«L A montée en altitude s'accompagne d'une diminution exponentielle de la pression partielle en oxygène de l'air inspiré, entraînant un état d'hypoxie », a rappelé le Pr Jean-Paul Richalet (ARPE, Bobigny). Chez l'individu normal, l'organisme va réagir en développant des mécanismes de compensation qui varient avec l'altitude et la durée d'exposition. Si une ascension au-delà de 2 000 m est rapide, les effets d'hypoxie aiguë entraînent une hyperventilation avec alcalose respiratoire, une tachycardie avec augmentation du débit cardiaque, et donc une augmentation de la pression artérielle pulmonaire. Lorsque l'exposition se prolonge, l'organisme met en route des mécanismes d'adaptation plus économiques : polyglobulie qui augmente la capacité de transport de l'oxygène dans le sang, élimination urinaire accrue des bicarbonates pour compenser l'alcalose respiratoire, baisse de la fréquence cardiaque, normalisation du débit cardiaque ; l'ensemble de ces mécanismes constituant le phénomène d'acclimatation. Cependant, la capacité à l'effort est nettement diminuée et la fréquence cardiaque maximale diminue proportionnellement à l'altitude. Au-delà de 3 500 m, tout le monde peut être sujet au mal aigu des montagnes (MAM) et à ses complications, dème pulmonaire et dème cérébral d'altitude.
Une montée trop rapide
Le MAM survient en général au-delà de 3 000 m, après les six premières heures, lorsque la montée a été rapide et importante et dépend de la susceptibilité individuelle. Il est caractérisé par des céphalées, des nausées, une anorexie, une insomnie, des sensations vertigineuses, une dyspnée de repos, une asthénie intense, voire une baisse de la diurèse. Repos et aspirine doivent permettre une amélioration et la poursuite de la progression ; sinon, il faut redescendre avant l'apparition d'un dème pulmonaire ou cérébral.
L'dème aigu pulmonaire d'altitude associe une hypertension artérielle pulmonaire à des pressions capillaires pulmonaires normales. Aux signes de MAM, s'ajoutent une toux sèche et une dyspnée de repos, voire une cyanose, une asphyxie et des troubles de la conscience dans les formes sévères. Le traitement repose sur l'oxygénothérapie en urgence ; en l'absence de réserve d'oxygène, le patient peut être introduit sous une enceinte plastique gonflable permettant de comprimer l'air ambiant, ce qui correspond à une descente de 2 000 m. Dès l'amélioration, la redescente se fera en dessous de 2 500 m. Enfin, si l'expédition ne possède aucun équipement, la descente doit être immédiate.
Au début, l'dème cérébral de haute altitude est un tableau de MAM rapidement progressif, qui associe des signes neuropsychiques et une hypertension intracrânienne. Le patient présente des céphalées rebelles à l'aspirine, des vomissements, des troubles de l'équlibre, des hallucinations. Le coma peut survenir et aboutir rapidement à la mort, nécessitant une descente impérative et rapide. Le traitement médical comprend l'oxygénothérapie et l'administration de corticoïdes.
Préciser la capacité d'effort du patient
Il y a peu de contre-indications absolues au séjour en altitude (voir encadré). C'est au cours de la visite médicale de non-contre-indication qu'une épreuve d'effort permettra de dépister une pathologie silencieuse et de préciser la capacité d'effort du patient, surtout si des facteurs de risque existent ou si l'objectif est élevé. Un test d'hypoxie pourra également être proposé afin de dépister une chémosensibilité amoindrie.
« Seul un coronarien parfaitement stabilisé peut faire de la montagne en altitude, sous certaines conditions », a expliqué le Dr Pierre Dumoulin (Courbevoie). L'altitude doit rester < 2 500 m. Le patient doit être entraîné et rester en deçà de ses capacités ; l'effort de marche doit être progressif, sans esprit de compétition ; avant l'effort, il utilisera de la trinitrine en spray. Bien qu'ils limitent la performance en altitude, les bêtabloquants et les autres traitements bradycardisants doivent être poursuivis. Enfin, un patient coronarien ne doit pas partir seul. Il lui faut se méfier du froid et du vent ; et en cas de symptôme anormal, il doit renoncer.
Quant aux hypertendus bien équilibrés, ils peuvent séjourner en altitude. Si nécessaire, un traitement antihypertensif non bradycardisant pourra être substitué à leur traitement habituel bradycardisant, du fait du risque de baisse de performance.
Amphi de cardiologie « Cur et sport » parrainé par les Laboratoires Bayer Pharma, avec la participation des Drs L. Auriacombe, R. Brion, A. Ducardonnet, P. Dumoulin, C. Lelguen, J.-C. Verdier, membres du Club des cardiologues du sport (CCS).
Les contre-indications absolues pour un séjour prolongé en haute altitude
D'après le Dr Richard Brion (Lyon), les contre-indications absolues pour un séjour prolongé en haute altitude sont :
cardiopathies ischémiques non équilibrées ;
valvulopathies obstructives significatives (RA, RM) ;
hypertension artérielle pulmonaire, quelle qu'en soit l'origine ;
insuffisance cardiaque ;
troubles du rythme significatifs non contrôlés ;
cardiopathies congénitales non guéries ;
porteurs de valves mécaniques (en raison des anticoagulants) ;
insuffisance respiratoire ;
apnée du sommeil ;
insuffisance rénale ;
antécédents de maladie thromboembolique ;
anomalies de la coagulation ;
hémoglobinopathies.
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