L'AUTEUR ne prétend pas faire œuvre d'historienne, mais cherche plutôt à « mettre à portée d'émotion » du lecteur les pratiques les plus étonnantes. Vu sous cet angle, l'objectif est pleinement atteint. Le lecteur découvre avec intérêt les théories médicales anciennes comme celle de la signature, où le remède présente une analogie visible avec le mal qu'il doit guérir. Il frémit, s'il est médecin, à la pensée qu'exerçant quelques siècles plus tôt, il eut dû goûter les urines du malade à des fins d'analyse ou utiliser les services d'un suceur pour nettoyer les plaies. Il s'apitoie sur le sort des femmes malades dont l'appareil génital ou « amarri » n'était guère ménagé ou sur celui des hommes malchanceux subissant une opération de la taille.
Manières fortes.
Après avoir souffert d'une dent mauvaise et reçu sa dose de saignées (remplacées par les sangsues à l'époque de Bichat) et de clystères, grands classiques du XVIIe siècle, le lecteur croit souffler en arrivant au chapitre « Vaincre la douleur ». Que nenni, il n'y est question que d'eaux guérisseuses et de remèdes contre la goutte. Le pire est à venir au chapitre 12, consacré aux « manières fortes » : cautères scarifications, sétons (plaie artificielle entretenue pour procurer une suppuration évacuatrice), vomitifs, trémoussoirs pour secouer le malade, excitateurs électriques. Après tout cela, il est bien normal que la conservation des poux dans la tête, qui « préservaient des maladies en suçant (le) mauvais sang », fasse partie des « pratiques douces ».
Le livre se referme sur les pratiques religieuses ou surnaturelles, le toucher du roi, l'intervention des saints guérisseurs ou les pouvoirs reconnus au bézoard, pierre provenant de l'estomac de certains mammifères, pour guérir toutes sortes de maux. Un livre « surprenant », comme l'écrit le Pr Christian Cabrol dans sa préface, en soulignant qu'il doit inciter à l'humilité car certaines pratiques actuelles, agressives et mutilantes, apparaîtront peut-être bien barbares dans cinquante ou cent ans.
Suzanne Jacques Marin, « L'esprit des médecines anciennes », Cheminements, 270 pages, 35 euros.
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