Quand sont tombés les résultats du premier tour, avec un coude à coude serré entre François Hollande et Nicolas Sarkozy et une poussée du Front National (21,91 % dans le Nord, 25,53 dans le Pas-de-Calais), le Dr Charles Charani n’a pas été trop surpris. Installé dans le quartier populaire de Moulin-Potennerie, à Roubaix, ce généraliste responsable de la régulation libérale dans le département du Nord s’attendait à de tels scores. « C’était prévisible et cela confirme ce que tout le monde disait », estime-t-il. Pour lui, le grand absent de la campagne a été le thème de la santé. « On n’en a pas trop entendu parler. Quelques médias ont survolé la question mais dans l’ensemble, le sujet a été oublié. La prise en charge des patients est pourtant un vrai sujet de préoccupation. Je suis installé dans un département où la misère sociale est importante. Le contexte économique se dégrade, le chômage augmente et les gens ont peur de l’avenir, en matière de soins et de prise en charge. Personnellement, je crains les restrictions futures. Quel que soit le président, des coupes budgétaires vont être opérées sur la santé. Je m’attends à une vague de déremboursements. La santé va faire les frais de la crise. »
Peu surpris également par les résultats, le Dr Xavier Legrand, installé depuis cinq ans dans le Nouveau Roubaix, un quartier à grande mixité sociale, a jugé la campagne très décevante. « Contrairement aux autres années, je l’ai suivie de loin car j’ai trouvé son niveau assez désolant. Les candidats critiquaient celui qui était en face mais sans faire de vraies propositions. Ils ont surfé sur le ras-le-bol des Français pour s’en servir de tremplin. »
La poussée du FN ne l’a guère étonné : « Il y a toujours un décalage entre les sondages et les votes car une frange d’électeurs n’ose pas dire qu’elle vote pour Marine Le Pen. Cela se vérifie à chaque scrutin. » Ce généraliste se dit assez « résigné » : « Les candidats ont une marge de manœuvre tellement étroite que je ne crois pas trop en leurs promesses. »
Changement de ton chez Bertrand et Anne Sophie Legrand, couple de généralistes installé dans le quartier de la Bourgogne à Tourcoing, une ZUP des années soixante-dix où la police hésite à s’aventurer. Pour eux, les résultats d’hier sont le fruit de « politiques de plus en plus déconnectés du monde réel ». « Ici, nous sommes confrontés quotidiennement à l’insécurité et à la montée de l’islamisme. Nous essuyons des insultes tous les jours, et nous avons de plus en plus de femmes complètement voilées dans notre cabinet, ce qui rend la communication difficile et développe une angoisse importante dans notre salle d’attente. Mais les hommes politiques nient complètement cette situation, déplore Bertrand Legrand. Cette négation complète des problèmes amènes à l’explosion des votes extrémistes. Avant, le vote FN était un épiphénomène. Aujourd’hui, une personne sur cinq vote Le Pen. On n’est plus face à un vote contestataire mais bien face à une adhésion aux thèses du FN. »
Peu surprise par le score du Front national, son épouse Anne-Sophie Legrand se dit angoissée à l’idée de voir Hollande gagner l’élection : « Je suis pour la médecine libérale, contre l’intervention de l’État dans la société. Or si Hollande passe, c’est l’anti-libéralisme total ! Notre système de Sécurité sociale va s’effondrer et adieu la médecine libérale. Pendant cinq ans, la droite n’a pas prix les mesures nécessaires et c’est cela qui a fait monter les extrémismes. »
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