L 'examen au jour le jour de la conjoncture politique, c'est un peu de la microhistoire. Les journaux sont pleins de la récupération des conflits sociaux par l'extrême gauche. Ils y voient les signes précurseurs d'une déroute de Lionel Jospin à l'élection présidentielle de l'an prochain et de la gauche aux législatives.
C'est aller un peu vite en besogne. Le discours communiste ou trotskiste n'est jamais convaincant dans la durée. Divers plans sociaux sont actuellement ressentis comme injustes par les Français. Les licenciés cherchent bien sûr des alliés et ils trouvent la sollicitude d'Arlette Laguiller et de Robert Hue, dont le discours antipatronal les séduit et, avec eux, une partie de l'opinion, scandalisée par les méthodes des grandes compagnies.
Mais même les nouveaux chômeurs ne voudraient pas du système que leur propose l'extrême gauche. Certes, ils sont déçus par le gouvernement, bien que M. Jospin ne soit en rien responsable de ce qui leur arrive, et qu'il ait souligné à plusieurs reprises sa propre indignation. Dans quelques mois, les conflits chez Danone, Moulinex, AOM, Air Liberté seront oubliés par les électeurs. Il suffirait que le patronat évite de nouvelles maladresses pour que la surenchère des communistes, de Laguiller et de Krivine (lesquels, par ailleurs, ne sont pas du tout unis) retombe comme un soufflé. Si les socialistes font une bonne campagne, ils n'auront pas de mal à démontrer que la seule alternative à la droite en France, c'est le PS.
Il est vrai que M. Jospin présente tous les signes du désarroi, et même de l'exaspération. Il est vrai que les plus récents sondages sur la présidentielle tendent plutôt à accorder la victoire à Jacques Chirac. Mais nous sommes à un an du scrutin et il peut se passer beaucoup de choses qui iront dans le sens de M. Chirac ou dans celui de M. Jospin.
Le président de la République ne dispose pas vraiment d'un avantage sur son adversaire : il est tout de même harcelé par les affaires de la mairie de Paris qu'il n'a pas réussi à neutraliser ; il est concurrencé au sein de son propre camp par des candidats déjà déclarés et idéologiquement différents de lui ; et par d'autres candidats non déclarés qui estiment peut-être avoir plus de légitimité et plus de compétence que lui.
Il n'est pas impossible que le patronat, très militant depuis qu'il est dirigé par Ernest-Antoine Seillière, s'ingénie à compliquer la tâche de Lionel Jospin. Mais ce ne sont pas de sombres manœuvres qui arriveront à bout du Premier ministre. C'est plutôt la monotonie de son discours et la pause dans l'action gouvernementale. Il ne peut pas améliorer sa popularité en se contentant de clamer qu'il a créé un million d'emplois dans un système où ce sont les entreprises qui les créent. Il ne peut pas non plus continuer à dire qu'il réforme à tout-va, alors qu'il ne fait rien pour l'éducation, rien pour les retraites, rien pour la fonction publique. Certes, c'est parce que certaines réformes sont impopulaires qu'il les diffère. Il est plus facile de réduire le temps de travail ou de prendre en charge la santé des pauvres avec les deniers de l'Etat.
En d'autres termes, M. Jospin ne gagnerait-il pas à prendre son courage à deux mains et à dire aux Français qu'il va s'engager dans de nouvelles réformes, même si elles leur déplaisent et pour la simple raison qu'elles sont indispensables au bien de la communauté nationale ? Naguère doué de sincérité, M. Jospin souffre aujourd'hui de faire trop de calculs électoraux. Son plan pour la présidence l'a profondément changé. Il est devenu aussi retors que son rival, alors qu'il lui appartient de gouverner, donc d'agir, quand M. Chirac peut se limiter au verbe. M. Jospin doit revenir à ce qui l'a inspiré quand il s'est présenté à l'élection présidentielle en 1995 : il doit dire ce qu'il pense, même si ça fait mal. Les Français trouvent tellement fastidieux le discours politique qu'ils en seraient agréablement surpris.
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