Le gouvernement des Etats-Unis est bien peu fondé à réclamer une participation mondiale à la force d'occupation de l'Irak tout en gardant le contrôle militaire du pays.
C'est une manière de dire : venez vous faire tuer en Irak, vous n'aurez rien en échange. La position française sur l'élargissement des forces à la communauté internationale est logique : nous voulons bien y aller, à condition que nous participions non seulement à la sécurité du pays, mais aussi à la définition de son avenir politique.
Même si la France obtenait ce qu'elle réclame, elle agirait avec témérité : l'Irak est devenu un pays très dangereux. Les Américains et les Britanniques ont envahi l'Irak sans prévoir leurs déboires : l'invasion a été conduite de main de maître, mais de toute évidence ni Washington ni Londres n'ont pas prévu que la résistance de Saddam Hussein se poursuivrait après l'effondrement de son régime. Pourtant, le choix de la guérilla par Saddam était déjà perceptible dans la nature des premiers combats au mois d'avril : incapables de freiner la progression des Anglo-Américains, les forces loyales à Saddam se sont contentées de les harceler, non sans leur causer des pertes. George W. Bush, qui a gagné une guerre courte grâce à la supériorité de ses armes, mais demande un an ou deux pour pacifier l'Irak, continue à bénéficier du soutien d'une petite majorité des Américains. Il n'en sera pas de même pour tout gouvernement qui enverrait des troupes en Irak alors qu'on connaît les périls qui les attendent. Même si la France obtenait satisfaction sur le partage des responsabilités internationales, bien peu de Français approuveraient l'envoi de forces militaires en Irak.
Saddam Hussein, ses derniers partisans et les miliciens accourus du monde arabe ont démontré, comme ailleurs au Proche-Orient, qu'ils se battront jusqu'au dernier, dans un chaos qu'ils entretiennent avec jubilation, en détruisant des oléoducs et en tuant les Irakiens eux-mêmes.
L'attaque contre l'immeuble de l'ONU indique que Saddam n'est pas seulement réfractaire à l'invasion de son pays, mais à toute ingérence, fût-elle des Nations unies. C'est une bataille définitive que livre l'ancien maître de l'Irak, la fin pouvant être soit sa victoire, soit sa propre défaite et sa mort. Il sera battu en définitive et même tué ou (c'est moins probable) emprisonné et jugé. Mais des miliciens continueront son œuvre : les Américains ont tué ses deux fils, arrêtent encore des membres influents de l'ancien régime, l'Irak n'est toujours pas rendu à la vie normale.
Un manque de moyens
Ni en Afghanistan ni en Irak, les Américains n'ont réussi à rétablir une société civile fonctionnelle. Leur échec a une bonne raison : de même que M. Bush a invoqué pour l'invasion des arguments trompeurs, de même il n'a jamais eu vraiment les moyens financiers de ses projets, bien que les deux conflits aient profondément creusé son déficit budgétaire. Le chaos règne en Afghanistan, après une guerre-éclair livrée par procuration ; de même, il faudrait en Irak des centaines de milliers d'hommes pour faire régner l'ordre et mettre un terme aux attaques et attentats. C'est la grande leçon de la bataille engagée contre le terrorisme depuis le 11septembre 2001 : il n'y a de succès que dans la durée. M. Bush feint de penser qu'il peut régler le problème comme il a conduit les expéditions militaires ; et il a le front de dire à ses alliés qu'ils sont les bienvenus pour faire le sale travail, mais pas pour prendre le contrôle des opérations. Il ne restera pas indéfiniment sur cette position : si les « alliés » ne viennent pas à la rescousse, il a le choix entre un Vietnam- bis ou le doublement de la force américaine en Irak.
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