UNE PERSONNE sur 8 infectée par le VIH dans le monde vivrait en Inde. Dans ce pays de 1,1 milliard d'habitants, de 3,4 à 9,4 millions de personnes seraient infectées, contre 4,9 à 6,1 millions en Afrique du Sud et de 34,1 à 47,1 millions dans le monde. Ces estimations ont été fondées sur des tests anonymes réalisés dans des maternités du pays, dans les cliniques de prise en charge des infections sexuellement transmissibles et auprès de patients à haut risque.
Pour le Dr Robert Steinbrook (membre du conseil scientifique du « New England Journal of Medicine »), « un grand pas a été franchi depuis le milieu des années 1980 avec cette reconnaissance de l'importance de l'infection dans le pays ». Dès 1986, les premiers cas de sida ont été rapportés dans le pays, mais, comme l'explique le Dr Sujatha Rao, directeur général de la lutte contre le VIH, «il a fallu beaucoup de temps pour passer d'un déni total de la gravité de l'infection dans le pays à un début d'acceptation du problème».
Les violences envers les femmes.
L'économie de l'Inde se modernise, mais la culture demeure très ancrée dans les traditions. Dans ce pays aux religions et aux langues multiples, les violences envers les femmes semblent exister dans toutes les catégories de la population. Pour le Dr Ashok Alexander, responsable pour l'Inde de la fondation Bill and Melinda Gates, il s'agit d'un élément «déterminant à prendre en compte pour mettre en place des mesures de prévention de l'infection par le VIH».
L'Inde se caractérise par la coexistence de très grandes villes entourées de bidonvilles et d'un habitat rural qui regroupe encore 70 % de la population. En 2005, le revenu moyen par habitant s'établissait à 720 dollars et la moitié environ des moins de 3 ans souffraient de malnutrition. Par ailleurs, la grande majorité des enfants de 12 à 23 mois n'est pas à jour de ses vaccins, 27 % des hommes adultes et 52 % des femmes sont illettrés et un tiers de la population vivait encore en 2004 avec moins d'un dollar par jour. Mais, depuis quelques années, l'effet de la modernisation de l'économie se fait sentir. Le PIB augmente chaque année, depuis cinq ans, de 8,5 %. Bangalore, une ville du centre du pays, est devenue une référence pour l'informatique, les sociétés de services et l'industrie pharmaceutique.
Le rôle des chauffeurs routiers longue distance.
Le Dr Steinbrook analyse les données de prévalence de l'infection par le VIH. D'après les données préliminaires, il semblerait que ce soient les Etats du centre du pays qui soient les plus affectés par la maladie. Puisque l'incidence de l'infection suit le trajet qui va de Bombay à Madras, en passant par Bangalore, le rôle des chauffeurs routiers longue distance dans la dissémination a été suggéré. En Inde, les conducteurs de camions voyagent souvent pendant plusieurs semaines avant de rentrer à leur domicile. Au cours de ces voyages, ils ont parfois des contacts avec des prostituées. De retour chez eux, ils ont des rapports sexuels non protégés avec leur femme, car en Inde les méthodes de contrôle des naissances sont principalement fondées sur la réalisation de ligatures des trompes chez les femmes qui ont eu plusieurs enfants et non sur l'utilisation de préservatifs. C'est aussi cette méthode de contraception qui pourrait avoir favorisé la diffusion du virus chez les femmes dont le mari a des rapports homosexuels.
En Inde, l'homosexualité étant réprimée par la loi, la plupart des homosexuels sont mariés et, de ce fait, le risque d'infection de leur femme, même si elle est monogame, est majoré.
Enfin, le Dr Steinbrook souligne l'importance de la prostitution dans la société indienne. Certaines femmes – et même de jeunes hommes – deviennent, en effet, des prostituées pour le compte d'un temple bouddhiste auquel elles sont liées. Cette dimension mêle de façon intime la religion et le sexe. Dans ces conditions, après une reconnaissance de la maladie par les autorités sanitaires, des politiques de prévention pourraient être mises en place qui tiendraient compte de la dimension particulière de l'épidémie dans le sous-continent indien.
New England Journal of Medicine, 356 ; 11 ; 1089-1093, 15 mars 2007.
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