De notre correspondante
« Si les menaces de déconventionnement peuvent gêner, alors il ne faut pas hésiter. » Ces quelques mots prononcés par le président du Conseil de l'Ordre des médecins du Rhône ont produit leur petit effet sur les quelque 80 spécialistes de secteur I, réunis par la Coordination des médecins spécialistes de la région lyonnaise, la COMSRL.
Il faut dire que, lorsque le Dr Patrick Romestaing, arrivé en retard à cette réunion, a pris la parole, la salle était chauffée à blanc. « Le Conseil s'estime aux côtés de ses confrères, et les soutient à sa manière », a-t-il indiqué en préambule, tout en rappelant les actions déjà engagées par l'Ordre du Rhône en faveur des généralistes en grève, puis contre l'extension des secteurs de garde. Alors que le champ de compétence de l'institution ordinale reste celui de l'éthique et de la déontologie, le Dr Romestaing, médecin ORL installé à Lyon en secteur II, a fait comprendre que la situation vécue par ses confrères ne laissait pas le Conseil indifférent : « Nous estimons que les spécialistes qui ont besoin d'un matériel adapté, souvent onéreux, ne travaillent plus aujourd'hui dans des conditions décentes d'exercice. » Et de poursuivre, emporté par son élan : « Rien ne nous dit que le secteur II perdurera, il faut donc que tous les spécialistes se mobilisent (...). Nous ne voulons plus être des salariés déguisés des caisses ! » L'auditoire n'avait nullement besoin d'en être convaincu : peu avant l'intervention du président du Conseil de l'Ordre du Rhône, les praticiens rassemblés par la COMSRL s'étaient décidés à faire un pas décisif vers le déconventionnement. La plupart ont complété la lettre type proposée par la coordination, dénonçant l'absence « d'avenir dans un partenariat avec les caisses d'assurance-maladie ». Dans ce même courrier, les signataires réclament de ne plus adhérer au prochain réglement conventionnel minimal (RCM). Sauf, bien entendu, si « l'engagement de modifier radicalement les modalités du contrat et des relations » était pris. La prochaine étape, pour la COMSRL, sera d'adresser ces lettres à la caisse lyonnaise, par voie d'huissier, « au début du mois de juin », précise Martine Pitiot, membre du bureau et gynécologue-obstétricienne à Lyon. En parallèle, la pétition destinée à recueillir le soutien des spécialistes du secteur II, adressée par courrier électronique, aurait déjà été signée par une centaine de médecins. Sur le conseil d'un avocat, la COMSRL a également proposé à ses adhérents d'attaquer le prochain RCM en Conseil d'Etat. Mais cette initiative supposée longue, coûteuse et aléatoire quant au résultat, n'a pas soulevé l'enthousiasme des participants.
Asphyxie
En effet, les spécialistes lyonnais sont aujourd'hui conscients d'être dans une impasse, quelle que soit l'action engagée. Certains ne se sont d'ailleurs pas privés d'exprimer leurs désillusions : « Avec 9 milliards d'euros de déficit de la Sécu, comment peut-on croire qu'on va nous augmenter ? », a lancé le Dr Jacques Depardon, gynécologue-obstétricien à Lyon. Un pédiatre de Vaulx-en-Velin a fait part de ses craintes vis-à-vis du déconventionnement : « 45 % de ma clientèle est en CMU, je peux directement mettre la clef sous la porte », a-t-il observé. De son côté, le Dr Jean-Paul Delorme, gynéco-obstétricien à Sainte-Foy-lès-Lyon, également conseiller général et élu (UMP) de sa commune, a clairement indiqué qu'il ne se déconventionnerait pas. « Je ne peux pas aller contre le gouvernement que je soutiens », a-t-il argumenté. Il se dit plus convaincu par l'impact d'une grève massive de la télétransmission et, plus largement, par « la recherche d'une solution qui ne soit pas dans l'affrontement ». Il suggère de mobiliser les députés du département, en rappelant à bon escient que les « politiques » semblent ne pas être au courant de la situation : « Nos problèmes n'intéressent que nous ! » Son intervention a soulevé le tollé général de ceux qui se disent aujourd'hui au bord de l'asphyxie : « Avec l'augmentation des charges, des primes d'assurance, et des procès, nous allons crever », a rétorqué l'un d'eux.
Un effet boule de neige
Le mouvement de déconventionnement ne faiblit pas. Dans la Sarthe, 61 médecins spécialistes (sur 254) ont demandé à être déconventionnés à partir du début de juillet. A Orléans (Loiret), 97 spécialistes (39 % de ceux installés en secteur I) ont remis à la CPAM, par huissier, des lettres d'intention de déconventionnement. Dans le Calvados, les médecins libéraux (coordinations et syndicats CSMF, SML et FMF réunis) ont voté à l'unanimité le déconventionnement massif. Une première salve de lettres a été envoyée à la caisse de Caen. Originalité : sept spécialités sont déjà concernées (ophtalmologie, chirurgie, gynécologie, dermatologie, hématologie, médecine physique et psychiatrie). Selon la coordination des médecins du Finistère, 80 % des chirurgiens, dermatologues et anesthésistes du secteur I seraient engagés dans le même processus. Une liste sans doute non exhaustive.
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