De notre correspondant
L'affaire qui tourmente encore le Dr Linda Peeno remonte à 1996. Cette année-là, elle avait raconté son histoire à une commission parlementaire. Aujourd'hui, elle en fait un film, soutenue activement par tous ceux qui, aux Etats-Unis, veulent nationaliser l'assurance-maladie.
Le film s'appellera « Damaged Care » par dérision : il s'inspire de l'expression managed care, qui désigne la rationalisation des soins. Le rôle du Dr Peeno sera joué par l'actrice Laura Dern, de « Jurassic Park ». Il reprendra presque mot pour mot le témoignage de Linda Peeno devant le Congrès en mai 1996.
Mme Peeno travaillait pour Humana, une HMO, à Louisville, Kentucky, en tant que medical reviewer. Elle a été amenée à superviser la demande de financement d'une greffe du cœur sur un jeune homme en danger de mort pour lequel on avait trouvé un donneur. Le prix de l'opération s'élevait à 500 000 dollars (environ 670 000 euros). La direction de Humana, affolée par ce coût très élevé, demanda au Dr Peeno de revoir les clauses du contrat qui la liait au patient. Mme Peeno a fait son travail, mais elle ne s'en glorifie guère. Ses collaborateurs ont effectivement trouvé la clause qui exonérait Humana de l'obligation de financer l'opération.
« En tant que médecin salarié de Humana, j'ai refusé à un homme jeune une transplantation qui aurait sauvé sa vie, raconte-t-elle par téléphone au « Quotidien ». Et personne ne m'en a tenu rigueur, tout simplement parce que j'avais économisé un demi-million de dollars. Quand j'ai appelé le chirurgien pour lui annoncer que Humana ne paierait pas (la HMO a estimé normal de me charger de cette corvée répugnante), il m'a demandé si je me rendais compte que je condamnais à mort le patient. Je lui ai répondu que j'en étais parfaitement consciente. Une fois que j'avais raccroché, mes subordonnés ont poussé un cri de joie collectif. J'en ai été malade. »
Le Dr Peeno a quitté Humana et se consacre depuis six ans à l'éthique médicale. Elle est devenue l'un des avocats les plus actifs d'un système fédéral d'assurance-maladie fondé sur le principe du « payeur unique » (single payer). Elle affirme que, peu de temps après avoir refusé la greffe, Humana a acheté, pour son siège social, une sculpture monumentale pour un prix à peu près équivalent à celui de la greffe.
« Quand les premières HMO se sont constituées aux Etats-Unis, raconte-t-elle encore au « Quotidien », leurs dirigeants ont juré qu'ils mettraient fin au gaspillage, qu'ils élimineraient seulement les « soins inappropriés » et permettraient ainsi d'étendre l'assurance-maladie à tous les citoyens. Mensonge. C'est exactement l'inverse qui s'est produit. Ils recourent à des techniques très complexes pour retarder ou même éviter des soins coûteux mais vitaux, sans pour autant réduire leurs frais généraux qui augmentent à cause de leur incurie et rendent prohibitif le prix de l'assurance. »
« Le financement de notre de santé est malade, déclare de son côté le Dr Don McCanne, ancien président d'une association qui milite pour l'assurance-maladie universelle. Les gens devraient comprendre que nous payons largement pour couvrir la totalité des soins pour la totalité de la population. Et que nous le ferions si nous éliminions les intermédiaires et adoptions une assurance-maladie fédérale. »
Physicians for a National Health Program (PNHP) : Tél. 00 1 312 782 6006.
http :// www.pnhp.org/
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