DAME MOUCHE peut se trouver fort aise de retrouver son honneur. Oubliée, l'injuste fable de Jean de la Fontaine, « Le coche et la mouche », qui en fait une vulgaire importune. Le Muséum national d'histoire naturelle lui consacre une nouvelle exposition temporaire, dans la Grande Galerie de l'évolution. Mouches, moustiques et moucherons, savamment appelés diptères, réussissent à voler la vedette à la célèbre procession des animaux.
Il faut dire que, l'air de rien, la mouche est futée. Mesurant de 1/2 mm à 9 cm, elle colonise tous les milieux terrestres, des déserts aux montagnes. Contrairement aux dinosaures, la plupart des grandes lignées d'insectes ont survécu aux bouleversements géologiques de la Terre depuis 125 millions d'années. La plus ancienne mouche fossile connue est âgée de 240 millions d'années. Les diptères, dont 134 000 espèces ont été décrites, ont connu une diversification rapide. L'exposition propose, avec humour, un survol du vaste univers des mouches. Il y a, bien sûr, la mouche domestique qui poursuit l'homme de ses assiduités, la mouche verte dont les asticots servent à nettoyer les plaies (voir encadré), la mouche bleue qui sert au criminologue à dater la mort d'un cadavre, la mouche du vinaigre dont le génome a pu être entièrement séquencé...
L'exposition est l'occasion de rendre hommage à l'entomologiste Eugène Séguy, qui a commencé l'actuelle collection de 3 millions de diptères du muséum : y sont présentés sa loupe binoculaire, ses publications, sa bibliothèque, ses dessins. On peut observer les moindres détails anatomiques des mouches les plus incroyables et découvrir tout sur la biologie, l'écologie et sur les mouches utiles à l'espèce humaine.
Pas fâchées, les mouches, malgré l'ingéniosité de l'homme à vouloir s'en séparer à l'aide de tapettes, de papiers de tue-mouches et autres produits toxiques. Il faut dire que certaines d'entre elles, dont la célèbre mouche tsé-tsé, s'évertuent à être des vecteurs de maladies. La visite d'une chambre d'hôpital avec six lits présentant chacun une pathologie (paludisme, maladie du sommeil, onchocercose...), avec vidéo des effets de la maladie à l'appui, donne des sueurs froides.
Alors, amie ou ennemie ? La mouche est jugée en fin de parcours. Après les plaidoyers des avocats, le visiteur peut choisir entre mettre à mort ou grâcier l'accusée. Destinée à un large public, l'exposition « Mouches » amuse petits et grands. Et l'on repart du muséum, lavé de vieux préjugés avec, dans la tête, la conviction de l'utilité de chaque espèce. L'histoire se termine bien et la mouche est sauvée.
Informations pratiques sur mnhn.fr/mouches.
L'asticothérapie
Au XVIe siècle, Ambroise Paré avait noté le bel aspect et la rapide cicatrisation des plaies lorsque des larves de mouches s'y trouvaient. Le chirurgien américain William S. Baer fit la même observation chez les blessés de la Première Guerre mondiale et publia en 1931 ses résultats sur des patients victimes d'ostéomyélite chronique. L'asticothérapie connut son heure de gloire jusqu'à ce que, dans les années 1940, l'antibiothérapie vienne la détrôner. Aujourd'hui, avec les phénomènes de résistance aux antibiotiques, elle est de retour, y compris en chirurgie (biochirurgie). «Un des principaux obstacles à une large utilisation de cette technique semble d'ordre psychologique», note l'exposition.
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