Grâce à la Peugeot 206, « on peut encore être ému à notre époque », le PMU nous invite « à jouer avec nos émotions » et partout il nous est demandé de sentir avant de penser. Il suffit de songer à ces JT qui s'ouvrent sur le drame du petit village sans boulanger ; depuis, des catastrophes plus grandes ont pris le relais... En se levant de son fauteuil, note Michel Lacroix, l'homme moderne adhère à des activités où le corps s'offre à un trouble violent : « On ouvre les vannes de l'euphorie, du vertige, de la jubilation, de l'extase, le surf, le roller, le parapente, le rafting sont autant de moyens de se procurer des émotions inédites et fortes. »
Fort intelligemment, l'auteur a garde de proposer une clef unique, il évite de masquer, de railler, mais il scrute : refus de penser, l'émotion c'est aussi la revanche sur la froide raison, le logos. Signe aussi d'un individualisme forcené : puisqu'il n'y a plus de grands élans pour changer le monde, exerçons-nous dans la solitude, ou soyons à l'écoute de nos merveilleuses sensations, l'émotion a toujours un petit côté onaniste.
Pourtant, si l'émotion est née libre, il semblerait que partout elle soit dans les fers : abreuvé de chocs instantanés, l'homme agité d'émotions rebondit tel une boule de flipper, il attend le choc, le flash, le trip, et retombe épuisé. A cette émotion-choc, Michel Lacroix oppose l'émotion-contemplation, celle du mélomane, du promeneur dans la nature, ou du héros romantique. Le « René » de Chateaubriand ou le Saint-Preux de « la Nouvelle Héloïse ». L'émotion contemplation s'approfondit peu à peu en sentiment, se dépose telle une allusion dans la vie intérieure, contribue à nous changer et à enrichir notre émotion. Au choc, l'auteur oppose ainsi sa lente diffusion dans la conscience, dans une analyse très bergsonienne.
Michel Lacroix n'a pas de chance, car ce n'était peut-être pas le moment de répéter que nous étions avides d'explosions... Par ailleurs, si son culte du héros romantique n'est pas sans charme, il laissera peut-être incrédule la banlieue qui court. Tout comme son goût pour les foules extatiques et exaltations par une grande émotion commune, qui risque de ne pas rappeler que de bons souvenirs. Mais il faut en retenir cette idée-force : prendre le temps d'être disponible et d'accueillir le monde.
Flammarion-Essais, 190 pages, 15 euros (98,40 F).
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