LA SCÈNE se passe à Port-Lligat, au printemps 1971 : « Dali nous attend dans son patio. Dès notre arrivée, il demande à Rosa de lui apporter la cape blanche offerte par Thérèse un an auparavant. D'un mouvement spontané et élégant, il se drape et se penche pour cueillir une grappe fleurie qu'il place d'un geste naturel derrière son oreille. »
C'est Marc Lacroix qui raconte, et c'est surtout lui qui déclenche l'obturateur. Tel qu'il nous apparaît, « l'Homme à l'oreille fleurie » n'est pas drapé dans une cape, mais vêtu d'une sorte de kaftan qui recouvre un gilet brodé. L'image, que l'on voit ici en noir et blanc (créditée de 1 000 à 1 200 euros), donnera lieu à plusieurs avatars colorés, résultat d'un procédé mis au point par le peintre et le photographe.
Le dessein de cette « technique diabolique » est d'aboutir, par la séparation des tons, à une image en trois dimensions que Dali, avec son exagération coutumière, qualifie de « métamorphoses alchimiques ». Un vocabulaire que Brassai reprend à son compte quand il explique : « En 1970, il (Lacroix) fit la connaissance de Salvador Dali à Cadaquès. Le maître catalan, qui nourrissait sa peinture de photos, l'engagea vivement à poursuivre son exploration dans le domaine de la séparation des tons. Ce que fit Marc Lacroix avec une fougue et une technique diaboliques. »
C'est aussi Lacroix qui exécuta, en 1971, les derniers portraits de Gala, dans son château de Pu Bol.
Les 120 clichés faits par Lacroix de 1970 à la mort de Dali en 1989 ont fait l'objet d'une exposition qui a circulé un peu partout en Europe, et jusqu'au Maroc et en Israël. Ce sont eux qui composent la première partie de la vente de cette semaine.
Le maître et ses photographes.
Le Catalan n'avait pas attendu Lacroix pour s'intéresser à la photo. Comme d'autres peintres surréalistes, dès les années 1930, il a travaillé avec les virtuoses de l'époque : Brassai, Philippe Halsman, Denise Bellon... et quelques autres, dont on retrouve les noms et les œuvres dans la seconde partie de la vente « Dali et ses photographes ».
Ils ne sont pas les moins cotés, puisqu'on attend 1 300 à 1 800 euros d'un tirage de Denise Bellon en 1938 représentant Dali portant comme un cadavre un mannequin sans tête, Dali et Gala à Paris, en 1932 par Brassai (tirage postérieur), est crédité de 2 000-3 000 euros et l'étonnant « Dali cyclope » dû à Philippe Halsman en 1950 est estimé 1 200-1 500 euros.
Cette vente qui nous révèle un Dali plus intime qu'à l'accoutumé clôt avec un certain décalage les diverses manifestations organisées en 2004 pour le centenaire de la naissance du maître de Figueras.
Mercredi 28 septembre, hôtel Drouot, 14 h, salle 9, SVV Le Mouel, expert, Viviane Esders.
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