DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE
C’EST L’UNE des nouveautés du Sros 3 (schéma régional d’organisation des soins, troisième génération) : l’hospitalisation à domicile (HAD) doit être désormais inscrite parmi les vingt thèmes obligatoires du Sros et sera désormais l’une des priorités des ARH (agences régionales d’hospitalisation) à partir de mars. Ce qui rejoint le souhait du ministre de la Santé qui, récemment, devant les directeurs d’hôpital, estimait qu’il fallait tout faire pour empêcher «les hospitalisations évitables».
Dans le Nord - Pas-de-Calais, on paraît en tout cas avoir compris depuis longtemps les vertus de l’HAD. Dès 2004, l’ARH a créé un groupe technique ayant pour mission de rédiger un cahier des charges sur le développement de ce secteur dans la région. Les besoins en HAD y étaient chiffrés à 480 places pour la fin de 2006. Aujourd’hui, 651 places réparties dans 16 structures ont été autorisées par l’ARH. Donc, «bien au-delà des objectifs», souligne Philippe Hermant, le directeur de Santé services, structure HAD basée à Lens. Il est par ailleurs vice-président de la Fnehad (Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile).
Sans généraliste, pas d’HAD.
A Lens et ailleurs, c’est généralement le médecin hospitalier qui suggère l’admission en HAD de l’un de ses patients. La surveillante infirmière, accompagnée de l’assistante sociale du centre, prend alors rendez-vous dans le service de l’hôpital. Puis la décision est prise collégialement au sein de Santé services, avec le médecin coordonnateur. «Ma responsabilité, c’est de fournir une équipe soignante, du matériel adapté et d’assurer la permanence des soins. Mais nous ne sommes pas dans une logique hospitalière, avec une chefferie de service. La responsabilité des soins curatifs incombe au médecin traitant», raconte le Dr Luigi Damiani, le médecin coordonnateur de Santé services. Le généraliste doit en effet donner son feu vert. «Sans généraliste, pas de HAD», assure Philippe Hermant. «C’est lui le chef d’orchestre.»
Que se passe-t-il si le médecin traitant refuse l’HAD pour son patient ? La structure en réfère à la famille du malade mais, dans les faits, c’est rarissime. «Cela arrive une ou deux fois par an, peut-être. Sans doute le médecin craint-il une grosse masse de travail. Or c’est rarement le cas.»
Le Dr Tony Lambert est un jeune généraliste à Lens. A ses yeux, l’HAD représente, «du moins en ce qui concerne les soins palliatifs et la chimiothérapie, un bon compromis entre le libéral, où il faut être très compétent, et l’hôpital, qui n’est pas forcément choisi par les patients. Et puis, c’est intellectuellement stimulant de pouvoir continuer à suivre des pathologies lourdes». Les suivis postchimio et postradiothérapiques, les pansements complexes font partie des prises en charge spécifiques de l’HAD. De 70 à 80 % sont des soins palliatifs. «Sur les dix patients que j’ai suivis en deux ans en soins palliatifs, trois l’ont été hors HAD. Et furent extrêmement fatigants», témoigne le Dr Lambert. Aujourd’hui, 20 % seulement des patients accueillis en HAD au centre Santé services sont des prescriptions directes de généralistes. «On voudrait que les généralistes soient convaincus qu’ils peuvent prendre en charge des patients lourds grâce aux structures HAD, sur lesquelles ils peuvent se reposer. Nous demandons au généraliste de suivre son patient au minimum une fois par semaine mais, s’il y a certaines choses qu’il ne sait pas gérer, comme la douleur, nous lui proposons l’aide de la consultation antidouleur de l’hôpital de Lens. L’HAD permet beaucoup de solutions, le généraliste est déchargé d’une partie des démarches. Nous on l’informe, on s’occupe de tout», affirme Philippe Hermant.
HAD et T2A font bon ménage.
Les structures HAD qui sont rattachées à un service public devraient être soumises à la nouvelle tarification à l’activité (T2A) à 100 % à compter du 1er avril 2006. «Ici, à Lens, nous avons une grosse activité de soins palliatifs dans le cadre de l’HAD. Telle a été la volonté de l’ARH dès les années 2000. L’arrivée des tarifs de la T2A permet aux structures HAD d’assurer une activité importante pour les malades nécessitant des soins lourds et coûteux comme les soins palliatifs», explique le directeur de Santé services. «Donc, la T2A est une très bonne chose, à condition que la HAD prenne bien en charge les soins lourds et non pas les malades dits légers.»
Ainsi, les patients qui n’ont pas besoin de soins infirmiers importants peuvent être pris en charge en Ssiad (services de soins infirmiers à domicile). La structure lensoise HAD propose en son sein une unité Ssiad, de quarante places. Elle assure également un service de portage à domicile.
«Nous recevons souvent des personnes âgées, des malades dépendants dont l’état de santé s’est dégradé à domicile et ne pouvant plus subvenir à leurs besoins d’hygiène et de confort», explique Marie-Laurence Chelminski, l’infirmière coordonnatrice du Ssiad. «Mais les besoins sont de plus en plus grands.» Les patients de moins de 60 ans sont orientés vers une infirmière libérale ou une auxiliaire de vie. Si l’état du patient s’aggrave, il peut être transféré en HAD, et inversement. La présence des deux services au sein d’une même structure permet les vases communicants.
Si l’HAD bénéficie désormais d’un système de remboursement honorable (avec trente et un tarifs), celui du Ssiad reste en deçà des besoins. Le forfait journalier national moyen s’élevait à 26,90 euros en 2004. Aujourd’hui, à Lens, il est de 27,31 euros. Les chiffres et les virgules ont de l’importance, car ils creusent d’autant le fossé entre Ssiad et HAD. «Les Ssiad sont aujourd’hui en porte-à-faux. Les budgets Ssiad n’augmentent que de 1 à 1,5%, quand l’inflation en France est de 2,5%. L’Etat ne met pas les moyens.»
Le vice-président de la Fnehad fait notamment allusion à l’obligation légale pour tous les établissements sanitaires ou médico-sociaux de gérer leurs déchets d’activité de soins et de procéder à leur élimination. «Aucun denier n’a été alloué pour le traitement des déchets. Or ce coût est estimé dans notre Ssiad à 2,50euros par jour et par patient, soit 36000euros par an. Tous les Ssiad sont aujourd’hui hors la loi. Les déchets continuent à passer dans les ordures ménagères et la section environnement des Dass le sait très bien. Dans le même temps, le ministre dit qu’il faut créer 17000places de Ssiad. La Dgas (Direction générale des affaires sociales) doit revoir sa copie et commencer par mieux doter les Ssiad existants», estime-t-il .
Justement, il semblerait que l’instauration d’un second tarif Ssiad soit dans les projets ministériels. Conditionné par la densité de soins, il se situerait juste en dessous du tarif plancher de l’HAD. La continuité entre HAD et Ssiad serait alors assurée correctement.
L’intégration de l’HAD dans les Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) serait elle aussi à l’étude. Ce qui devrait régler le sort de ces nombreuses personnes âgées qui, après avoir quitté leur domicile pour vivre dans une maison médicalisée, subissent par exemple les conséquences d’un AVC.
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