TOURISME
PAR JACQUES CHAMBAZ
I L paraît que la reine de Saba vivait ici. A quelques mètres de la route qui passe aujourd'hui au sud d'Axoum. Les restes de l'édifice ont été remis debout par une mission archéologique française. On l'a baptisé palais de Dongour.
Après une averse brutale, les pierres se sont mises à briller intensément, les enfants à courir dans le labyrinthe des cours et des salles sans toit. Les historiens, qui ne sont pas toujours des gens de confiance, font remarquer que ce site est bien postérieur au siècle de la souveraine. Peu importe, le guide - ou le gardien, il a une clef à la main - est intarissable. Pour lui, point de doute. Avec ses mots, il fait revivre les pierres muettes et le temps fastueux de l'énigmatique compagne du roi Salomon. L'imagination s'envole. Ce pays est empreint d'une poésie désarmante : il détient l'Arche d'Alliance (la vraie) et se recueille sur le tombeau d'Adam (le vrai).
Bordée par de jolies collines, Axoum s'étend au nord de la province du Tigray, tout près de la frontière de l'Erythrée. Cette bourgade de pierre et de terre piquetée d'obélisques géants a vu naître une dynastie millénaire dont le dernier empereur fut Haïle Sélassié, petit homme au regard vif, assassiné en 1975 par le tyran marxiste Mengistu. Le sol regorge de tombeaux royaux. Par grande chaleur, on trouve une fraîcheur divine dans leurs couloirs de pierre aussi finement ajustée que savaient le faire les anciens Incas.
En avril, célébration des Rameaux, une des innombrables fêtes à Bon Dieu qui ponctuent la vie des Ethiopiens. Après de longues marches, des milliers de pèlerins venus des villages perdus d'Abyssinie - silhouettes furtives drapées de blanc - ont envahi ce lieu saint du christianisme préchalcédonien. Une procession traverse la ville - mulet harnaché d'or, cortège de prêtres drapés d'étoffes précieuses, ombrelles multicolores, croix ciselées, musique et palmes - pour rejoindre un arbre millénaire où s'agrippent des grappes de pèlerins. Une escouade de prêtres attendent. Chacun porte sur la tête un tabot enveloppé de mystère. Le tabot (on prononce tabote) est une planchette gravée sur laquelle on célèbre la messe. Comme un laïc ne peut le voir, il est caché dans un brocart. Une nouvelle averse - peut-être un signe du Ciel - éparpille la nuée des toges blanches tandis que les ombrelles, croix et « tabot » s'engouffrent dans le vestibule de Sainte Marie de Sion avec le cliquetis des précipitations.
Au petit matin, tandis que les cendres des bivouacs scintillent doucement dans la lumière blafarde et que s'évapore la délicate fragrance d'encens et de myrrhe, les oraisons de la Semaine Sainte venues de nefs sacrées continuent à se répandre sur une foule qui va prier encore trois jours.
Aux sources du Nil bleu
Escale sur les rives du lac Tana, à deux heures de vol d'Axoum. Ici, le Nil bleu prend sa source. A quelques kilomètres au sud, il s'élance dans le vacarme aérien des chutes de Tissisat (« l'eau qui fume »). Ptolémée avait baptisé cette petite mer intérieure « Choloe palus » (marécage creux) ; les rois salomonides en avaient fait le centre politique de l'Ethiopie.
Berges et îlots du lac abritent églises et monastères figés par le temps. Sur l'île de Dek, Narga Sélassié est un admirable édifice circulaire dédiée à la Trinité. De véritables bandes dessinées, qui reprennent le style si particulier des peintures sacrées éthiopiennes, illustrent les textes anciens et les légendes exotiques : le passage de la mer Rouge, une Vierge à l'enfant, l'archange Gabriel terrassant un énorme poisson, la Trinité, Moïse. Couleurs vives et symbolisme puissant se retrouvent encore dans l'église d'Uhra Kidane Mehret, discrètement noyée dans les plantations de café de la péninsule de Zeghè.
Plus modestes, les monastères du Tigray sont taillés dans la roche de falaises vertigineuses ou creusés dans les collines plantées d'euphorbes-candélabres et d'aloès.
On dit que Lalibella, un roi zagoué du XIIe siècle, décida de bâtir dans les montagnes d'Ethiopie une nouvelle Jérusalem pour remplacer la ville sainte prise aux Croisés par Saladin. La cité construite « avec l'aide des anges » allait prendre le nom de son fondateur, qui signifie en langue agaw « les abeilles reconnaissent sa souveraineté », formule hermétique issue du discours onirique des anciens temps. De part et d'autre d'un canal baptisé Yordanos (le Jourdain), une dizaine d'églises et de sanctuaires monolithiques ont été façonnés dans le rocher, excavés comme les tombes de l'ancienne cité nabatéenne de Petra. Un travail titanesque, une maîtrise absolue de l'architecture sculptée.
Située sur une terrasse de grès rose, Bieta Ghiorghis (la Maison de Saint-Georges) est la plus célèbre. En forme de croix grecque affleurant du sol, elle s'enfonce de douze mètres sur trois étages. Aujourd'hui, le crépuscule ne s'est pas encore dissipé. Dans la pénombre du Maqda, prêtres et diacres psalmodient en langue guèze des prières venues de la nuit des temps.
Pour partir
TRANSPORTS :
Quatre vols par semaine au départ de Paris pour Addis-Abeba à partir de 7 500 F A/R (1 143,37 euros). Depuis Rome, Londres ou Francfort, sur Ethiopian Airlines à partir de 6 050 F A/R (922,32 euros). A partir de 7 500 F A/R. Rens. : Ethiopian Airlines Paris : 01.53.76.05.38.
FORMALITES :
Passeport en cours de validité. Visa (1 photo d'identité, 1 formulaire à remplir).
SANTE :
Vaccin contre la fièvre jaune conseillé. Traitement antipaludéen fortement recommandé.
CLIMAT :
Chaud et humide. Frais et agréable en fonction de l'altitude (entre 500 et 2 500 m). Températures élevées sur le plateau Abyssin d'octobre à mai.
LANGUES :
L'amharique et l'anglais.
MONNAIE :
Le birr (prononcer « beur ». 1 birr = 0,80 FF (O,12 euro). Prévoir des dollars américains (meilleur taux de change). Cartes de crédit uniquement dans les grands hôtels.
HORAIRES :
+ 3 heures.
SEJOURS :
L'agence Ananta, première agence française pour cette destination, organise des voyages exceptionnels en Ethiopie dont « Luxuriance et ferveur d'Abyssinie » ; selon les dates, ce circuit coïncide avec des fêtes religieuses : Meskal à Addis-Abeba (départ du 20.09), Maryham Tsion à Axoum (départ du 21.11), Timkat à Lalibela (départ du 16.01 ). Prix du circuit de 17 jours à partir de 22 800 F Paris/Paris) (3 475,84 euros).
Ananta propose aussi de nombreux voyages dans la vallée de l'Omo, au pays afar et dans le désert anakil, chez les Nuer et les Anouak du Gambela.
HOTELS :
Quelques bons établissements dans les grandes villes : - A Addis-Abeba : le Ghion Hotel, charmant et suranné, à Axoum : le Yeha Hotel, à Bahir-Dar : le Tana Hotel. Ailleurs, des hôtels simples, voire précaires.
NE PAS MANQUER :
- Goûter l'« injera », délicieuse galette spongieuse à base de tef fermenté, servie accompagnée de sauce pimentée, de beurre fondu, de poisson, de viande et de légumes. Divin.
- La « cérémonie » du café. Le café est torréfié au-dessus d'un brasier qui distille de l'encens, finement broyé, puis infusé à trois reprises, sucré et parfumé avec des clous de girofle.
A LIRE :
- Guide « Ethiopie », de Christine Colson (Marcus).
- Guide Olizane « Ethiopie »,
Editions Olizane.
- « La vie que j'ai choisie », de Wilfrid Thessiger, collection Terre humaine (Plon).
RENSEIGNEMENTS :
- Ambassade et consulat d'Ethiopie, 35, avenue Charles-Floquet, 75007 Paris. Tél. 01.47.83.83.95. Fax 01.43.06.52.14.
- Agences Ananta, 200, rue Lafayette, 75010 Paris. Tél. 01.40.37.24.96.(46.20). Fax 01.40.37.46.21.
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