Pèlerinages-randonnées à Saint-Jacques de Compostelle ou au Mont Saint-Michel, séjours-retraites dans le silence des dojos tibétains ou des abbayes et autres stages mandala : les vacances en mode spirituel attirent.
En dehors des engagements confessionnels, cet engouement, à en croire les livres témoignages qu’on s’arrache, procurerait réconfort, harmonie et confiance en soi. Somme toute, se mettre à croire en Dieu serait bon pour la santé. L’ouverture à une dimension mystérieuse et transcendante de l’existence délivrerait bien-être psychique et corporel, cet anti-stress aiderait à surmonter les épreuves de la vie. En redonnant du sens à un réel souvent chaotique et violent, en se connectant à une divinité bienveillante, le pèlerin et le retraitant soulageraient leur angoisse existentielle et augmenteraient même leur espérance de vie. Plus saint, plus sain !
Évidemment cette rumeur très tendance a ses détracteurs. Dans le sillage de Nietzche, ils dénoncent dans les croyances religieuses « une psychologie imaginaire, qui entretient un univers de pure fiction, avec des effets imaginaires qui fausse la réalité, la dévalue et la nie » (« L’Antechrist »). Ainsi, non seulement les expériences mystiques n’auraient aucune vertu thérapeutique, mais elles créeraient et entretiendraient des troubles psychiques, entre schizophrénie et angoisses, psychose et névrose. Selon Nietzche, le « nervus sympathicus » (système nerveux sympathique) agirait sur les pensées, les désirs et les idées au moyen de la sémiotique de l’idiosyncrasie religieuse (repentance et remords, tentation et péché, diable et damnation). La croyance en Dieu serait à la fois cause et conséquence de la maladie mentale.
Une revue systématique de la littérature a recensé plus de 850 études sur le lien entre santé mentale et croyance en Dieu. Elle conclut à une prévalence de la dépression et de l’anxiété moindre chez les croyants, avec une incidence du suicide inférieure (Koenig HG, Larson DB., Religion and mental health : Evidence for an association. « Int Rev Psychiatry » 2001;13: 67-78).
Des corrélations bénéfiques ont été mises en évidence entre santé physique et croyance en une divinité par plus de 350 publications. Ainsi, une cohorte de 2 812 personnes âgées de plus de 65 ans suivie pendant six ans dénombre moins d’AVC chez les personnes qui fréquentent régulièrement des cultes. Mais on observe que celles-ci ont des comportements plus sains, avec beaucoup moins de fumeurs (Koenig HG, McCullough ME, Larson DB. Handbook of religion and health. New York : OUP, 2001).
Une activité religieuse privée (méditation, prière, lecture sacrée) est associée à une probabilité de survie à six ans accrue de près de 50 % par rapport aux personnes qui déclarent ne jamais se livrer à ces activités spirituelles (Helm HM, Hays JC, Flint EP, et al. Does private religious activity prolong survival ? A six-year follow-up study of 3,851 older adults. J Gerontol Med Sci 2000; 55A:M400-5).
Être croyant améliorerait l’évolution des personnes hospitalisés en court séjour de psychiatrie ; les patients sans appartenance religieuse mais croyant en une puissance supérieure évoluent significativement mieux que les non croyants (Journal of Affective Disorders, avril 2013, in le Quotidien du 26 avril 2013).
Mgr Michel Aupetit (ex-généraliste et évêque de Nanterre)
« Marcher sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle, ou se retirer dans un lieu de méditation et de silence, c’est certainement une manière de chercher Dieu. Et comme disait saint Augustin : "Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais pas déjà trouvé".
Ces marches et démarches à résonnance spirituelle permettent d’approcher les choses de la vie autrement, normalement, elles rendent heureux, elles sont un acte de volonté et de liberté qui a au moins un bénéfice pour la santé mentale. Comme généraliste, je n’ai pas eu véritablement l’occasion de le vérifier, mais la littérature est claire à ce sujet : la recherche de la transcendance est essentielle à l’équilibre de la personne. Croire en Dieu aide donne une raison de vivre et de se lever chaque matin, en appréciant mieux les relations humaines. Mais ne me faites pas sire que cela vous épargnera le cancer ou vous en guérira ! »
Dr Bernard Graber (ancien secrétaire général de l’Union rationaliste)
« L’effet bienfaisant de la croyance en Dieu, dès lors qu’il est établi par les études épidémiologiques, demande à être non pas réfuté au nom d’un matérialisme étroit, mais doit être expliqué avec l’esprit et les méthodes de la science. Il faut d’abord préciser ce qu’on entend par Dieu et par croire, selon une pratique religieuse, ou une conviction intime. Il faut ensuite expliquer. Un Dieu protecteur peut exercer un effet placebo.
La croyance dans la vie éternelle apaise l'angoisse de la mort tandis que le Inch Allah ou d’autres "C'est la volonté de Dieu" délivrent des inquiétudes, même si, dans ce cas, le simple "c'est la vie" peut avoir le même effet ! Des travaux sur les taux de sérotonine et d’opioïdes circulants ont d’ailleurs montré que la foi pouvait agir comme un anxiolytique, en consolant, ou en créant une illusion de contrôle des événements qui nous échappent. »
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