Dans un avenir proche, des probiotiques pourraient occuper une place dans la prise en charge de certains événements aux cours des maladies inflammatoires cryptogénétiques de l'intestin, ou MICI. Sentiment général qui apparaît à la lecture d'un travail d'analyse de la littérature mené par Philippe Marteau et Philippe Seksik et publié dans « Gastro-entérologie clinique et biologique ». Ces deux médecins de l'hôpital européen Georges-Pompidou ont tenté de « résumer et critiquer les essais randomisés et contrôlés (dont le niveau de preuve est suffisant)... ».
En préambule à leur travail, ils rappellent que « les effets des probiotiques dépendent en général de la souche utilisée, aussi leur extrapolation d'une souche à l'autre ou d'un produit à l'autre ne doit-elle pas être faite ». Trois produits ont été analysés de façon randomisée, contrôlée. Il s'agit d' Escherichia coli Nissle 1917, du VSL#3 et de Saccharomyces boulardii.
E. coli, sérotype O6, K5, H1, non pathogène
Trois travaux sont rapportés par les médecins français sur E. coli, sérotype O6, K5, H1, non pathogène. Il est commercialisé en Allemagne sous le nom de Mutaflor (2,5 à 25 10 puissance 9 E. coli souche Nissle 1917 viables par capsule).
Un premier travail, en 1997 (Malchow) a été mené auprès de 28 sujets atteints de la maladie de Crohn. L'essai, randomisé et contrôlé, visait à suivre le maintien de la rémission, après corticothérapie, de patients recevant pendant un an soit le probiotique, soit un placebo. A ce terme, 70 % des sujets sous placebo ont rechuté, contre 30 % de ceux recevant E. coli. La différence apparaît significative.
Deux autres travaux, plus récents, ont opposé cette souche bactérienne à la mésalazine, en prévention de la rechute de rectocolite. Kruis et coll. ont constaté chez 120 patients, traités pendant douze semaines, un taux de rechutes de 11,3 % dans le groupe mésalazine contre 16 % (écart non significatif). Mais durée courte de suivi et faible nombre de patients limitent la puissance statistique du travail. L'autre étude, sur le même nombre de malades évite le reproche de la durée puisqu'elle a duré douze mois. A ce terme, une rechute à été constatée chez 73 % des patients sous mésalazine et chez 67 % de ceux sous probiotique (écart encore non significatif). Si les auteurs concluent à une efficacité similaire de deux traitements, P. Marteau et P. Seksik pour leur part écrivent : « On pourrait aussi conclure que les deux substances étaient aussi inefficace l'une que l'autre. Des études de confirmation comparant le probiotique au placebo sont donc nécessaires. »
Lactobacilles, bifidobactéries et streptocoque
En ce qui concerne le VSL#3, les auteurs ont aussi retenu trois études. Le principe probiotique repose sur l'association de 4 souches de lactobacilles, 3 de bifidobactéries et une de streptocoque. Quarante patients atteints de pochite récidivante ont reçu, sous la houlette de Gionchetti et coll., pendant neuf mois soit le VSL#3, soit un placebo. Si 15 % des premiers avaient rechuté au cours de la période de l'essai, échec dans 100 % des cas sous placebo. Le résultat est qualifié de significatif ! La même équipe, par la suite, a mené le même type d'essai, sur un an, chez 40 sujets venant de subir une anastomose iléo-anale avec réservoir. Ici, ces médecins relèvent 10 % de pochite aiguë sous VSL#3, contre 40 % sous placebo. La différence est encore significative.
Une troisième étude est rapportée. Plus complexe, elle a été menée sur douze mois chez 40 patients opérés d'une maladie de Crohn. Ils ont reçu soit 4 g de mésalazine, soit de la rifaximine pendant trois mois suivie du probiotique les neuf autres mois. Les seconds n'ont connu que 20 % de rechute, les premiers 40 %.
Les médecins français estiment que, « à ce jour, le niveau de preuve d'efficacité de ce mélange (VSL#3), prescrit après rifaximine (non disponible en France) pour prévenir l'apparition d'une pochite, semble donc assez bon ».
Le nombre de selles émises par jour
Reste Saccharomyces boulardii. Au cours de la maladie de Crohn, un premier essai mené chez 18 malades a opposé le probiotique à un placebo pendant seize semaines. Si le nombre de selles émises par jour (critère de jugement) restait similaire entre les deux groupes au début, à quatre semaines les patients réellement traités avaient globalement deux selles quotidiennes de moins (3,1±1 versus 5,1±2,9). Un deuxième travail a analysé la fréquence des rechutes. Guslandi et coll. ont proposé à 32 patients, six mois après une poussée, soit 3 g de mésalazine par jour (n = 16), soit 2 g, associés à S. boulardii (n = 16). Six rechutes ont été notées dans le premier groupe contre une seule chez les seconds (l'écart est significatif).
Un dernier travail est cité en prévention de la rechute de rectocolite hémorragique. Copaci et coll. ont traité 31 patients soit par mésalazine seule, soit associée au probiotique. A un an, ils relèvent 35 % de rechute chez les premiers et 30 % chez les seconds. La prudence, quant à l'extrapolation des résultats, reste de mise en raison des faibles nombres de patients.
Le niveau de preuve est donc proche d'être atteint pour le VSL#3, en prévention de pochites. Mais avec les deux autres probiotiques, il reste encore moyen, si l'on s'en réfère au niveau requis pour qu'un médecin change ses habitudes thérapeutiques.
« Gastro-entérologie clinique et biologique », vol. 25, hors-série II, septembre 2001, pp. C94-C97.
Des micro-organismes vivants
Au début de leur étude de la littérature, P. Marteau et P. Seksik précisent que «les probiotiques se définissent comme des micro-organismes non pathogènes qui, ingérés vivants sous la forme de médicaments ou de produits alimentaires, exercent une influence positive sur la santé ou la physiologie de l'hôte. Certains de leurs effets peuvent être dus à une modulation de l'écosystème intestinal, mais d'autres sont soit directs, par des enzymes qu'ils contiennent ou des produits de sécrétion, soit indirects par leur influence sur le système immunitaire.»
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