VICTIME de son succès, la conférence de David Servan-Schreiber a commencé avec une demi-heure de retard, le temps nécessaire à la foule compacte qui se pressait sous la pluie de trouver place dans la salle - archi-comble, faut-il le préciser.
Le titre à la fois prometteur - « Guérir », en gros caractères - et provocateur - « sans médicament ni psychanalyse », en tout petits caractères - suffit-il à expliquer l'engouement du public pour les alternatives thérapeutiques prônées par ce fils du fondateur de « L'Express », neuropsychiatre et docteur en sciences ? Certes, non. Mais le parti pris d'une thérapeutique simple, naturelle et efficace, qui renvoie dos à dos médicaments - malsains, par essence - et psychanalyse - longue et complexe - est certainement pour beaucoup dans ce succès. Qu'en pense Claude Halmos, psychanalyste, chargée du courrier des lecteurs de « Psychologies Magazine » (organisateur de cette conférence), qui pointe, dans le dernier numéro du mensuel, « l'attitude actuelle de beaucoup de gens par rapport à ce qu'ils appellent la psy » ?
« Que pensez-vous qu'est un psy ? », interroge-t-elle. « Un devin susceptible de lire dans sa boule de cristal (...) , un sorcier qui, d'un coup de baguette magique, va vous guérir sans que vous ayez à sortir de votre chambre ? Un psy n'est rien de tout cela. (...) En supposant à l'autre un savoir absolu et en lui donnant par avance le pouvoir sur vous, vous vous prêtez à être la proie de n'importe quel charlatan. De n'importe quel vendeur de poudre de perlimpinpin qui vous proposera ses bons conseils, sa méthode infaillible, ses gélules ou sa secte », précise-t-elle.
L'EMDR, un pouvoir onirique ?
Non que les méthodes thérapeutiques proposées par le Dr Servan-Schreiber relèvent de la poudre de perlimpinpin. Mais l'engouement massif pour de telles méthodes pose questions. Le titre du livre laisse facilement accroire que l'on peut guérir de la dépression, de toute dépression, sans médicament ni travail sur soi. Or tel n'est pas le propos de cet ouvrage. David Servan-Schreiber se défend d'avoir voulu transmettre un tel message. Son livre a pour but de faire connaître des méthodes naturelles qui ont fait leurs preuves : acupuncture, exercice physique, alimentation (par exemple les acides gras oméga 3), relaxation, etc. Bref, un livre en forme de plaidoyer pour « une médecine écologique qui respecte le corps et l'esprit ». En forme de plaidoyer également pour l'EMDR, « technique de nettoyage des conséquences émotionnelles d'événements pénibles ». Cette reproduction de la fonction de « retraitement de l'information » des rêves, en provoquant chez le patient des mouvements oculaires rapides, a pour but de faire remonter le souvenir des événements douloureux et de les digérer dans un même processus. La projection d'une séance d'EMDR filmée a permis au public de constater l'efficacité de cette méthode thérapeutique dans certains cas. En l'occurrence, celui d'une infirmière souffrant d'une forme de dysmorphophobie. Incapable de se regarder dans le miroir sans éprouver une extrême souffrance, cette femme plutôt jolie est également incapable de relations sexuelles avec son nouveau compagnon à cause de l'image qu'elle a d'elle-même. Elle sort d'une longue relation de maltraitance d'avec le père de ses deux enfants. A priori, elle ne fait aucun lien entre sa souffrance et un quelconque événement. Au fur et à mesure de la séance d'EMDR (très rapidement), cette jeune femme voit remonter le souvenir de l'événement douloureux (lors de sa première grossesse, son mari, très distant avec elle, finit par lui dire qu'elle est la chose la plus laide qu'il ait jamais vue), prend du recul par rapport à cet événement, jusqu'à être capable de se regarder dans le miroir avec objectivité. Impressionnant, certes.
Mais une brève psychothérapie n'aurait-elle pas conduit aux mêmes résultats ? En outre, cette jeune femme s'est-elle réellement réconciliée avec elle-même ? Son passé de maltraitance peut-il se digérer aussi vite, aussi simplement ? La disparition d'un ou deux symptômes signifie-t-elle qu'elle est « guérie » ? On peut légitimement s'interroger sur l'efficacité d'une méthode d'apparence aussi « extraordinaire ».
Toutefois, si l'EMDR, l'acupuncture, la relaxation, les acides gras oméga-3 ne sauraient être considérés comme la panacée thérapeutique, la seule vraie voie de guérison, ces techniques n'enrichissent pas moins la palette des solutions qui s'offrent à certains patients. D'autant qu'on le sait, les voies de la guérison sont parfois, sinon impénétrables, du moins étonnantes.
* Editions Robert Laffont, 2003.
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