ÊTRE UN MYTHE et faire partie de la légende pourrait donner le vertige et des frissons à nombre de personnes. Pas à Juliette Gréco. La très grande dame de la chanson française, depuis près de six décennies, est l’objet de toutes les vénérations, mais adore toujours relever les défis. A quatre-vingts printemps, la chanteuse a fait le pari de surprendre, d’étonner, de déconcerter, à travers son dernier opus, « le Temps d’une chanson » (Polydor/Universal). Comment ? D’abord, en se rendant à New York pour l’enregistrement de l’album. Ensuite, en plongeant dans le répertoire pour la reprise de classiques absolus (« Avec le temps », « Syracuse », « Mathilde », « les Amants d’un jour », une chanson écrite à l’origine pour Edith Piaf, etc.), ainsi que des titres plus inattendus et contemporains (« Né quelque part », de Maxime Le Forestier, « les Mains d’or », de Bernard Lavilliers, ou « la Chanson de Prévert », de Serge Gainsbourg).
Enfin – et c’est là la surprise –, celle qui fut la muse de Saint-Germain-des-Prés, l’amie des musiciens américains de passage à Paris dans les années 1950 (Miles Davis), a fait appel à des jazzmen réputés – les saxophonistes ténors Mike Brecker (récemment décédé) et Joe Lovano, le trompettiste Wallace Roney – et un grand orchestre conduit par Gil Goldstein. Ainsi, plus diseuse et récitante que chanteuse, et avec beaucoup d’audace, Juliette Gréco (1) arrive à émouvoir, à toucher au plus profond, à réveiller des sentiments. Du grand art.
Le jazz et la chanson sont également le dénominateur commun du dernier CD de Nicole Croisille, fort justement intitulé « Nougaro, le jazz et moi » (Emarcy/Universal). La chanteuse, désormais septuagénaire, avait déjà flirté avec la musique afro-américaine avec « Croisille Jazzille », voici plusieurs années, et toujours donné à son répertoire des airs de soul et de funk.
Avec la complicité de son trio, emmené par Aldo Frank (piano), et de quelques invités prestigieux – André Ceccarelli (batterie), Richard Galliano (accordéon), Didier Lockwood (violon), Jean-Loup Lognon (trompette) et le vétéran « Toots » Thielemans (harmonica) –, Nicole Croisille revisite, avec élégance, tendresse et émotion, 14 titres issus du répertoire jazzy de Claude Nougaro, dont certains étaient des compositions de Dave Brubeck (« A bout de souffle »), Sonny Rollins (« A tes seins ») et Nat Adderley (« Sing Sing Song »). Un bel hommage à un chanteur généreux qui aimait rythmer les phrases.
Evoquer Nicoletta équivaut à passer en revue la variété française des années 1960-1970 avec des tubes comme « la Musique », « Il est mort le soleil » (une adaptation d’un titre de Ray Charles), « Fio Maravilla » et « Mammy Blue », interprétés magistralement grâce à une voix féminine d’une extraordinaire puissance de feu, aux accents hyper funk, soul et bluesy.
Ayant connu une carrière en dents de scie, la chanteuse (2), de son vrai nom Nicole Grisoni, qui a dépassé le cap de la soixantaine, est restée une authentique battante et, pour son nouveau retour phonographique avec « le Rendez-vous » (Philips/Universal), s’est offert un florilège de reprises du répertoire américain – « Bei Mir Bist Du Schön », « Summertime », « Stormy Weather », « Cheek To Cheek » ou encore « Georgia On My Mind » – ou fait appel à des auteurs contemporains comme Patrick Eudeline, Manu Chao et Bernard Lavilliers. Un rendez-vous réussi avec le jazz et le blues, et cette voix toujours forte et ample.
(1) Paris, Théâtre du Châtelet, du 13 au 17 février, 20 h 30.
(2) Paris, Théâtre des Variétés, 12 février, 20 h 30.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature