Sous le titre accrocheur « Des médecins grippe-sous », l’hebdomadaire « le Réveil normand » fait sa manchette sur les généralistes du pôle santé de l’Aigle (Orne). En « photo d’illustration », sur toute la « une », un quadra à lunettes d’écailles serre sur sa poitrine une liasse d’euros. En page intérieure, le journal local enfonce le clou, avec un titre pleine page : « Qui a eu autant que les médecins ? » et un entretien avec un élu de la communauté de communes qui « ne fera pas l’affront de donner le niveau de revenus des médecins » (sic).
« Pour un médecin isolé, subir une telle exposition, être jeté ainsi en pâture à sa clientèle, il y aurait de quoi se tirer une balle dans la tempe », confie le Dr Thierry Giroux, gérant du pôle.
Promenés par les élus...
En cause, le contentieux qui oppose les dix généralistes de la ville regroupés depuis 2013 dans le pôle santé et la communauté de communes (CDC) qui y a investi 2,7 millions d’euros sur les 3,53 millions de l’opération. « Nous étions tombés d’accord sur les termes du bail, explique le Dr Giroux, et nous avions intégré le pôle avec l’assurance verbale du directeur de la CDC que tout serait finalisé rapidement. Mais quatre mois plus tard, nous avons appris que les élus remettaient en cause l’accord sur le montant des charges et les clauses liées au paiement des bureaux inoccupés. Depuis, en l’absence de bail, nous sommes promenés par des élus qui se contredisent les uns les autres et refusent de tenir leurs promesses. Aujourd’hui, ils se servent du journal local pour tenter de nous discréditer d’une manière aussi blessante que scandaleuse. »
Référent ordinal pour les pôles santé en Basse-Normandie et président départemental de l’Ordre, le Dr Jean-Michel Gal dénonce « un traitement inadmissible » et se solidarise « totalement avec ces confrères dont la bonne foi a été abusée », promettant des suites judiciaires.
Incurie
Également vent debout « contre l’incurie des responsables locaux et l’attaque inacceptable relayée par ce journal », le Dr Antoine Leveneur, président de l’URPS « médecins » bas-normande, s’indigne contre le sort fait à « des professionnels de santé qui ont eu le seul tort de s’être engagés pour sauver l’offre de soins sur un territoire en pleine désertification ». Les avocats de l’Ordre et de l’Union régionale planchent sur une plainte en diffamation.
« Tout cela est d’autant plus lamentable, note le Dr Hubert Beauchef, cogérant de la structure, que, depuis plus d’un an, nous avons dépassé nos objectifs, avec plus de 400 appels par jour. Mais nous sommes en flux tendus. Deux internes sont en stage à l’Aigle et nous faisons tous nos efforts pour attirer de nouvelles installations. Alors, ce coup bas est vraiment mal venu. »
La une du « Réveil normand » a été affichée dans les salles d’attente du pôle, avec un communiqué des médecins. « Les patients ne nous en parlent guère, observe le Dr Giroux, on sent une petite gêne. Le coup a porté. »
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