THEATRE
PAR ARMELLE HELIOT
Sagement assis sur une chaise recouverte d'une couverture patchwork de tons chauds, Caeiro le berger nous attend. La chaise est installée sur une planche qui traverse la fosse d'orchestre. A ses pieds, un fageau. Derrière lui, un grand velum blanc qui évoluera discrètement pendant la représentation, dégageant le plateau peu à peu. Caeiro porte sur ses cheveux courts et blancs, une couronne végétale. Il est vêtu d'une large salopette blanche des poches de laquelle il extirpera tout à l'heure une cigarette et de quoi l'allumer. Autour du cou, accroché à un ruban sombre, un transistor ou un petit magnétophone...
Immédiatement la grâce du pâtre nous saisit qui nous renvoie à une Grèce archaïque, à « Daphnis et Chloé », aux premiers matins du monde. Le charme de Clotilde Mollet, sa voix singulière, son art de l'articulation, de la respiration très précise du poème, opèrent. Nous sommes sous le joug. Une heure et quart durant.
Texte splendide, dont, dès qu'il l'a lu, Hervé Pierre a compris qu'il recélait cette dramaturgie subtile qu'il a mise en œuvre avec ses camarades. Texte ambigü, qui dit l'éblouissement du monde, mais sans mièvrerie aucune. Il ne s'agit jamais de béatitudes avec Pessoa, mais bien de l'acceptation du réel dans sa beauté parce que tout cela est suspendu, comme l'interprète au-dessus de la fosse, sur un gouffre d'angoisse et d'interrogations. Quelle leçon ! Le poétique le plus quotidien, la fable de l'enfant Jésus revenu sur terre, les chansons que crache le magnétophone, les images, les sensations, les humeurs, tout ici est une eau bienfaisante qui nous lave sans nous plonger dans une fausse innocence.
Il y a quelque chose de miraculeux dans ce poème traduit du Portugais par Patrick Quillier et Maria Antonia Camara Manuel (« Poèmes païens », Christian Bourgois éditeur) et quelque chose d'un miracle dans cette transposition dramatique fine, intelligente, sensible portée par une actrice merveilleuse, profonde et intrépide et qui sait les pleins et déliés du texte, ses moirures, son humour et son fond d'angoisse. Magnifique.
Centre dramatique national de Montreuil, jeudi à 19 h 30, vendredi et samedi à 20 h 30, dimanche à 17 h. Durée : 1 h 15 (01.48.70.48.90). Une tournée suit qui passe notamment par Rennes, Villeurbanne, Nancy.
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