À l’évidence, ce n’est pas pour que nos ordonnances soient plus scientifiques qu’avant. Le but inavoué est de favoriser la délivrance de génériques par le pharmacien.
Cependant, attention aux erreurs ! La semaine dernière, j’ai prescrit un laxatif, du Lactilol mais le pharmacien a délivré un anti-diarrhéique, du Lacteol…
Par ailleurs, ébahis devant nos ordonnances désormais libellées en DCI, certains pharmaciens s’autorisent à dire à nos patients : « Votre médecin vous a prescrit des génériques. »
Mes patients sont informés que ma prescription en DCI répond à la nouvelle réglementation et n’est en aucun cas un blanc-seing pour délivrance de médicaments génériques ou autre contrefaçon.
J’invite tous les bisounours...
Autre sujet, le tiers payant généralisé. Ce sera une catastrophe économique pour les médecins.
En admettant que le remboursement Sécu soit coordonné avec la part mutuelle, ce qui est peu vraisemblable, c’est sans compter sur le nombre de patients qui ne sont pas à jour de leurs droits : changement de régime pour les étudiants, changement de caisse pour les uns, mutuelle impayée pour les autres, absence de mutuelle pour certains, droits non à jour…
Jusqu’à présent, celui qui n’était pas à jour de ses droits et qui était mal remboursé se débrouillait pour mettre à jour sa situation dans les meilleurs délais, avant la prochaine consultation. Dorénavant, n’ayant pas à faire l’avance des frais, peu lui importera que sa situation ne soit pas en règle et que nous ne soyons pas payés…
Il faut s’attendre au bas mot à 10 % d’impayés.
Même en passant 1 à 2 heures par jour à faire des courriers de réclamation aux uns, à téléphoner aux autres, et à re-pointer sans cesse les remboursements il y aura toujours 5 % incompressibles d’impayés inhérents aux patients de passage qui seront définitivement perdus de vue et qui se moqueront bien d’être à jour ou non de leurs droits…
En rêvant que la valeur du C puisse être revalorisée de 23 à 25 euros, cela ne compensera même pas le nombre d’impayés, et quand bien même, personne ne nous payera en heures supplémentaires la perte de temps quotidien passé à la chasse aux impayés !
Le tiers payant généralisé sera une catastrophe économique pour la société.
Contrairement à ce que certains, dont notre ministre, veulent nous faire croire, la gratuité est une invitation immodérée à la consommation de soins.
J’invite tous ces bisounours à venir suivre une journée de consultation ordinaire à nos côtés. Ils pourront mesurer l’importance du problème lorsqu’ils verront cette mère de famille entrer dans notre cabinet médical, désigner chacun de ses 4 enfants en nous demandant de regarder le premier qui a le nez qui coule, le second qui tousse, le troisième qui a peut-être éternué et le quatrième qui n’a rien (mais sait-on jamais), puis nous tendre négligemment la carte Vitale à la fin de la consultation pour que l’on se fasse payer par dame Sécu.
Au diable l’avarice, surtout quand c’est quelqu’un d’autre qui paye !
J’invite tous ces bisounours à venir suivre une nuit de garde ordinaire à nos côtés. Ils pourront mesurer l’importance du problème lorsqu’ils verront que nous sommes appelés à 23 heures par ce père de famille installé dans son fauteuil en train de regarder sa télé (genre home-cinéma surdimensionnée) nous dire, en désignant l’enfant sur le canapé : « C’est pour lui docteur, ça fait 4 jours qu’il fait pas caca… » et toujours sans bouger de son fauteuil ; « j’ai la CMU ».
Le tiers payant généralisé, c’est de facto au moins 10 % de consultations supplémentaires au frais de la société.
Tiers soignant obligatoire ?
Le tiers payant généralisé obligatoire n’en finit pas de faire couler de l’encre. C’est bien normal. Mais le sujet a largement été débattu, je n’y reviens pas.
Un autre sujet, polémique et problématique devrait attirer l’attention des confrères qui n’ont pas encore saisi les dangers de la loi santé. Je dis polémique parce qu’il m’a déjà attiré les foudres de nos amies sages-femmes au travers des réseaux sociaux (je dis « amies », pas « consœurs », même si elles ont commencé à nous écrire « cher confrère » dans leurs courriers). Une sage-femme qui écrit « faire suivre par pédiatre ou PMI » dans le carnet de santé de l’enfant suivi par son médecin traitant, c’est agaçant. N’en parlons plus.
Une autre sage-femme qui suit une grossesse et qui envoie la patiente chez mon associée « juste pour l’arrêt de travail », c’est un peu énervant aussi. Mais passons.
Non, aujourd’hui, je veux vous parler du podologue qui écrit à mon confrère : « ... je dirais qu’il existe un Morton, qu’il conviendrait de confirmer par une IRM. » Bon, merci pour le conseil, c’est gentil de m’expliquer la vie.
Il poursuit : « Les douleurs des mollets… et les œdèmes bilatéraux évoquent de l’arthérite (oui avec un “h”) et en conséquence, un doppler… ». Là je dis bravo et encore merci, même si question sémiologie…
Et enfin : « J’ai aussi trouvé une sciatique droite descendante jusqu’au 5ème rayon, et douleur récréée à la palpation de L4L5. Une radio bassin dos serait utile… ». Une sciatique descendante, un conseil de radio ; je ne sais pas trop comment le prendre et ma méchanceté naturelle m’invite à penser que ce podologue, en plus d’écrire comme un pied (facile…), doit être content d’exposer à table qu’il est obligé d’expliquer au généraliste comment il doit faire son boulot. « Sont vraiment nuls ces médecins, faut tout leur expliquer, halala… »
Tout ça pour vous dire quoi ? Que j’ai une dent contre les sages-femmes et les podologues ? Pas du tout.
La loi santé prévoit de donner un peu la médecine à des paramédicaux qui seront habilités à « faire de l’éducation, de la prévention, du diagnostic et du traitement ; le tout sous leur propre responsablité (sic) ». Moi j’appelle ça exercer la médecine. C’est bien mérité. Eux au moins ne dessinent pas de fresques cochonnes sur les murs de la cantine.
La France est iconoclaste, intrépide et irrévérencieuse. On est tous Charlie. Même la ministre de la Santé, même le journal de 20H de France 2. Après tout, taquiner le nanti est une occupation ludique comme une autre. Et puis l’hiver est long.
Concernant les soins à nos concitoyens, je crains malgré tout que cette loi soit la porte ouverte à une patamédecine, qu’à l’instar d’une pataphysique, Alfred Jarry aurait eu bien du plaisir à dénoncer et à brocarder.
Je sais, l’idée est saugrenue, mais je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est une bonne chose de faire ce que l’on a appris à faire, ce que l’on sait bien faire, sans se pousser du col ni laisser à penser qu’on est autre chose que ce que l’on est.
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